Des courtiers sur le parquet du New York Stock Exchange, le 18 mars 2020 à Wall Street © AFP Johannes EISELE
La crise sanitaire que traverse le globe actuellement n’est pas sans impact sur l’économie mondiale. Les marchés financiers ont connu une orientation baissière dès la propagation du nouveau coronavirus.
Cependant, selon les économistes, cette correction à la baisse des marchés financiers était à attendre, indépendamment de la crise sanitaire. En effet, plusieurs économistes estiment que l’année 2019 était euphorique, enregistrant des performances exceptionnelles dans un contexte d’incertitude économique marqué par le conflit commercial sino-américain, les tensions géopolitiques au niveau mondial, etc.
Dans le cadre du cycle de conférences, les Essentiels du Management, ESCA Ecole de Management a organisé, le 11 Mai, une conférence en ligne sous le thème « Le comportement des marchés financiers face à la crise du Covid-19 », animé par Nabil Adel, Enseignant-Chercheur à ESCA Ecole de Management, conseiller auprès d’institutions financières, fonds d’investissement et grandes entreprises.
M. Adel fait remarquer que les marchés financiers n’ont pas réagi à la crise sanitaire actuelle de la même façon qu’en 2008.
Durant la crise de 2008, après l’effondrement des marchés, les gouvernements ont procédé à des injections massives des liquidités dans l’économie, de façon à stimuler l’activité et à redresser le taux d’inflation pour éviter que l’économie ne tombe en déflation.
« Cette injection en masse a tiré tous les taux vers le bas et donc jeter les germes de la future crise qui est celle de la Covid19. A l’époque, les marchés étaient largement sous-évalués, mais avec les injections des liquidités, ils ont vite repris leur trajectoire. Cependant, les banques centrales, au lieu d’assécher ces liquidités pour permettre aux marchés de se développer en fonction de leur performance intrinsèque, ont continué à injecter des liquidités, et celles-ci ont fini par alimenter de nouvelles bulles spéculatives. À l’arrivée de la Covid19, les marchés étaient déjà dans une bulle financière qui a coïncidé avec la pandémie », explique l’enseignant-Chercheur.
Le comportement des marchés financiers face à la Covid19
Les injections de la liquidité de la banque centrale américaine n’ont pas arrêté depuis la crise de 2008. Si ces dernières se sont stabilisées un moment, elles ont connu un pic en mars 2020. Ainsi, le total d’actifs américains est passé de 4,1 trillions de dollars à 6,7 trillions de dollars.
Même si le Dow Jones s’est effondré en février des suites de la propagation du coronavirus, cette baisse n’est pas significative selon M. Adel, en comparaison avec les baisses enregistrées lors des précédentes crises.
« Nous sommes au milieu de la crise économique la plus dure depuis la grande dépression en 1929, et pourtant les marchés financiers ne se sont pas effondrés dans des proportions comparable à ce qu’on a pu observer pendant les périodes de crises précédentes. On est dans des tendances haussières alors que la crise fait des ravages avec près de 30 millions de chômeurs aux USA, et qu’on nous annonce des baisse du PIB des principales économies mondiales de 7 à 10%», s’exclame M. Adel.
Pourquoi ce comportement des marchés financiers ?
Pour le spécialiste, la principale raison au comportement des marchés financiers, qui restent plus ou moins euphoriques, est la décision du président de la Réserve fédérale américaine.
En effet, la Réserve fédérale américaine a déclaré intervenir sans limite pour apporter de la liquidité aux banques, aux entreprises et aux collectivités locales frappées par la pandémie, en leur octroyant 2.300 milliards de dollars de nouveaux prêts. C’est ainsi que les marchés boursiers ont trouvé un nouvel élan.
Une décision inédite dans le monde de la fiances, selon M. Adel. « C’est pour cette raison que les marchés financiers sont euphoriques, parce qu’ils savent que quoi qu’il arrive, ils ne seront pas en faillite », explique-t-il. De son côté, la banque centrale européenne va également s’orienter vers une politique d’injection massive de liquidité dans les économies européennes pour les sauver de l’effondrement.
Si l’on remarque une correction des marchés financiers de temps en temps en fonction des rapports sur le chômage et la pandémie, la tendance reste globalement haussière, affirme M. Adel, qui estime que le monde vit une période singulière de l’histoire économique où les pays sont prêts à s’endetter sans limite pour sauver l’économie.
« Nous sommes en train d’exploser tous les conteurs de la dette et c’est la raison pour laquelle les marchés sont euphoriques, et risquent de le rester tant que la politique d’injection massive des liquidités perdure », explique M. Adel. Et d’ajouter : « La bulle finira par exploser et une correction des marchés finira par arriver tôt ou tard ».
Concernant la dette marocaine, l’économiste estime qu’elle est globalement maitrisable. « Avec une dette du trésor aux alentours de 60%, et même si on y ajoute les entreprises publiques, on reste loin des autres pays. Cependant, il faut rester très prudent parce que ça peut grimper très rapidement », explique-t-il. Et de préciser : « Beaucoup d’économistes appellent à ouvrir les vannes et à lâcher l’endettement, je ne fais pas partie de ces gens-là. Je trouve au contraire que la dette peut être dangereuse si elle n’est pas maitrisée ».
M. Adel est l’un des rares économistes au Maroc qui prévient d’un endettement sans limite, qui selon lui enverra le Maroc droit dans le mur.
La croissance doit être basée sur des ressources fiscales stables, et l’endettement doit rester dans les limites les plus étroites possibles, conclut-il.
Asmaa Loudni