Khénifra: Tournée de la commission provinciale de contrôle des prix
Par El Mostapha BAHRI, Economiste
Réponse à Monsieur Fouad Laroui
Dans une chronique récente sur le site le360 du 18/09/2024, un professeur respecté a abordé le sujet complexe du contrôle des prix, soulignant que l’économie est une science pleine de nuances. Contrairement à d’autres disciplines, elle touche la vie quotidienne, mais ses solutions ne sont jamais universelles.
Le professeur a rappelé par ailleurs, qu’il ne parle jamais de sujets qu’il ne maîtrise pas (la dermatologie, l’assyriologie ou la psychanalyse lacanienne) et que l’économie, malgré son apparente accessibilité, nécessite une expertise solide. Il a évoqué la suggestion d’un ami de contrôler les prix au Maroc pour lutter contre l’inflation, une idée qui peut sembler logique, mais qui s’est révélée catastrophique dans de nombreux contextes historiques, provoquant des effondrements économiques et famines et ce, à cause de l’application de cette politique de contrôle des prix.
Au Maroc, deux politiques de prix ont été mises en œuvre : la réglementation des prix jusqu’en 2001 et la libéralisation depuis cette date. La première impose des prix fixés comme principe, par l’État avec des exceptions, tandis que la seconde favorise la liberté des prix, comme principe, avec quelques exceptions pour réguler le marché.
Or, le véritable enjeu au Maroc n’est pas le choix entre ces politiques, mais leur mise en œuvre efficace. Depuis 2021, l’inflation a fortement augmenté, atteignant 6,3 % en 2022 et 6,6 % en 2023[1]. Cette hausse est due à des facteurs comme l’augmentation des coûts de production, les abus de certains acteurs économiques, et la faible application des lois sur la liberté des prix et la concurrence.
D’ailleurs, l’article 4 de la Loi 104-12[2] permet à l’État d’intervenir temporairement en cas de circonstances exceptionnelles pour stabiliser les prix, mais cette mesure n’a jamais été utilisée depuis l’entrée en vigueur de la loi sur les prix et de la concurrence en 2001. Des associations de consommateurs ont pourtant demandé au gouvernement d’appliquer cette loi face aux hausses excessives des prix.
La réussite de la libéralisation des prix dans d’autres pays repose sur plusieurs conditions : une administration efficace, une population alphabétisée et informée, un pouvoir d’achat suffisant, et un rôle actif des associations de consommateurs. Malheureusement, ces éléments sont encore faibles au Maroc.
Comme conclusion, il parait clair la complexité de la question du contrôle des prix au Maroc, un sujet qui ne peut être traité par des solutions simplistes ou universelles. Le débat entre réglementation et libéralisation des prix révèle que l’enjeu principal réside non pas dans le choix de l’une ou l’autre politique, mais dans leur mise en œuvre efficace et adaptée aux réalités nationales. L’expérience marocaine, marquée par une inflation croissante depuis 2021, souligne l’importance de renforcer l’application des lois en vigueur, de garantir une régulation juste et équitable, et de mettre en place les conditions nécessaires pour que la libéralisation des prix puisse bénéficier pleinement aux consommateurs et qu’elle ne devienne pas anarchique. L’efficacité de cette approche passe également par une meilleure éducation des citoyens, un soutien accru aux associations de consommateurs, et une administration plus rigoureuse, afin de protéger l’économie nationale contre les dérives et abus.
[1] La Nouvelle Tribune du 12/09/2024
[2] Loi n° 104-12 relative à la liberté des prix et de la concurrence du 30 juin 2014. BO n° 6280 du 07/08/2014.