De tout temps, au Maroc comme ailleurs, les douanes ont joué un rôle crucial dans la protection des producteurs locaux en régulant le commerce international et en contrôlant l’importation de marchandises. En imposant des droits de douane, elles rendent les produits importés moins compétitifs par rapport aux produits nationaux, ce qui aide à préserver les parts de marché des producteurs locaux. En 2025, le Maroc voit plusieurs changements notables dans sa politique douanière avec la mise en œuvre des nouvelles dispositions prévues par la loi de finances (LF) pour l’année budgétaire, qui s’inscrivent dans une stratégie visant à promouvoir la production nationale, réduire la dépendance aux importations et moderniser la gestion douanière.
Renforcer la protection des producteurs locaux
L’une des priorités des nouvelles dispositions douanières est de soutenir les producteurs locaux en instaurant des mesures de protection renforcée contre les importations. Par exemple, le droit d’importation sur le safran, un produit phare de l’agriculture marocaine, passe de 30 % à 40 %. Cette hausse vise à protéger les producteurs nationaux face à la concurrence croissante des importations, tout en valorisant le savoir-faire local.
Dans le secteur industriel, des augmentations similaires touchent d’autres produits comme les câbles de fibres optiques, dont les droits d’importation passent de 10 % à 17,5 %. Cela permettra de stimuler la production locale de fibres optiques et de favoriser la création d’emplois dans un secteur stratégique. De plus, les fibres synthétiques discontinues fabriquées à partir de déchets recyclés, comme les bouteilles en PET, voient également leurs droits relevés de 2,5 % à 10 %, encouragent ainsi une transition vers une économie circulaire.
Des ajustements tarifaires significatifs touchent également les produits issus du cannabis et du chanvre, pour lesquels un taux prohibitif de 200 % a été introduit. Cette mesure vise à protéger les agriculteurs marocains, qui s’inscrivent dans un secteur nouvellement structuré, tout en assurant la viabilité des investissements nationaux dans cette filière.
Favoriser les secteurs stratégiques par des réductions ciblées
Parallèlement à ces hausses, des réductions de droits de douane ont été introduites pour soutenir des secteurs stratégiques. L’industrie pharmaceutique bénéficie d’une révision des droits d’importation sur certains médicaments, facilitant ainsi l’accès des patients aux traitements tout en renforçant la production locale.
Dans le secteur de l’énergie, les droits sur les onduleurs solaires hybrides, essentiels aux installations photovoltaïques, passent de 17,5 % à 2,5 %. Cette mesure vise à encourager l’adoption des énergies renouvelables et à promouvoir le développement technologique du secteur.
Dans l’agro-industrie, les intrants tels que l’amidon de maïs modifié voient leurs droits d’importation réduits de 30 % à 17,5 %, afin de soutenir la production locale de produits laitiers dérivés. De même, des réductions similaires s’appliquent à d’autres intrants industriels, comme les matériaux utilisés dans la fabrication de pompes ou de tableaux blancs magnétiques, dans le but de renforcer la compétitivité des produits fabriqués au Maroc.
Des mesures spécifiques pour stabiliser le marché alimentaire
Face à la hausse continue des prix alimentaires, la LF 2025 introduit des exonérations temporaires pour garantir l’approvisionnement du marché local à des prix raisonnables. Ainsi, les droits d’importation et la TVA sur les animaux vivants, comme les bovins, les caprins et les camélidés, sont suspendus pour toute l’année 2025, dans des limites contingentées. Les viandes et abats frais, réfrigérés ou congelés bénéficient également de cette mesure.
Pour les produits agricoles essentiels, comme le riz cargo importé par les industriels ou les huiles d’olive de qualité vierge, des exonérations similaires sont mises en place, permettant de contenir les coûts de production et d’approvisionnement sur le marché intérieur.
Modernisation et sanctions renforcées
L’un des axes majeurs des nouvelles dispositions est la digitalisation des paiements douaniers. À partir de 2025, tous les droits et taxes douaniers devront être réglés par voie électronique. Une amende de 1 % du montant dû, avec un minimum de 1 000 dirhams, sera appliquée en cas de non-conformité. Cette modernisation vise à renforcer la transparence et l’efficacité des procédures douanières.
En outre, de nouvelles sanctions ont été introduites, notamment pour lutter contre la fraude douanière. Une amende équivalente à la valeur des marchandises sera appliquée en cas d’utilisation injustifiée des scellés douaniers, tandis que la détention ou la fourniture non justifiées de ces scellés sera sanctionnée par des amendes pouvant atteindre 200 000 dirhams.
Encourager une transition énergétique et environnementale
La loi de finances introduit également une taxe intérieure de consommation (TIC) sur des produits spécifiques pour inciter à une consommation plus responsable. Par exemple, les substituts nicotiniques sans tabac et les cigarettes électroniques jetables seront désormais taxés, à hauteur de 220 dirhams par kilogramme et 50 dirhams par unité respectivement.
Dans le domaine des carburants, les exonérations sur les houilles et le fuel oil lourd utilisées pour produire de l’électricité sont supprimées, et les taxes augmentées. Cette mesure s’aligne sur la volonté de réduire progressivement la dépendance aux énergies fossiles et de promouvoir les énergies renouvelables.
Ces réformes douanières illustrent la volonté du Maroc de renforcer son tissu économique en réduisant la dépendance aux importations et en soutenant les secteurs stratégiques nationaux. Les ajustements tarifaires ciblés offrent des opportunités pour dynamiser la production locale et stimuler l’innovation industrielle. Par ailleurs, la digitalisation et les nouvelles sanctions renforcent la modernisation des douanes, tout en augmentant l’efficacité et la transparence des transactions.
Afifa Dassouli