Attijari Titrisation vient de réaliser une opération sur les créances hypothécaires d’Attijariwafa bank, par le lancement d’un fonds, FT Miftah fonctionnaires.
La souscription de ce dernier, qui a été bouclée le 7 novembre dernier, a porté sur 1 000 100 000 dirhams. L’émission en question porte sur des actifs sous-jacents que sont des crédits acquéreurs octroyés aux fonctionnaires et garantis par des hypothèques de premier rang.
Celle-ci s’est faite en deux tranches, celle des obligations A1, pour un montant de 500 Mdhs, lesquelles sont amortissables avec une maturité de 9 ans et une duration de 4,3 ans qui ont été souscrites à un taux servi aux investisseurs de 3,22% dont une prime de risque de 0,40%.
La seconde tranche des obligations A2 pour 450 MDHS, qui sont aussi amortissables, d’une maturité de 18 ans et une duration de 10 ans, a bénéficié d’un taux de 4,0% avec une prime de risque de 0,55% du fait de la longévité de son terme.
Le FT Miftah Fonctionnaires attribue, comme il est d’usage en la matière, une part résiduelle de 5% souscrite par AWB pour 50 MDHS, qui représente pour les institutionnels souscripteurs une garantie supplémentaire pour couvrir théoriquement les éventuels impayés.
Cette première opération de titrisation d’AWB qui a bénéficié d’un spread faible a été sursouscrite 1 fois et demie, soit précisément 1,45 fois.
Un outil bien connu
Pour comparaison, il faut savoir qu’en décembre 2008 , le FPCT CREDILOG III du CIH, d’1,500 milliard de dirhams, la prime de risque pour la première tranche de 4,5 ans, était de 60 points de base et pour la seconde sur 14,5 ans, de 65 pdb.
Plus récemment, en 2012, pour FPCT SAKANE d’un milliard de dirhams, la prime de risque était de 55 pdb pour le 5,5 ans avec une garantie supplémentaire de 8,5% souscrite par l’émetteur.
Et, en avril 2014, pour le FPCT CREDILOG IV d’1,2 milliard de dirhams du CIH, le poids de la part « equity » souscrite par l’initiateur de l’opération est montée à 20% pour maintenir la prime de risque à 40 pdb sur 3 ans.
C’est dire que la titrisation des créances hypothécaires est un outil de financement qui n’est pas nouveau pour le système bancaire, qu’il a servi notamment dans la restructuration du CIH et que maintenant que les grandes banques ont leurs propres sociétés de titrisation, elles ne manquent pas de recourir à cet instrument pour satisfaire leurs besoins de trésorerie.
Certes, il s’agit d’une évolution positive du refinancement bancaire qui, du fait du retour de la croissance des crédits à l’économie, peut répondre aux besoins du système bancaire. Et ce, sachant que les banques marocaines ont toujours eu recours à des moyens modernes de financement par le haut du bilan comme les obligations subordonnées et autres perpétuelles. Et que le recours à la titrisation est, quant à lui, un instrument de financement par le bas du bilan qui permet aux banques de céder une partie de leurs portefeuilles hypothécaires !
Encore plus à l’avenir
Ainsi, selon que le refinancement bancaire a pour objectif le renforcement de la liquidité ou des fonds propres, il s’agit de deux concepts de financement différents.
En effet, le système bancaire marocain est déjà engagé dans le respect des règles prudentielles de Bâle 3 à la précision que Bank Al-Maghrib leur permet de le faire progressivement jusqu’à 2019.
L’essentiel des changements pour les banques consiste à renforcer leurs fonds propres et pour cela en effet, la nouvelle réglementation a créé de nouveaux instruments de refinancement que sont les émissions obligataires perpétuelles.
Celles-ci, par définition, sont sur le même terme que le capital auquel elles s’assimilent et peuvent être assorties d’une option de conversion en actions sous certaines conditions, leur permettant d’être considérés par la banque centrale comme des fonds propres de type AT1 ou « Additional Tier 1 capital ».
Il s’agit d’instruments hybrides entre dette et equity. L’année dernière, AWB en a émis pour la première fois, pour un montant de 500 millions de dirhams et BMCE Bank of Africa vient de placer une émission pour un milliard de dirhams.
Cet outil de renforcement des fonds propres va certainement se développer compte tenu des besoins en la matière de la plupart des banques.
Les obligations subordonnées perpétuelles ne sont pas classées au même niveau que les émissions obligataires subordonnées tout court.
Car la nouvelle réglementation Bâle 3, comme Bâle 2, prévoit que ces dernières, considérées comme des quasi-fonds propres, ne rentrent cependant pas dans le tier 1 mais dans le tier 2 des capitaux propres.
Bâle 3, prévoit en effet, que le tier 1 des capitaux propres d’une banque représente 9% des risques pondérés (« RWA »), dont au moins 8% en core tier 1 ( soit capital et réserves), et au maximum 1% en obligations perpétuelles assorties de conditions de conversion en capital.
Le tier 2 est, lui, destiné à être composé d’obligations subordonnées de telle sorte à porter la somme Tier 1 + Tier 2 à hauteur de 12 % des risques pondérés des engagements au minimum.
Ce sont là les règles de Bâle 3 que Bank Al-Maghrib laisse aux banques jusqu’à 2019 pour en observer le respect total, sachant qu’ils sont accompagnés d’autres changements dans ce qui peut être financés par tier 1 ou tier 2 et des déductions obligatoires de chacune de ces deux catégories, comme par exemple les participations des banques dans des banques à l’étranger qui seront déduites obligatoirement du tier 1 en 2019 alors qu’elles l’étaient auparavant par moitié entre les deux tier.
Cela oblige les banques marocaines à renforcer leurs ratios tier 1 d’ici 2019 et de préférence pour elles par des émissions perpétuelles car le capital coûte plus cher du fait que la rentabilité attendue par les actionnaires, est élevée ( addition du dividende et de l’appréciation attendue de la valeur de l’action).
C’est parti pour durer !
Toutefois, un constat s’impose selon lequel le refinancement bancaire par augmentation des fonds propres reste limité par rapport aux besoins en liquidité! Et donc, le recours actuel des banques à la titrisation de leurs créances garanties est assurément un moyen qui pourrait être plus pérenne parce qu’il est basé sur l’activité bancaire qui par définition est courante.
C‘est ainsi « qu’AWB, se prépare depuis un moment à utiliser cet instrument de financement en travaillant sur la structuration de son fonds de titrisation et ce, dans l’objectif d’optimiser le spread de ses émissions titrisées. Il s’agit d’identifier les crédits de qualité maximum, les assortir d’une sur-garantie en mettant à la charge de la banque en tant qu’émetteur, les éventuels impayés pour atteindre un instrument aussi sûr qu’un bon du Trésor avec un spread très faible.
Compte tenu des besoins futurs de liquidité et de pilotage du risque de taux sur son bilan, l’objectif de la banque est d’en faire un outil de financement permanent » nous explique M. Ismail Douiri, Directeur Général à Attijariwafa Bank .
Le lancement de FT Miftah fonctionnaires pour des créances hypothécaires pour un montant de 1 000 100 000 de dirhams pourrait donc n’être que le premier d’une série d’autres fonds de titrisation de la banque…
AWB veut contribuer au développement d’un marché de la titrisation en créant une hiérarchie sur le risque de ces instruments pour que les investisseurs disposent d’une palette complète d’éléments d’appréciations de créances plus ou moins risquées et établissent ainsi un spectre de primes de risque associées.
Grâce à certaines techniques, les banques peuvent structurer pour le même sous-jacent différentes tranches avec différents risques, sans tomber dans les excès des Subprimes américains qui ont engendré la crise financière de 2007, en fabriquant à partir de sous-jacents de mauvaise qualité des obligations titrisées notées AAA par les agences de notation.
Les critères de différenciation des créances peuvent être la distribution géographique des hypothèques, la qualité des créanciers comme les fonctionnaires de l’État dont les crédits sont prélevés à la source, l’absence d’impayés depuis la production, la maturité moyenne ou longue des créances saines, etc.
AWB, pour ses besoins de liquidité, veut ouvrir un nouveau compartiment avec des émissions de titrisation régulières basées sur des créances hypothécaires ou même des crédits à la consommation ou toute autre créance.
L’objectif étant de rendre toutes les créances vendables pour diversifier ses sources de financement par le bas du bilan, sachant que comme toutes les banques, elle se finance déjà régulièrement sur les marchés à travers des émissions de certificats de dépôt qui sont des obligations non sécurisées sans sous-jacents sur différentes maturités, toutes relativement courtes.
Dans les marchés développés, peu de banques gardent les crédits dans leurs bilans.
Les banques produisent des crédits destinés à être recédés sur le marché des capitaux.
Ce faisant, elles financent des actifs à taux fixe longs (les crédits immobiliers par exemple) par des passifs longs à taux fixes également que sont les obligations titrisées, ce qui leur permet de diminuer leur propre risque de taux et mieux immuniser leur marge par rapport à des changements ultérieurs dans l’environnement de taux d’interêt.
Les banques s’ouvrent ainsi un nouvel horizon, imposé par leur internationalisation et leur croissance interne comme externe qui exigent de renforcer leurs fonds propres et leurs liquidités, tout en diversifiant leurs sources de financement.
Afifa Dassouli