Des ouvrières font sécher de la vanille, le 25 mai 2016 à Bemalamatra, à Madagascar © AFP/Archives RIJASOLO
Certains cuisiniers ont renoncé à la vanille, dont le prix a été multiplié par huit en cinq ans du fait de la spéculation et de la désorganisation d’un micro-marché dominé à 80% par Madagascar. Mais des industriels tentent de remettre sur pied une filière de production.
« A ce prix-là, je n’en achète plus »: la mort dans l’âme, Valérie Guiliani, chef cuisinier à Forcalquier, dans le sud-est de la France, a cessé de travailler la vanille dans ses desserts, renonçant à un « ingrédient de base », devenu inabordable.
« En décembre 2016, j’ai acheté un lot de 50 gousses à 35 euros. En avril, le même conditionnement était à 86 euros », explique-t-elle à l’AFP.
Dans ces conditions, difficile de rentabiliser une panna cotta au caramel épicé, une des spécialités de la jeune femme qui refuse les arômes artificiels.
Ces dernières années les gastronomes ont assisté à l’ascension stratosphérique du prix de la vanille : selon le rapport Cyclope, bible des matières premières agricoles, le prix moyen des gousses de Madagascar a gonflé à plus de 400 dollars le kilo en 2016-17, contre 50 dollars en 2012-13.
– Quasi-monopole malgache –
Au début des années 2000, le bâtonnet brun avait déjà connu une poussée de fièvre à la suite du passage de deux cyclones. Son prix moyen s’était arrêté à 300 euros le kilo, avant un crash du marché en 2004.
La raison de la dernière flambée est simple. Madagascar, un des pays les plus pauvres du monde, représente à lui seul 80% de la production mondiale de l’arôme le plus consommé au monde. Une situation de quasi-monopole bien tentante pour certains opérateurs intermédiaires qui cherchent à dicter leurs tarifs, et qui a permis l’émergence d’une « bulle spéculative dangereuse », selon Cyclope. Assortie de « magouilles », de vols et de violences, selon d’autres sources qui requièrent l’anonymat.
« Les prix sont devenus complètement fous », confirme Bernard Giraud, président de Livelihoods, un fonds d’investissement dans l’agriculture durable financé par de gros industriels de l’agroalimentaire comme Mars ou Danone, qui a rendu public mardi un projet de réorganisation d’une partie de la filière de Madagascar.
– Vanille verte –
La spéculation n’est pas seule en cause. « Les qualités proposées sont aussi globalement très médiocres », selon Cyclope.
En cause, le fait que la vanille verte est ramassée beaucoup trop tôt, notamment sous pression d’industriels de l’extraction.
Grâce à un procédé dit de « quick curing », la vanille verte permet en effet de produire rapidement une vanille industrielle liquide pour l’aromatisation « avec des taux de vanilline relativement bons lorsque le procédé est bien maîtrisé », dit Cyclope.
« Notre projet qui s’étale sur dix ans est de recréer une vraie filière d’approvisionnement malgache grâce à 3.000 petits producteurs », explique Bernard Giraud.
Le fonds Livelihoods a été lancé par Danone (France), Firmenich (Suisse), Mars (États-Unis) et le groupe français de gestion des eaux Veolia. Il investit dans des projets d’agriculture durable en garantissant l’achat des matières premières produites.
Dans le projet de Madagascar, Veolia ne participe pas. Les trois autres industriels, accompagnés de la société française d’ingrédients alimentaires Prova et de l’ONG malgache Fanamby, ont investi deux millions d’euros.
« Nous allons mettre en place une organisation de production, sorte de coopérative agricole, avec des formateurs, des agronomes, pour faire la récolte de la vanille verte, puis le long et délicat travail de la préparation de la vanille », au sud de Sava, la principale zone de production du pays, explique M. Giraud.
Aucun achat de terre n’est prévu. « Nous partons des besoins des industriels qui s’engagent à acheter la vanille produite et de ceux des agriculteurs qui doivent en tirer un revenu correct », ajoute-t-il.
La coopérative est dotée d’un organe de décision où les producteurs sont représentés, avec une négociation annuelle sur les volumes et les prix. Un prix minimum d’achat est fixé, au cas -prévisible- où le marché se retourne en cas de surproduction. Beaucoup de pays viennent en effet de se lancer dans la culture de la vanille (Inde, Indonésie, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Ouganda ou Comores).
LNT avec Afp