Le Premier ministre espagnol Mariano Rajoy donne une conférence de presse à l'issue d'une réunion de crise sur la Catalogne, le 11 octobre 2017 à Madrid © AFP STRINGER
Le Premier ministre espagnol Mariano Rajoy a menacé mercredi de suspendre l’autonomie de la Catalogne, sommant le président séparatiste de confirmer s’il avait bien déclaré l’indépendance de sa région.
Lors d’une brève déclaration télévisée, M. Rajoy a enjoint à Carles Puigdemont de revenir à la légalité, faute de quoi il utiliserait pour la première fois l’article 155 de la Constitution, qui permet de suspendre partiellement ou complètement l’autonomie d’une région.
Il a annoncé avoir demandé formellement au président catalan s’il avait déclaré l’indépendance de la Catalogne, après « la confusion engendrée délibérément » par l’exécutif catalan mardi soir.
Cette demande est préalable à toute mesure que le gouvernement pourrait prendre dans le cadre de l’article 155, a ajouté M. Rajoy, qui a prévu de s’exprimer devant les députés en fin d’après-midi.
« De la réponse du président (…) à cette demande dépendra la suite des événements », a ajouté le chef du gouvernement conservateur, recevant aussitôt le soutien du Parti socialiste, principal parti d’opposition.
La suspension de l’autonomie, sans précédent depuis 1934, serait considérée par beaucoup de Catalans comme un affront et pourrait déclencher des troubles dans cette région très attachée à sa langue et sa culture et dont l’autonomie a été rétablie après la mort du dictateur Francisco Franco (1939-1975).
L’Union européenne, déjà secouée par le Brexit, suit la crise avec inquiétude. La Commission européenne a répété avec force mercredi qu’elle attendait un « plein respect de l’ordre constitutionnel espagnol ». Paris, Berlin et Rome ont dénoncé le caractère « illégal » et « inacceptable » d’une déclaration d’indépendance.
Les dirigeants indépendantistes de Catalogne se sont appuyés mardi sur la victoire du « oui » à l’indépendance au référendum d’autodétermination interdit et contesté du 1er octobre – avec 90% des voix et une participation de 43% – pour signer une déclaration d’indépendance de la République de Catalogne.
– ‘Force destructrice’ –
Mais M. Puigdemont avait préalablement annoncé qu’il suspendait les effets de la déclaration dans l’attente d’un dialogue avec Madrid.
« Le président (Puigdemont) a dit qu’il suspendait les effets de l’indépendance, de la loi de transition (vers l’indépendance, ndlr) pour pouvoir nous asseoir, écouter, dialoguer, voir s’il y a un moyen de trouver un accord », a expliqué mercredi matin le porte-parole du gouvernement catalan Jordi Turull.
« La déclaration d’indépendance doit être faite par le Parlement de Catalogne », a-t-il ajouté, évoquant à ce stade une signature « symbolique ».
Le référendum, dont les résultats sont invérifiables faute de commission électorale indépendante, a ouvert la crise politique la plus grave en Espagne depuis son retour à la démocratie en 1977, divisant aussi profondément les habitants de la Catalogne, où vivent 16% des Espagnols.
Le ministre des Affaires étrangères Alfonso Dastis a accusé les séparatistes d’être « une force destructrice qui se propose de vaincre la démocratie, détruire l’Etat de droit et mettre en danger l’espace européen ».
Le chef du Parti socialiste espagnol, Pedro Sanchez, a dénoncé une « cérémonie de l’absurde » avant d’annoncer un accord avec M. Rajoy pour étudier dans les mois à venir une réforme de la Constitution afin de tenter de résoudre la crise catalane.
– 19% du PIB –
En attendant, l’impact économique de la crise continue à se faire ressentir. Alors que six des sept entreprises catalanes cotées au principal indice à la Bourse de Madrid ont décidé de transférer leur siège social hors de la région, c’était au tour de l’assureur Axa Espagne de délocaliser une partie de ses activités mercredi.
Madrid a pris en septembre une mesure exceptionnelle en mettant sous tutelle les finances de la région, dont la marge de manoeuvre est considérablement réduite.
Hormis la suspension d’autonomie, le gouvernement a plusieurs instruments à sa disposition, comme un état d’urgence allégé lui permettant d’agir par décrets.
Une arrestation de Carles Puigdemont et son entourage dans le cadre d’une enquête judiciaire déjà ouverte pour sédition n’est en outre pas exclue.
Toute mesure drastique risque cependant de provoquer des troubles en Catalogne, région de 7,5 millions d’habitants, pesant 19% du PIB du pays.
Les Catalans, divisés presque à parts égales sur l’indépendance, souhaitent en majorité un référendum en bonne et due forme.
Selon une source du gouvernement régional catalan, juste avant l’ouverture de la séance parlementaire, Carles Puigdemont a reçu un ou des appels de l’étranger qui l’ont amené à retarder son allocution. Mais Madrid continue à exclure toute médiation entre elle et la Catalogne.
LNT avec Afp