
Web conférence. Covid-19 : Les postes africaines plus que jamais nécessaires !
Les postes africaines ont de nombreuses missions qui sont souvent héritées de leur ancien statut de service public. Même si elles sont à présent des entreprises privées, elles gardent la mission de fournir un service universel qui reste un moyen d’inclusion sociale. Généralement, lorsqu’on pense à la poste, on pense à des rôles traditionnels tels que l’acheminement du courrier, la messagerie ou plus récemment les services financiers avec la Banque postale. Mais la poste c’est en réalité bien plus que ça, et c’est durant cette crise sanitaire que nous nous rendons compte à quel point les rôles de la poste sont variés.
Il y a quelques jours, différents acteurs du service postal se sont réunis lors d’une conférence en ligne organisée par i-conférences, dans la série Digital Africa Live, autour de la thématique suivante : « Covid-19 : les postes africaines, plus que jamais nécessaires ! ». Les trois intervenants ayant débattu autour de cette question sont M. Pascal Clivaz (Vice-directeur général Union Postale Universelle – UPU), M. Amin Benjelloun Touimi (Directeur général Groupe poste Maroc) ainsi que M. Isaac Gnamba-Yao (Directeur général Poste Côte d’Ivoire). Le modérateur de cette discussion n’était autre que Jean-Noël Georges, directeur exécutif de la JNC Expert.
Face à la situation exceptionnelle dans laquelle la planète est plongée, il est intéressant de voir comment les postes du continent africains ont pu réagir pour poursuivre leurs activités et comment elles ont profité de cette occasion pour étendre leurs compétences.
– Des mesures sanitaires –
Tout d’abord, la première mission importante pour l’ensemble des postes était de pouvoir assurer la continuité de leurs activités. Pour ce faire, la protection de l’ensemble des agents a été assurée. Quand cela a été possible, le télétravail a été mis en place et pour ceux dont la présence était nécessaire dans les agences postales, de nombreuses mesures d’hygiènes et de sécurité ont été mise en place (masques, gants, désinfection des locaux plusieurs fois par jour, distanciation sociale avec les clients…).
– Assurer la livraison du courrier international –
Bien évidemment, quel que soit le niveau de développement du pays en question, les postes ont connu de grandes difficultés pour assurer le transport du courrier à l’international. En effet, la fermeture des frontières a totalement stoppé le transport du courrier par vols commerciaux. Il a donc fallu se rapprocher de compagnies de cargos aériens ou trouver de nouvelles formes de transport comme la route ou les rails. Si cette nouvelle organisation de transport n’a pas posé de problème pour un pays comme le Maroc, il semble que la situation soit plus complexe dans un pays d’Afrique subsaharienne tel que la Côte d’Ivoire. Isaac Gnamba-Yao explique que cela a été très handicapant sachant que les infrastructures aériennes présentent déjà une grosse lacune. Il illustre son propos avec l’exemple de son voisin, la Guinée, voisin pour lequel il envoie à présent le courrier en passant d’abord par Bruxelles. Et pour la voie terrestre, cela ne concerne que quelques capitales proches.
– De nouvelles prérogatives –
Mais la poste, face à la pandémie, a étendu ces compétences. L’UPU, par exemple, a apporté un réel soutien aux pays les moins avancés en leur envoyant des trousses sanitaires contenant 135 000 masques, 35 000 gants et 1 500 bouteilles de désinfectant. Au Maroc, la poste a servi de relais à l’État pour redistribuer les aides financières provenant du fond pour la gestion de la pandémie mis en place par le roi Mohammed VI. Avec plus de 32 milliards de dirhams récoltés, c’est environs 4 millions de foyers marocains qui vont pouvoir bénéficier de ces aides redistribuées par la poste. En Côte d’Ivoire, après avoir observé les difficultés avec lesquelles le matériel médical était transporté jusqu’aux centres de soin, la poste s’est proposée d’effectuer ces acheminements. Cependant, la poste ivoirienne déplore d’être aussi peu sollicitée par l’État pour aider à lutter contre les ravages de cette pandémie. Son directeur général assure que c’est son réseau et sa localisation sur l’ensemble du territoire qui fait de la poste un atout majeur pour la gestion de la crise : « Cette crise met en lumière les potentialités sur lesquelles la poste pourrait jouer un rôle plus important à l’avenir. L’État met en place des moyens, et c’est à la poste de s’assurer que les efforts du gouvernement arrivent à bonne destination. »
– La nécessaire digitalisation des services postaux –
Autre fait marquant, le digital a été fortement mis en avant pendant cette pandémie. Tout d’abord, le confinement a augmenté le nombre de commandes sur des sites en ligne. Mais un problème s’est posé dans l’ensemble de l’Afrique où le système d’adresses physiques n’est pas toujours mis en place, surtout dans les zones rurales. Il fallut se servir d’application GPS de géolocalisation ou bien encore mettre en avant l’utilisation d’applications fournissant gratuitement une adresse de notre domicile pouvant être utilisée sur des sites de e-commerce agréés. De plus, le taux de « e-signature » a également fortement augmenté, notamment au Maroc où c’est la poste qui se charge de la remise de certificats de signatures en ligne depuis 2011. Tout a été fait pour que les procédures soient simplifiées pour l’obtention de ces certificats, et ce même une fois que l’on aura vaincu le virus. Toutes ces solutions de dématérialisation sont primordiales.
Mais dans une région du monde où l’accès à internet voire carrément à l’électricité n’est pas toujours assuré, il faut accentuer les efforts de digitalisation. Les postes qui vont pouvoir tenir à l’avenir sont celles qui vont se lancer dans la digitalisation et qui vont dans la mesure du possible diversifier leurs activités. Le réseau de la poste doit servir afin de construire conjointement avec les grands acteurs du digital.
– Un mal pour un bien –
Tous les protagonistes ayant pris part à ce débat sont d’accord sur ce point, même si c’est terrible à admettre, la pandémie est une « belle occasion », selon les propos du directeur de la Poste ivoirienne, pour que chacun des acteurs se redéfinissent et que la poste trouve de nouvelles façons d’accompagner les gouvernements, les populations et tous les autres services postaux dans le monde. Cette pandémie a repositionné la poste comme le coursier principal de l’État et de l’ensemble de tous les acteurs qui agissent face au Covid. Comme le dit Pascal Clivaz : « A toute chose malheur est bon », et cet épisode tragique est le révélateur nécessaire dont les postes avaient besoin pour que les gouvernements se rendent compte qu’ils avaient à disposition un outil de puissance publique tel que la poste. Alors, face à la crise, le capital sympathie remonte. Les populations se rendent finalement compte que « cette vielle poste moribonde qui n’a pas toujours la technologie nécessaire sait quand même faire de belles choses » (Gnamba-Yao Isaac).
Pour conclure, trois phrases peuvent être énoncées afin de résumé l’ensemble des points exposés lors de ce débat. Tout d’abord, la poste est et est devenu le coursier principal et le « get away » des différents acteurs, de l’État aux particuliers, et également des sociétés aux citoyens. Ensuite, la poste doit revenir au centre de dispositif en mettant l’inclusion au centre des politiques. Enfin, il y a des vraies opportunités pour la poste, le digital est l’avenir de la poste à condition qu’il y ait aussi de la diversification des missions.
A l’avenir, les postes s’attendent à être invitées à participer à la grande distribution des vaccins quand ceux-ci auront été trouvés.
LP