Depuis plusieurs dizaines d’années, l’informatique « classique » (électrique), malgré son développement inouï, présente des limites bien connues des chercheurs (notamment le nombre de composants des microprocesseurs et leur miniaturisation). Face à ce blocage irrémédiable, des recherches extensives ont été menées pour trouver de nouvelles façons de faire des calculs, qui dépasseraient les capacités des ordinateurs classiques, développant de nouvelles disciplines comme l’informatique bactérienne. Parmi les domaines qui promettent une nouvelle révolution informatique, l’informatique quantique fait figure de proue.
En exploitant la physique quantique, il est possible de trier un grand nombre de possibilités en temps quasi réel et de trouver une solution probable. Les ordinateurs traditionnels stockent les informations sous forme de zéros ou de uns. Les ordinateurs quantiques utilisent des bits quantiques, ou qubits, qui représentent et stockent des informations dans un état quantique qui est un mélange complexe de zéro et un.
Des résultats attendus durant cette décénie
Le président français Emmanuel Macron a annoncé, le 21 janvier 2021, un « Plan quantique » à 1,8 milliard d’euros sur cinq ans, devant mener entre autres à la construction d’un « ordinateur quantique hybride » en 2023. Alphabet, la société-mère de Google, a récemment ouvert un campus nommé Google Quantum AI, que son PDG Sundar Pichai a présenté lord d’une récente conférence virtuelle.
Selon son PDG, le géant prévoit de dépenser plusieurs milliards de dollars pour construire un ordinateur quantique d’ici 2029, qui sera capable d’effectuer des calculs commerciaux et scientifiques à grande échelle sans erreur. « Nous sommes à un point d’inflexion », déclare-t-on chez Google, précisant que « nous avons maintenant les composants importants en main qui nous rendent confiants. Nous savons comment exécuter la feuille de route. »
Google n’est pas la seule société œuvrant dans ce domaine. De nombreux poids lourds de l’informatique, dont IBM, ont récemment annoncé des projets de développement liés à cette technologie. Dario Gil, directeur d’IBM Research, a récemment déclaré que 2023 serait un point d’inflexion dans la mesure où les erreurs des ordinateurs quantiques continueraient de diminuer de manière exponentielle grâce au logiciel, par opposition au seul matériel.
Le but, un ordinateur pouvant être commercialisé
Le but, in fine, est d’aboutir à un ordinateur quantique qui pourrait être exploité commercialement. Si nous n’y sommes pas encore, on sait qu’une telle machine pourra résoudre certains problèmes plusieurs millions de fois plus rapidement qu’un ordinateur conventionnel. Des sociétés comme Visa, JPMorgan Chase et Volkswagen ont déjà commencé à expérimenter avec cette technologie.
Google, comme de nombreuses autres entreprises investissant dans l’informatique quantique, prévoit de proposer ses services d’informatique quantique de qualité commerciale sur le cloud, mais aussi pour développer de nouvelles utilisations de la technologie, telles que que la construction de batteries plus économes en énergie ou encore l’élaboration de nouveaux processus de fabrication d’engrais. Selon le géant californien, le but sera de construire une machine d’un million de qubit capable d’effectuer des calculs fiables sans erreur, sachant que les systèmes actuels ont moins de 100 qubits.
On aura donc compris que de grands progrès doivent être encore réalisés à ce niveau, d’où ce nouveau campus qui accueillera une armée de chercheurs experts dans leur domaine. Le rythme de l’innovation dans l’informatique quantique au cours des cinq dernières années dépasse celui des trois dernières décennies, explique Chirag Dekate, vice-président analyste de la société de recherche technologique Gartner Inc. Le domaine, cependant, est extrêmement complexe et la traduction des algorithmes traditionnels en algorithmes quantiques pose des défis, a-t-il toutefois prévenu.
D’ici 2025, près de 40% des grandes entreprises devraient créer des initiatives d’informatique quantique, selon M. Gartner. Le marché mondial du matériel informatique quantique dépassera 7,1 milliards de dollars d’ici 2026, selon Research and Markets, une autre société de recherche.
Le marché potentiel de l’informatique quantique étant en toute logique colossal, Google a voulu mettre les moyens nécessaires pour rattraper le retard qu’elle a pris par rapport à d’autres sociétés comme IBM et D-Wave. La course est ainsi lancée, avec comme double objectif la mise au point d’une version commerciale d’un ordinateur quantique, mais aussi la sensibilisation des décideurs, mais aussi du grand public, à l’utilité de cette technologie, afin que la taille du marché justifie les énormes investissements effectués.
Selim Benabdelkhalek