C’est à l’occasion de la Fête du Trône de l’année 2020 et de l’ouverture de la session parlementaire le 09 octobre 2020 que le Roi Mohammed VI, en deux discours successifs, a annoncé le lancement d’une grande réforme de la protection sociale visant à assurer une protection sociale à tous les Marocains.
Programmée sur une durée de cinq années, cette réforme porte en premier lieu, sur la généralisation de l’Assurance Maladie Obligatoire (AMO) et des allocations familiales.
Elle sera ensuite étendue aux autres couvertures sociales qui portent sur la retraite et l’indemnité pour perte d’emploi.
C’est dans cet esprit et cette perspective que la loi-cadre n°09.21 régissant cette réforme, adoptée par le Parlement, exprime une étape nécessaire pour aller de l’avant dans la mise en œuvre de la réforme de la protection sociale au Maroc.
Il est certain que le grand chantier de la réforme de la protection sociale au Maroc aura des retombées concrètes directes sur l’amélioration des conditions de vie des citoyens et la préservation de la dignité de tous les Marocains. Ce chantier contribuerait à :
• La réduction de la pauvreté et les inégalités et au renforcement de la résilience des ménages face aux risques sociaux et sanitaires.
• La promotion du travail décent au Maroc en intégrant les activités opérant dans le secteur informel.
• L’amélioration du capital humain de la population et par conséquent la contribution à l’appréciation de la performance de la productivité du travail et au développement de l’entreprenariat.
• Le rétablissement de la confiance des ménages et à la relance, à court terme, de la consommation avec des effets directs et indirects sur l’emploi et la croissance.
Toutefois, plusieurs défis se posent face à l’opérationnalisation du schéma proposé de la généralisation de la protection sociale, notamment :
• La pérennité financière à long terme des régimes de protection sociale.
• La modification de plusieurs textes législatifs et réglementaires existants (Loi 65.00 portant couverture médicale de base, Loi 98.15 relative au régime d’AMO pour les indépendants, Loi 17.02 relative au régime de sécurité sociale, Loi-Cadre 34.09 relative au système de santé et à l’offre de soins).
• Le lancement d’un ensemble de réformes structurelles qui concernent le système de santé (infrastructure, système d’information, gouvernance, ressources humaines, …).
• La réforme du système de compensation pour pouvoir remédier aux dysfonctionnements opérés au niveau du ciblage des catégories éligibles au soutien.
• L’activation du Registre Social Unique.
• Le développement des aspects de gestion, et de ceux liés à la gouvernance des organismes de sécurité sociale à l’horizon de la création d’un organisme unifié pour la coordination et la supervision des systèmes de protection sociale.
Les principales dispositions de la loi-cadre sur la protection sociale:
Les objectifs de la loi Cadre 21.09 relative à la protection sociale au Maroc se déclinent selon les quatre axes suivants:
sLa généralisation de l’Assurance maladie obligatoire de base durant les années 2021 et 2022, et ce par l’élargissement de la base des bénéficiaires de cette assurance pour inclure les catégories vulnérables bénéficiant du Régime d’assistance médicale et la catégorie des professionnels et travailleurs indépendants et personnes non-salariées, qui exercent une activité libérale, de sorte que 22 millions personnes supplémentaires bénéficient de cette assurance, qui couvre les frais de traitement, de médicaments et d’hospitalisation.
sLa généralisation des allocations familiales durant les années 2023 et 2024, et ce en permettant aux ménages, qui ne bénéficient pas de ces allocations, de toucher des indemnités couvrant les risques liés à l’enfance, ou des indemnités forfaitaires.
sL’élargissement de la base des adhérents aux régimes de retraite pour inclure les personnes qui exercent un emploi et ne bénéficient d’aucune pension, à travers la mise en application du système des retraites propre aux catégories des professionnels et travailleurs indépendants et personnes non-salariées qui exercent une activité libérale, afin d’englober toutes les catégories concernées.
– La généralisation de l’indemnité pour perte d’emploi durant l’année 2025 pour couvrir toute personne exerçant un emploi stable à travers la simplification des conditions d’usufruit de cette indemnité et l’élargissement de la base des bénéficiaires.
Le nombre de ménages bénéficiaires est estimé à 6,7 millions de ménages (2,6 millions de ménages avec une capacité contributive et 4,1 millions de ménages n’ayant pas de capacité contributive).
– Coût de la réforme
La réforme de la protection sociale nécessite la mobilisation d’environ 51 milliards de dirhams annuellement répartie comme suit :
• 13,8 milliards de dirhams pour la généralisation de la couverture assurance maladie obligatoire.
• 19,8 milliards de dirhams pour la généralisation des allocations familiales.
• 16,5 milliards de dirhams pour l’élargissement de la base d’adhérents au système de retraite.
• 1 milliard de dirhams pour la généralisation de l’accès à l’indemnité pour perte d’emploi.
sFinancement de la réforme
Le financement de la réforme de la protection sociale sera basé sur deux systèmes :
• Un système contributif pour les personnes ayant une capacité à participer au financement de cette couverture sociale, à hauteur de 28 milliards de dirhams et ce, principalement, à travers les cotisations des travailleurs non-salariés. Le financement se fera à travers :
4 La contribution professionnelle unique (CPU), introduite au titre de la Loi de Finances 2021 pour les catégories des travailleurs non-salariés éligibles à la CPU ;
– Le versement direct des cotisations à l’organisme gestionnaire pour les catégories des travailleurs non-salariés exclus du champ de la CPU.
• Un système de couverture solidaire non contributif pour les personnes n’ayant pas une capacité contributive. Le coût qui sera pris en en charge dans le cadre du système non contributif s’élève à près de 23 milliards de dirhams, répartie comme suit :
-L’AMO : 8,4 milliards de dirhams.
4 Les allocations familiales : 14,4 milliards de dirhams.
Le financement dans le cadre de ce régime se fera à travers:
• Le redéploiement progressif des ressources affectées actuellement au financement du régime RAMED et des transferts (Tayssir, DAAM) pour un montant annuel estimé, à terme, à près de 7 MMDH.
• Les économies réalisées sur la réforme progressive de la compensation pour un montant annuel estimé, à terme, à près de 14 MMDH.
• La contribution minimale éventuelle des bénéficiaires est évaluée à près de 820 MDH/an.
• La mobilisation de nouvelles ressources fiscales :
– La Contribution de solidarité introduite au titre du LF 2021 (4 à 5 MMDH).
– La TIC sur les pneus, adoptée par la LF 2021 (200 MDH).
Selon l’article 16 de la loi-cadre 21.09, une instance sera créée par le Gouvernement afin de garantir une harmonisation des efforts menés dans le cadre de la réforme en cours.
La mise en place de ce nouveau cadre de gouvernance permettrait d’assurer une meilleure convergence des actions et d’atténuer l’hétérogénéité entre les régimes existants (CNOPS, CNSS, ANAM…).
Ainsi, la gestion du régime assuranciel en remplacement du RAMED sera confiée à la CNSS et ce, dans l’objectif de converger au terme de la généralisation de la protection sociale au Maroc vers un pôle unique gérant la protection sociale.
FY
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