La Bourse de Casablanca cumule aujourd’hui 587,8 milliards de dirhams de capitalisation boursière.
Les banques occupent la première place avec une part de 35%, suivies des télécommunications, construction et agro-alimentaire qui représentent respectivement 18% 13% et 8%.
De ce fait, les sociétés cotées se valorisent à un peu plus de la moitié du PIB National qui s’élève à 1100 milliards de dirhams.
A ce titre, si la bourse de Casablanca ne reflète pas l’économie nationale, les résultats des sociétés cotées donnent le ton de la santé économique du pays.
Aussi, après la publication des résultats semestriels de la mi-2019, et dans un contexte économique plutôt morose, il paraît intéressant de savoir si les sociétés cotées ont fait mieux ou moins bien que l’économie nationale.
En effet, il serait étonnant que le marché boursier réalise des résultats exceptionnels dans une économie atone et, inversement, que celle-ci connaisse une croissance qui ne se reflèterait pas dans les résultats des sociétés cotées !
Comparaison et raison…
Toutefois, une analyse appropriée impose de distinguer les grosses capitalisations des petites et certains secteurs représentés à la cote par rapport à d’autres.
Ainsi, pour une bonne approche, les analystes d’Attijariwafa bank, ont choisi l’EBE, (résultat d’exploitation) pour évaluer les performances de la cote au détriment du résultat net.
Ce dernier traduit la création de richesse au premier niveau de l’activité, dite marge économique, avant de prendre en compte le niveau de l’investissement et les amortissements qui en découlent, ni même les charges financières de leur endettement qui grèvent le résultat des entreprises.
Tout en sachant que les entreprises se projettent dans l’avenir en investissant et en s’endettant.
L’analyse seule des résultats au premier semestre 2019 des grosses capitalisations, lesquelles constituent 80% du marché boursier, suffit à mesurer la santé économique de la cote et sa comparaison avec l’économie du pays.
Les banques, compagnies d’assurances, télécommunications, cimenteries et énergie, qui représentent la moitié de la capitalisation boursière, ont affiché un EBE en progression à peine normative de 2 à 4% au premier semestre 2019.
Bien sûr, l’intensité de l’activité varie d’un secteur à l’autre.
Ainsi, les cimenteries ne peuvent pas afficher un EBE en progression importante quand les ventes de ciments sont en baisse, même si Lafarge Holcim Maroc fait mieux que Ciments du Maroc et que les deux se rattrapent sur les exportations de clinker qui, tout en dégageant une petite marge, contribuent à augmenter leurs chiffres d’affaires.
De fait, le maintien des performances de nombre de sociétés cotées ne relève pas d’une reprise économique, mais des efforts managériaux importants pour lutter contre les effets de la crise.
Le recours aux expertises de leur métier, à la rationalisation des charges et des coûts tout en cherchant des niches de croissance, sont des outils de survie partagés par tous les secteurs pour tirer leur épingle du jeu.
Les banques à la peine
Le secteur bancaire est, en l’espèce, un cas d’école !
Alors que les crédits comme les dépôts sont en berne, que les marges d’intérêt se rétractent et que le coût du risque est en hausse, les banques continuent à améliorer leurs revenus.
La croissance externe des banques, leur internationalisation et diversification y contribuent certainement, mais les banques ont été pendant longtemps dans un processus de sur-provisionnement pour faire face à l’augmentation de leur coût du risque.
Les reprises de ces provisions leur permettent d’améliorer leur rentabilité en ces temps de pause économique. Sans quoi, elles auraient réalisé des croissances bien supérieures dans le passé et des baisses de résultats plus conséquentes aujourd’hui.
C’est ainsi qu’elles continuent produire des résultats réguliers.
Et ce, alors que les volumes des crédits, qui compensaient la baisse des marges, se sont beaucoup réduits et que les dépôts souffrent d’une nette augmentation de la monnaie fiduciaire.
Le cash n’est pas capté entièrement par le circuit bancaire du fait de la pression fiscale notamment, mais aussi de la baisse des taux.
La rémunération des dépôts à terme, DAT, n’est plus attractive, le taux est à 2,25% contre 5% auparavant.
Il faut également prendre en compte que les banques ont pâti de la décélération du secteur de l’immobilier.
En effet, les projets immobiliers se comptaient en en centaines de millions de dirhams de crédits ! Face à l’absence d’investissements industriels, les opérateurs de l’immobilier étaient les bons clients des banques.
Aujourd’hui, sur le marché marocain, le secteur bancaire est en manque de projets importants à financer et il est à la recherche de relais de croissance pour ses crédits bancaires.
Par ailleurs, les banques connaissent un temps d’arrêt dans leur croissance externe. Elles sont dans un nouveau cycle où elles doivent rentabiliser leurs investissements à l’international.
Car si la part de l’international dans leur PNB, produit net bancaire, avoisine les 30%, la rentabilité n’est pas toujours au rendez-vous.
En effet, en Afrique, les banques marocaines sont confrontées à deux risques majeurs difficiles à maitriser.
Le premier porte sur le renforcement de la réglementation Bâle III qui impose pour le même montant des engagements, des fonds propres supérieurs.
Les activités bancaires deviennent de plus en plus consommatrices de fonds propres.
Par exemple, dans leurs engagements, face aux bons du trésor le besoin en fonds propres était nul, aujourd’hui il en faut même si les fonds sont souverains.
Cette exigence africaine explique par ailleurs le désengagement des banques françaises de ce continent, qui refusent de mettre plus de fonds propres pour des rentabilités moindres.
L’autre risque, celui de non-conformité, consiste à accorder des crédits à un criminel de guerre ou de financer des pays sous embargo comme le Soudan qui a valu une amende de 2 milliards de dollars à BNP Paribas récemment, ou contribuer au blanchiment d’argent.
C’est pourquoi la priorité des banques marocaines en Afrique ne porte plus sur la croissance externe mais sur la rentabilisation de leurs participations.
En conclusion, les perspectives de croissance pour le secteur bancaire s’amoindrissent du fait de la tendance baissière de leur marge d’intérêt devenue irréversible, à cause de la baisse des taux.
Mais le secteur bancaire coté en bourse n’est pas le seul en danger de manque de croissance, celui des assurances cotées profite de la baisse des taux parce qu’elle impacte à la hausse leurs actifs obligataires, mais la tendance baissière des taux dure depuis 3 ans et devient de plus en plus insoutenable pour les compagnies d’assurance.
En effet, cette situation risque de créer un alignement de l’assurance-Vie sur les taux du marché.
Il faut savoir que les investisseurs institutionnels ne veulent pas se contenter d’une rémunération de 4% pour un investissement boursier, donc risqué, alors que c’est une réalité qu’ils doivent accepter parce qu’elle devient durable avec une inflation inférieure à 2%, un taux de croissance inférieur à 3% et des taux d’intérêts longs inférieurs à 2,5%.
Les 4% en question, traduisent la moyenne du taux de rendement des dividendes des sociétés cotées les plus importantes.
D’ailleurs, le marché boursier n’est plus appréhendé comme un marché de croissance, mais comme une alternative du marché obligataire, du fait justement du rendement des dividendes des sociétés cotées.
Les valeurs cotées étant chères, avec un PER de plus de 24, elles ont perdu leur attractivité.
Par contre, certaines distribuent de bons dividendes dont les investisseurs sont friands du fait de leur bons rendements.
Afifa Dassouli