L'ex-président arménien Robert Kotcharian, accusé d'un coup d'Etat ayant provoqué de sanglantes manifestations en 2008, à son arrivée à son procès le 13 mai 2019 à Erevan. © PHOTOLURE/AFP Vahram BAGHDASARYAN
Le procès de l’ex-président arménien Robert Kotcharian, accusé d’un coup d’Etat ayant provoqué de sanglantes manifestations en 2008, s’est ouvert lundi, une affaire qu’il dénonce comme orchestrée par les nouvelles autorités de ce pays du Caucase.
Porté au pouvoir par un mouvement populaire massif, le Premier ministre actuel Nikol Pachinian a lancé une croisade tous azimuts contre la corruption des précédentes élites. Plusieurs affaires ciblent l’entourage de Robert Kotcharian, 64 ans, qui a dirigé l’ex-république soviétique de 1998 à 2008.
Considéré comme pro-russe lorsqu’il était au pouvoir, l’ancien président fait face à des charges bien plus graves de « renversement de l’ordre constitutionnel », soit un coup d’Etat, pour avoir, selon l’accusation, truqué la présidentielle de 2008 en faveur de son allié et successeur désigné, Serge Sarkissian.
Son procès devrait durer des mois, voire des années, au regard de la quantité colossale de témoins prévus. S’il est reconnu coupable, il risque jusqu’à 15 ans de prison.
Des dizaines de partisans de l’ancien président se sont rassemblés devant le tribunal d’Erevan où son procès s’est ouvert à 10H00 GMT, brandissant des pancartes sur lesquelles on pouvait lire: « Kotcharian, prisonnier politique » ou « vendetta politique ».
Vêtu d’un costume gris, Robert Kotcharian a souri à la foule qui scandait « Liberté » à son arrivée au tribunal.
Son avocat, Haïk Aloumian, a indiqué à l’AFP que sa priorité était d’obtenir la libération de son client, arrêté en juillet 2018, puis brièvement libéré avant d’être à nouveau placé en détention provisoire en décembre.
« Les autorités arméniennes actuelles m’ont déclaré coupable, et le système judiciaire les sert », a déclaré avant le procès M. Kotcharian à l’AFP dans un mail envoyé depuis sa prison et transmis par l’intermédiaire de ses porte-parole.
Après l’élection de 2008, de violents affrontements avaient éclaté entre la police anti-émeutes et les partisans de l’opposition vaincue, qui dénonçait un vote frauduleux. Huit manifestants et deux membres des forces de l’ordre avaient été tués.
Malgré ces violences, Serge Sarkissian est resté à la tête de l’Arménie jusqu’en avril 2018, quand il a été forcé à démissionner après plusieurs semaines de manifestations menées par Nikol Pachinian, désormais Premier ministre.
En 2009, M. Pachinian avait été condamné à sept ans de prison pour avoir organisé les rassemblements d’opposition après la présidentielle de 2008. Il a été libéré à la faveur d’une amnistie en 2011.
– « Réécrire l’histoire » –
« J’étais un président neutre, qui agissait sans faveurs ou préjugés », affirme M. Kotcharian dans ses propos transmis à l’AFP.
Selon lui, les autorités arméniennes actuelles « ne sont pas particulièrement enthousiastes à l’idée » d’identifier les vrais responsables des morts de 2008, car elles craignent des révélations « extrêmement indésirables pour le gouvernement actuel ».
« Ils ont plutôt concentré tous leurs efforts dans la fabrication d’accusations d’ordre politique contre moi », renchérit M. Kotcharian.
Nikol Pachinian « a des raisons directes de réécrire l’histoire afin de se blanchir et de reporter la responsabilité des évènements de 2008 sur d’autres », accuse-t-il.
Les détracteurs de M. Kotcharian l’accusent aussi d’avoir amassé une immense fortune grâce à la corruption, ce que nie l’intéressé.
En février, son fils a été accusé de fraude fiscale et blanchiment d’argent par le biais de sociétés familiales.
La présidence de Robert Kotcharian a aussi été marquée par l’épisode le plus sanglant de l’histoire post-soviétique du pays: un attentat contre le parlement d’Arménie en 1999 et ayant fait huit morts.
Des partis d’opposition ont accusé l’ex-président d’avoir organisé cette attaque, lors de laquelle un commando armé avait fait irruption dans le parlement, tuant ses ennemis politiques, dont le Premier ministre Vazguen Sarkissian et le président du parlement Karen Demirtchian.
LNT avec AFP