Une vieille voiture américaine passe devant l'ambassade des Etats-Unis à La Havane, le 12 janvier 2021 à Cuba © AFP YAMIL LAGE
C’est l’estocade finale de l’administration Trump contre Cuba: le retour de l’île sur la liste des pays soutenant le terrorisme est une « décision politique » qui affectera la population sans obtenir de concession du gouvernement communiste, préviennent les analystes.
« On va se rappeler de Trump comme de l’ouragan qui a frappé Cuba en 1932 », le plus meurtrier (3.000 morts) de l’histoire du pays, soupire Angel Luis Lopez, 58 ans, dans une rue pavée de la vieille Havane.
« Trump, son cauchemar c’est Cuba, même mort il aura encore envie de s’en prendre à Cuba », renchérit une autre passante, Ambarina Columbie, 56 ans.
L’annonce lundi de cette ultime sanction, neuf jours seulement avant le départ de Donald Trump de la Maison Blanche, a provoqué l’indignation à Cuba, déjà durement touché par le renforcement de l’embargo américain en pleine pandémie de coronavirus.
« Au comble du cynisme, les terroristes et immoraux de l’administration Trump nous accusent de soutenir le terrorisme », a réagi mardi sur Twitter le président Miguel Diaz-Canel.
Pour le gouvernement cubain, il s’agit d' »opportunisme politique », une opinion partagée par le think-tank américain Washington Office on Latin America (Wola).
– « Vengeance » –
« Clairement c’est une décision motivée par la politique, une récompense aux alliés politiques internes de l’administration Trump ces dernières semaines, plus qu’un acte de politique extérieure », estime dans un communiqué Geoff Thale, président de Wola.
Selon Wola, la mesure compliquera la relation avec Cuba du nouveau gouvernement de Joe Biden et aggravera les difficultés économiques des Cubains.
« C’est un acte de vengeance qui affectera le peuple cubain et ne fera rien pour faire véritablement avancer les droits de l’homme ou les intérêts des Etats-Unis », selon Geoff Thale.
L’ancien président démocrate Barack Obama, dont Joe Biden était le vice-président, avait retiré La Havane de cette liste en 2015, lors du rapprochement spectaculaire entre les deux pays ennemis, qui avaient alors rétabli leurs relations diplomatiques pour tenter de tourner la page de la Guerre froide.
Cette parenthèse enchantée avait dopé le tourisme américain sur l’île, stimulé la création de restaurants et le secteur privé en général, apportant à nombre d’habitants un flux d’argent frais et des emplois mieux rémunérés.
Mais depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, les Cubains ont vu avec angoisse pleuvoir les sanctions, plus de 190 en quatre ans: l’interdiction des croisières américaines et les obstacles à l’envoi d’argent de leurs proches vers l’île, notamment.
– Aucune concession –
Le retour de Cuba sur cette liste noire, aux côtés de l’Iran, la Corée du Nord et la Syrie, restreint son commerce extérieur et expose les investisseurs étrangers sur l’île à des poursuites aux Etats-Unis.
Pour le professeur et ex-diplomate cubain Carlos Alzugaray, avec Obama les mesures contenues dans l’embargo, en vigueur depuis 1962, n’étaient plus appliquées qu' »à 90%, il n’avait pas pu descendre plus, et Trump lui les a fait remonter à 99% ».
Cette dernière sanction est « très cynique et hypocrite, car ils savent très bien qu’il n’y a aucun élément » de preuve contre l’île.
Pour cet ancien ambassadeur, Joe Biden devrait faire marche arrière et carrément demander la levée inconditionnelle de l’embargo par le Congrès américain.
« Les Etats-Unis ont été tellement implacables envers Cuba qu’il n’y a plus rien à faire (…), à une époque ils nous reprochaient nos troupes en Angola, à une autre le soutien de Cuba aux mouvements guérilleros en Amérique latine », dit-il, à propos d’éventuelles conditions que le gouvernement américain voudrait imposer avant d’alléger sa pression.
La seule chose sur laquelle Cuba a accepté de négocier, c’est pour offrir une compensation après la confiscation de propriétés de Cubains et d’Américains sur l’île lors de la révolution menée par Fidel Castro en 1959.
« Que va faire Cuba? Changer son fonctionnement interne? Non, ça ne va pas arriver, aucun pays ne change sa façon de faire sous la pression », assure Carlos Alzugaray, le gouvernement cubain n’ayant accepté aucune concession en près de 60 ans d’embargo.
LNT avec Afp