L’annonce par le Président français de la dissolution de l’Assemblée nationale suite aux résultats des élections européennes qui ont vu la large victoire du Rassemblement national, a fait l’effet d’une bombe aux multiples déflagrations.
De joie d’abord, du côté notamment de la doublette LePen Bardella, qui réclamaient cette dissolution et qui félicitent même Emmanuel Macron pour son « fair play » politique et son respect de la lettre et de l’esprit de la Vème République. Car les faits sont là, le parti présidentiel a vu son rival gagner par le double de son volume de votes, en conséquence le Président redonne la main aux Français pour désigner des représentants, représentatifs.
De stupeur ensuite, pas tant dans le camp de la majorité, visiblement mis au parfum, mais dans celui de la gauche, dont l’unité du temps de la NUPES a volé en éclat ces deux dernières années. Branle-bas de combat donc à gauche de la gauche, du côté de la LFI dont les élus et représentants ont très rapidement cherché à amadouer et à copiner avec le PS de Glucksmann, qui a tenu son pari de faire renaitre de ses cendres le parti à la Rose. De même, les Verts qui n’ont pas transformé l’essai lors de ces élections européennes, chercheront comme le lichen, à rejoindre toute coalition de gauche.
C’est aussi relativement la panique du côté de la droite traditionnelle française, gaulliste et républicaine, même si ces références ne semblent plus soulever les foules au regard des résultats atteints.
Mais, la gueule de bois de la soirée électorale passée, les uns et les autres commencent à comprendre qu’Emmanuel Macron n’a pas été juste un bon perdant en annonçant cette dissolution. D’abord le timing est improbable. Il est tout simplement impossible que le Président et son entourage, n’aient pas décidé cette dissolution en amont des résultats. C’est un scénario qui a clairement été pensé et réfléchi de longue haleine, d’autant que la victoire du RN était cousue de fil blanc avant même le début de la campagne électorale.
Le Président de la République française a déclaré dans son discours vouloir « écrire l’histoire plutôt que de la subir » et le message est on ne peut plus limpide. Macron qui annonçait vouloir être le Président qui aura fait barrage concrètement à l’extrême droite, risque de s’avérer être celui qui la portera au pouvoir. Dans ce contexte, un coup de poker mérite d’être joué, surtout lorsqu’en bon joueur, on connait ses cartes et celles des autres.
Car les élections européennes, au scrutin proportionnel, ne sont en aucun cas comparables avec les élections législatives dans lesquelles tous les partis doivent être en mesure de présenter des candidats crédibles, avec deux tours de scrutin, dans tout le pays. Ce n’est pas la même configuration que celle que nous venons de connaitre où les partis ont présenté leur « Dream Team » au complet dans leurs listes européennes.
De trois choses l’une, soit le RN fait un raz-de-marée aux législatives et emporte une majorité qui lui permet de gouverner sans coalition ; soit son score est conséquent, en fait une force majeure au Parlement, mais ne l’autorise pas à gouverner seul ; soit le Président gagne son pari qui était de remettre tout le monde dans la bataille pour dégager de nouvelles forces à l’Assemblée nationale, rendue catatonique par les extrêmes.
Kasparov disait, “aux échecs il faut jouer de manière aussi active en attaque qu’en défense”. C’est certainement ce que pense Emmanuel Macron. Il semble prêt à sacrifier sa Reine, en prenant le risque que début juillet, les Français portent le RN à la primature et imposent une cohabitation inédite. Mais, il protège aussi et surtout son Roi, en essayant d’anticiper le coup fatal que serait une victoire à l’élection présidentielle de 2027, du camp lepéniste. Une partie d’échecs que viendront surement perturber les egos des uns et des autres, au sein du RN et entre les cadors de gauche et de droite.
Une zizanie organisée qui pourrait bien faire les affaires du Président, mais dont le risque ultime est que la tendance mondiale sur laquelle surfe les populismes de tout bord, s’enracine d’avantage et accentue la fracture sociétale.
Zouhair Yata
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