L’activité du jeu au Maroc se restructure ! Ce secteur, qui ne fait pas beaucoup parler de lui, fait l’actualité avec la nouvelle dynamique impulsée par la Loterie Nationale.
De quoi il s’agit ? La Marocaine des Jeux et des Sports, MDJS et La loterie Nationale gérée par la Société de Gestion de la Loterie Nationale, SGLN, qui avaient le même opérateur et le même réseau de distributeurs pour leurs jeux, pourtant différents, depuis près de 20 ans, viennent de se séparer au niveau opérationnel.
Aux origines…
On rappellera qu’avant 1999, la MDJS et la SGLN faisaient corpus commun sous l’enseigne Toto Loto à travers des sociétés comme L’OR pour la distribution et Lotoprint pour l’impression.
Depuis cette date, les deux acteurs avaient décidé de se moderniser et de faire appel à un opérateur prestataire qui proposerait des jeux on-line pour répondre aux nouveaux usages et s’appuyer sur de nouvelles technologies.
Ainsi, en 2000, ils avaient opté pour un opérateur américain, IGT, anciennement GTECH, qui avait la main sur les procédures de jeux, pour les deux entités, et dans la continuité, de 2009 à 2018, l’activité était opérée par Intralot, un grand opérateur international d’origine grecque.
Le contrat de ce dernier arrivant à échéance, la SGLN, dans le cadre de son nouveau plan stratégique initié en 2016, a proposé à ses instances de gouvernance différents scénarios de développement permettant d’en assurer l’autonomie et la pérennité.
De ce fait, la SGLN a lancé un appel d’offres et malgré un chiffre d’affaires qui n’attirerait peut-être pas les plus grands opérateurs internationaux, a pu migrer vers un modèle de distribution dédié.
Précisément, elle a conclu avec un opérateur italien, SISAL, qui a remporté l’appel d’offres et dont la proposition technique et financière était la plus attractive.
SISAL opère en Italie depuis 70 ans, avec les capacités requises, notamment en matière de systèmes d’informations et de maîtrise des réseaux de distribution.
Qui est qui
La SGLN est l’appellation de la société de gestion de la Loterie nationale. Il faut savoir que « la Loterie Nationale » est une activité qui appartient à l’État en monopole, alors que la SGLN est une société créée suite à la signature d’une convention entre la Caisse de Dépôt et de Gestion et le Ministère de l’Économie et des Finances, pour gérer l’activité en question.
M. Mohamed Sulaimani, Directeur général de la Loterie Nationale, a bien voulu décliner pour nous cette dernière en trois axes.
Le premier consiste à encadrer la population concernée parce qu’il y aura toujours un seuil incompressible, quelle que soit l’évolution de la société, de joueurs qu’il convient d’accompagner pour limiter les risques inhérents aux jeux illégaux et clandestins.
Le second consiste à proposer des jeux responsables, en évitant, autant que faire se peut, de mettre les joueurs en situation d’addiction, en excluant également les mineurs, etc.
Et le troisième axe porte sur la redistribution des produits des jeux collectés, notamment pour servir de bonnes causes.
La Loterie Nationale est l’un des trois acteurs du secteur des « Jeux » : la SOREC, qui opère dans le cadre des paris hippiques, et qui représente environ 70% du marché.
Le second concerne les paris sportifs qui portent essentiellement sur les compétitions footballistiques. Elle est du ressort de La Marocaine des Jeux et des Sports, MDJS, avec environ une part de marché de 20%.
La Loterie Nationale est donc le plus petit opérateur des trois. Elle est connue pour le jeu du Loto, qui consiste en un choix aléatoire de six numéros sur une grille qui en comporte quarante-neuf.
Outre le Loto, la Loterie Nationale, commercialise aussi le Keno, le Quatro, le « Pick’n Play », etc.
Le Loto, longtemps son produit phare, se positionne à la troisième place derrière le Keno et le Pick’n Play depuis quelques années, notamment du fait que son mode de fonctionnement répond à des exigences de publicité ou de diffusion du tirage à la télévision qui ne sont plus permises par la Loi marocaine en 2015 et même avant depuis 2012 suite à la modification du cahier des charges du pôle audiovisuel public.
Le mode opératoire
Ces jeux de loterie sont de deux types. Il y a les jeux de répartition et les jeux de contrepartie, qui eux bénéficient de gains fixés au préalable dans le cadre de la redistribution des revenus, avec un « taux de retour joueur », TRJ, qui est un élément fondamental.
Par exemple, pour un jeu comme le Loto ayant un TRJ de 51%, la manne collectée est répartie à ce taux de son total entre les joueurs gagnants.
Et plus le TRJ est élevé, plus le jeu devient addictif, et peut cache une opération douteuse. Le taux est fixé en fonction de l’attractivité des jeux d’une part et pour induire la limitation des dérives de l’autre.
Sur le plan financier suite à l’appel d’offres qu’elle a bouclé en mars 2018, la SGLN a réussi à optimiser la redevance de l’opérateur par rapport à l’offre précédente.
Dans le cadre donc de ce nouveau modèle, la redevance dédiée à l’opérateur est calculée non pas par rapport au chiffre d’affaires global, mais désormais par rapport au « Produit brut des jeux », PBJ, qui n’inclut pas le fameux TRJ qui représente jusqu’ici autour de 60% de la masse financière globale générée par les jeux commercialisés par la SGLN.
Et l’exploitation directe de ces jeux, du ressort du nouveau prestataire externe italien de la SGLN, limite ce dernier TRJ à 62%, taux déjà très confortable.
Le partage du gâteau
Les 40% du chiffre d’affaires restant de la Société de gestion de la loterie nationale se distribuent comme suit :
Le tiers de cette manne est rétrocédé à l’État à travers les comptes spéciaux du Trésor, le Fonds Spécial des Produits de Loterie et le Fonds National de Développement du Sport.
Le sixième de cette même manne est dévolu à la TVA, au taux de 20% appliqué uniquement au 40% en question.
Puis, un droit de timbre de 0,25% est prélevé lui par contre, sur le chiffre d’affaires global.
L’originalité de ce modèle économique, c’est que la distribution des revenus de la Loterie Nationale entre ses bénéficiaires, est connue d’avance.
A chaque mise, on sait précisément ce qui sera distribué à chaque partie prenante : les joueurs, les détaillants, l’Etat, l’opérateur prestataire et la SGLN.
Ainsi, après le prélèvement de la part de l’État, y compris les droits de timbre, et hors TRJ, il reste trois bénéficiaires au titre de l’exploitation, les distributeurs, l’opérateur, et la SGLN.
Celle-ci, gérant la contractualisation avec les détaillants et les flux financiers générés et qui transitent par elle avant toutes affectations respectives.
Les détaillants sont de plusieurs types, au nombre de 1.100, avec l’objectif d’atteindre avec le nouvel opérateur 2.209 à l’horizon 2023.
SISAL, qui est rémunéré sur sa part du PBJ, a tout intérêt à atteindre ce chiffre au plus vite.
Les distributeurs sont des cafés, des bureaux de tabac, les vendeurs de journaux, les anciennes télé boutiques, des magasins spécialisés dans la vente des jeux…
Les distributeurs et l’opérateur perçoivent 28,39% du PBJ en guise de rémunération.
Le reste, de près de 21% du PBJ, revient à la SGLN, la société de gestion de la loterie nationale.
Laquelle procède pour sa part à des dons à des fonds et des associations d’utilité publique.
Moralité et transparence
Pour M. Sulaimani, Directeur général de la SGLN, son institution est une émanation de l’État pour gérer un processus de jeux de hasard et de ce fait s’inscrit dans une démarche tout à la fois légale, transparente et morale.
Si l’État s’implique dans ce domaine, c’est pour en contenir les limites, faire respecter les lois édictées en ce sens et prendre à son compte une « habitude et une pratique » qui existent au sein des sociétés depuis des temps immémoriaux.
Le jeu est pratiqué quasiment partout dans le monde depuis des siècles et des siècles, mais la puissance publique a le devoir de veiller à ce qu’il soit contenu dans de justes proportions, interdit aux mineurs, organisé dans la transparence, et éviter qu’il ne serve de moyen de distribution de financements générés par des opérations illicites, (trafic en tous genres, réseaux clandestins de jeux, bookmakers, etc.).
La Loterie Nationale est donc l’un des trois acteurs du secteur des jeux au Maroc, elle est certes le plus petit des trois, mais elle entend accomplir sa mission dans la transparence et dans le respect plein et entier de ses prérogatives telles que définies par ses organes de tutelle.
Aujourd’hui, en choisissant un nouveau modèle d’exploitation, en désignant un nouvel opérateur, la Loterie Nationale ambitionne d’occuper une place plus importante en termes de parts de marché, grâce à l’attractivité intrinsèque des jeux qu’elle propose au public et au dynamisme d’un prestataire aussi nouveau qu’expérimenté.
Afifa Dassouli