La Nouvelle Tribune :
M. Benhalima, vous dirigez la Société Marocaine de Gestion des Fonds de Garantie des dépôts bancaires, créée en 2015. Pouvez-vous la présenter à nos lecteurs ?
M. Lhassane Benhalima :
Il s’agit d’une société de gestion par définition, statutairement et juridiquement indépendante, comme le précise spécifiquement la Loi bancaire de 2014. Elle a été créée en avril 2015.
Toutes les banques adhérentes au Fonds de garantie des dépôts sont actionnaires, à parts égales, d’un capital de 1 million de dirhams, y compris BAM.
Elle est en charge de la gestion du fonds de garantie des dépôts bancaires et a pour mission d’indemniser le cas échéant, les déposants. Elle a également le pouvoir d’entrer dans le capital d’une banque en difficulté par des prises de participation ou d’accorder des concours remboursables et exceptionnels, le temps de son renflouement. Ainsi, ces deux volets de sa mission sont destinés à prévenir toute faillite bancaire.
Mais, cette indépendance n’exclut pas le maintien de liens organiques avec l’Institut d’émission. En effet, le Wali de BAM est le président du conseil d’administration de la société de gestion du fonds de garantie.
De plus, les concours remboursables ne peuvent être enclenchés qu’à la demande de la Banque centrale. Mais, la société de gestion reste souveraine et peut ou non accepter de le faire.
Sachez que ce fonds de garantie des dépôts bancaires dispose, grâce aux cotisations collectées depuis 1996, de 17 milliards de dirhams, compte non tenu des revenus de placements qui sont de l’ordre de 4,3 milliards de dirhams. Il dispose au total des disponibilités atteignant actuellement 21,3 Mrd de dirhams. Pour l’exercice 2017, le fonds de garantie a collecté, à fin mars 2018, 1,6 milliard de dirhams. Elles sont placées en obligations garanties par l’État, en valeurs du Trésor et en certificats de dépôts.
Le mot d’ordre de notre politique de placement est la sécurité pour garantir la pérennité du fonds et la liquidité pour servir rapidement les indemnisations en cas de besoin.
Par ailleurs, concernant notre politique d’investissement, il faut savoir que nous avons une démarche en interne qui est stricte, avec une gouvernance dédiée à l’investissement et matérialisée par un comité d’investissement qui se réunit trimestriellement. En effet, il nous a fallu un temps pour l’opérationnalisation de la société de gestion en question.
La SGFG est une société anonyme avec un conseil d’administration, présidé par le Wali de BAM. Trois banques, Attijariwafa bank, BMCE Bank et BCP y sont administrateurs. A leur côté, nous avons deux administrateurs indépendants.
Bien sûr, nous avons dû recruter, mettre en place une organisation, un système d’information, des règlements intérieurs, et des procédures de contrôle etc….
Aujourd’hui la société fonctionne avec un comité d’investissement, un comité d’audit et des risques, un comité d’intervention et de résolution.
Quelle est la stratégie de la SGFG sur les prochaines années ?
Elle se définit à travers un nouveau plan stratégique 2019-2021, qui doit être présenté au prochain conseil d’administration pour remplacer celui de 2015-2017 qui a consisté en l’opérabilité de la société de gestion.
Nous avons acquis notre autonomie de gestion au niveau des ressources, initié une politique de communication graduelle parce que l’on n’était pas opérationnel, édité des brochures et opéré un site Web. Mais surtout, la SGFG vient de lancer une étude d’importance sur la faisabilité de l’indemnisation des déposants.
Nous devons, en effet, mettre en place une plateforme informatique pour l‘indemnisation et le paiement des déposants, ce qui ne peut pas se faire manuellement.
Selon la norme européenne, les déposants doivent être payés en 20 jours, laquelle norme va tomber graduellement à 7 jours en 2024. Ces délais sont aujourd’hui impraticables chez nous et il nous faut donc d’urgence cette plateforme. C’est un écosystème que nous devons mettre en place. Il s’agit d’un projet qui sera mené à terme dans les trois prochaines années.
Par ailleurs, 2018, est pour nous une année charnière au cours de laquelle devra être validée le plan comptable du fonds collectif de garantie des dépôts par le Conseil National de la Comptabilité.
Enfin, une autre nouveauté, introduite par la loi de 2014, s’impose à nous, celle de la création d’un fonds de garantie pour les banques participatives au sujet desquelles nous attendons la circulaire de BAM.
Les montants recueillis devront être placés dans des produits compatibles avec la Chariâ, ce qui va élargir notre univers d’investissement, nous permettant d’aller sur les OPCI, les sukuks, etc……
Pouvez-vous nous parler du workshop que vous avez organisé pour réunir vos partenaires étrangers ? SGFG occupe-t-elle déjà une place à l’international ?
En effet, nous avons tenu un workshop auquel pas moins de 65 participants représentant 34 pays ont y assisté. Ce workshop était une occasion pour nous d’échanger nos expériences avec nos homologues étrangers et de tirer profit des meilleures pratiques internationales.
Pour donner plus de visibilité sur notre fonds de garantie, nous avons également signé des conventions avec différents pays comme la Jordanie, la Palestine pour partager notre expertise. Mais aussi avec l’Afrique centrale, et l’Union Monétaire Ouest Africaine, UMOA.
La SGFG est également membre de l’IADI, (International Association of Deposit Insurers), dont elle assume la vice-présidence pour la région MENA. Elle est également membre du comité régional Afrique, adossé à l’IADI.
Nous jouissons déjà d’une réputation d’exemple, tant au niveau de la région MENA qu’en Afrique, car le système de garantie des dépôts est encore tout aussi jeune pour nos partenaires dans ces régions.
Nous travaillons beaucoup sur le volet coopération sud-sud, puisque nous avons apporté une assistance technique à la Tunisie, à la Palestine et à l’UMOA pour mettre en place un système de garantie des dépôts. On a également animé un workshop régional, tenu à Tunis en novembre dernier, au profit des pays arabe en leur présentant les principes fondamentaux de l’IADI et les modalités de leur implémentation.
Entretien réalisé par Afifa Dassouli