Des électeurs libériens attendent leur tour pour voter à la présidentielle, à Monrovia, le 10 octobre 2017. © AFP ISSOUF SANOGO
Plus de deux millions de Libériens ont commencé mardi à voter pour désigner le successeur d’Ellen Johnson Sirleaf, première femme élue chef d’Etat en Afrique, au cours d’un scrutin très ouvert devant enraciner la démocratie dans un pays encore meurtri par la guerre civile.
Les bureaux de vote ont ouvert à 08H00 GMT et fermeront à 18H00 GMT, les premiers résultats étant attendus dans les 48 heures.
A Monrovia, dans le bidonville de Westpoint, des électeurs patientaient en ligne, prenant leur petit déjeuner entre les étales de haricots, d’escargots et de légumes frais, ont constaté des journalistes de l’AFP.
En tête de la file, Otis Wallace, qui malgré ses deux diplômes universitaires travaille comme agent de sécurité, est arrivé dès 05H00 au bureau de Water Street. « J’ai l’impression que M. (George) Weah peut faire la différence », a-t-il dit à propos de l’ancienne star du foot et candidat à la présidentielle.
Un peu plus loin, une vendeuse du marché, Christmas Kamara, explique s’être sentie « trahie » par les autorités pendant l’épidémie d’Ebola (2014-2016), durant laquelle des émeutes ont éclaté à Westpoint. « Nous avons besoin de soins de santé. Les gens meurent à cause du manque d’hôpitaux », a-t-elle expliqué.
Outre leur nouveau président, le premier à succéder à un autre dirigeant élu depuis plus de 70 ans, les Libériens se rendent aux urnes pour renouveler les 73 sièges de la Chambre des représentants.
Le scrutin présidentiel se déroule en deux tours, à moins qu’un candidat n’obtienne la majorité absolue dès le premier. Les législatives ne comportent qu’un seul tour.
Parmi les favoris figurent le sénateur Weah, légende du football africain –battu au second tour par Mme Sirleaf en 2005, puis comme candidat à la vice-présidence en 2011–, le vice-président Joseph Boakai, l’avocat et vétéran de la politique Charles Brumskine et les puissants hommes d’affaires Benoni Urey et Alexander Cummings.
Dans une allocution, Mme Sirleaf, 78 ans, couronnée par le prix Nobel de la Paix en 2011, a salué lundi « un jour historique pour notre nation et la consolidation de la jeune démocratie libérienne ».
Elle a appelé ses concitoyens à mesurer « le chemin parcouru, en tant que nation et que peuple, qui a permis de passer d’une société détruite par le conflit et la guerre à l’une des démocraties les plus vivaces d’Afrique de l’Ouest », en référence aux guerres civiles atroces qui ont meurtri le pays entre 1989 et 2003, faisant quelque 250.000 morts.
Elle les a exhortés à voter pacifiquement et selon leur conscience et à « respecter le résultat ».
La victoire devrait se jouer en grande partie parmi les quelque 21% d’électeurs âgés de 18 à 22 ans, qui élisent leur président pour la première fois.
Avec 20 candidats en lice et la sortante dans l’impossibilité de se représenter après deux mandats, l’hypothèse d’un second tour paraît la plus probable.
– Observateurs internationaux –
« Il y aura un second tour et le plus probable est qu’il oppose les deux partis présents au second tour aux deux dernières » élections, c’est-à-dire celui de M. Weah et celui de M. Boakai, estime Ibrahim Al-Bakri Nyei, un politologue libérien de la School of Oriental and African Studies (SOAS) de Londres.
« Le candidat en troisième position est également très important parce qu’il devient une sorte de faiseur de rois », souligne l’analyste, estimant que cette place devrait revenir à Alexander Cummings, ancien dirigeant de Coca-Cola pour l’Afrique, qui a mobilisé d’importants moyens financiers pour faire campagne.
Ce double scrutin constitue en outre un test grandeur nature pour l’armée et la police libériennes, qui devront en assumer la sécurité pour la première fois depuis que les Casques bleus de l’ONU, en voie de retrait du pays, leur ont rétrocédé cette responsabilité en 2016.
L’Union européenne (UE), l’Union africaine, la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) et les Etats-Unis ont déployé des observateurs pour garantir un scrutin libre et transparent.
La campagne a été « largement pacifique », selon la Commission électorale, avec seulement quelques heurts signalés entre partisans de George Weah et de Charles Brumskine.
Mais le climat pourrait rapidement se tendre en cas de contestation des résultats ou de proclamations prématurées de victoire, préviennent les analystes et les mouvements de la société civile.
Si de nombreux Libériens portent au crédit de la présidente sortante d’avoir maintenu la paix, beaucoup attendent de son successeur une amélioration des conditions d’existence d’une population qui vit très largement dans la pauvreté.
Pour redresser économiquement un pays ravagé en 2014-2016 par l’épidémie d’Ebola, chacun des candidats a insisté sur une recette simple: le développement des routes pour M. Boakai, de l’agriculture pour M. Urey, de l’éducation et de la formation professionnelle pour MM. Weah ou Cummings.
LNT avec Afp