L’édition 2024 du Baromètre de l’industrie financière africaine, menée par Deloitte en collaboration avec l’African Financial Industry Summit (AFIS), offre un éclairage détaillé sur les transformations en cours dans le secteur financier africain. L’étude, fondée sur les réponses de plus de 60 acteurs du secteur, explore les défis, les stratégies mises en place et les opportunités qui se dessinent pour l’avenir.
Cette année, plusieurs tendances se dégagent : une transformation digitale qui s’accélère mais peine à atteindre sa pleine maturité, un besoin accru de régulation adaptée, une inclusion financière encore insuffisante et des préoccupations économiques grandissantes, notamment liées à l’inflation et à la stabilité des marchés.
Des perspectives économiques contrastées selon les acteurs du marché
L’optimisme est au rendez-vous pour certains segments du secteur financier, mais la prudence demeure. Les fintechs se positionnent comme les acteurs les plus confiants quant aux perspectives de croissance, affichant un indice de confiance de 9,25/10 sur trois ans. En revanche, les marchés des capitaux adoptent une posture plus réservée, reflétant les incertitudes économiques et la volatilité des investissements.
Le contexte macroéconomique reste marqué par des défis persistants. L’inflation est devenue la principale préoccupation des institutions financières, dépassant d’autres risques structurels comme l’instabilité politique ou la cybersécurité. Face à cette réalité, 88 % des institutions prévoient d’ajuster leurs stratégies d’investissement, tandis que 78 % envisagent des révisions de leurs politiques tarifaires pour s’adapter à l’environnement économique changeant.
Digitalisation : un moteur de transformation encore en développement
L’accélération de la digitalisation constitue l’un des piliers majeurs du changement au sein du secteur financier africain. L’adoption du cloud computing, des infrastructures de données et des solutions numériques s’étend à grande vitesse, avec 71 % des institutions engagées dans des projets d’intégration de l’intelligence artificielle (IA). Cependant, seuls 2 % d’entre elles ont déjà achevé un projet IA, soulignant un retard dans la mise en œuvre effective de ces nouvelles technologies.
Un frein majeur à cette transformation est le déficit en compétences digitales. Malgré une volonté croissante d’investir dans l’innovation, de nombreuses institutions peinent à recruter des talents qualifiés capables de mener à bien cette transition. Pour y remédier, 72 % des acteurs du secteur considèrent le renforcement des ressources humaines comme une priorité stratégique dans les années à venir.
Par ailleurs, les fintechs et les opérateurs de télécommunications émergent comme des catalyseurs clés de l’innovation financière. 95 % des répondants estiment que ces acteurs jouent un rôle positif dans la modernisation du secteur, bien que leur influence puisse à terme redessiner le paysage concurrentiel.
Gouvernance et inclusion : progrès et défis à relever
La gouvernance des institutions financières africaines évolue, avec une progression notable de l’indépendance des conseils d’administration. En 2024, 39 % des conseils comptent plus de 25 % d’administrateurs indépendants, une hausse significative par rapport aux années précédentes.
En revanche, la parité hommes-femmes progresse à un rythme plus lent. Seulement 23 % des conseils d’administration comptent plus de 25 % de femmes, bien que cette proportion soit amenée à doubler à moyen terme. Cette situation met en évidence un décalage entre les ambitions d’égalité et leur mise en application concrète.
L’inclusion financière demeure un enjeu majeur pour l’ensemble du secteur. L’étude révèle que les principales barrières restent le faible niveau d’éducation financière des populations et un accès limité aux solutions digitales. Si la microfinance et les fintechs contribuent à réduire ces inégalités, elles ne suffisent pas à combler l’écart, nécessitant une action concertée entre institutions financières, régulateurs et gouvernements.
L’intégration financière régionale : des avancées inégales
L’intégration financière du continent est un levier essentiel pour renforcer la stabilité et la croissance économique. Des initiatives comme le Pan-African Payment and Settlement System (PAPSS) et la Zone de Libre-Échange Continentale Africaine (ZLECAf) visent à fluidifier les échanges et à harmoniser les réglementations. Cependant, leur mise en œuvre demeure inégale : le PAPSS affiche un niveau d’opérationnalité de 20 %, tandis que la ZLECAf atteint seulement 8 %.
L’un des freins majeurs à cette intégration réside dans la disparité des cadres réglementaires entre les différents pays. Seuls 55 % des institutions jugent les exigences réglementaires claires, et 66 % estiment que la régulation actuelle n’est pas adaptée à l’innovation. Cette situation souligne la nécessité d’un effort accru de coordination entre les régulateurs nationaux et continentaux.
Finance durable : vers un engagement accru mais encore incomplet
L’essor de la finance durable se confirme en Afrique, porté par une volonté croissante d’intégrer les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans les décisions d’investissement. Actuellement, 74 % des institutions financières s’engagent dans des initiatives à impact, tandis que 64 % investissent dans le financement des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique.
Cependant, des efforts restent à fournir en matière de transparence et de reporting. Seulement 4 % des institutions mesurent et publient leur empreinte carbone, ce qui reflète un retard dans l’adoption de standards internationaux en matière de finance verte. Pour accélérer cette transition, les experts plaident pour une harmonisation des normes et une incitation accrue à travers des mécanismes réglementaires et fiscaux adaptés.
LNT