Mis en place par l’Organisation de coopération et de développement économiques OCDE, le Programme international pour le suivi des acquis des élèves PISA se propose de tester tous les trois ans le rendement académique en lecture, mathématiques et sciences auprès d’élèves de 15 ans, issus d’environnements d’apprentissages distincts dans différents pays.
Le 3 décembre dernier fut la date des résultats du test réalisé en 2018. Le Maroc y participe pour la première fois et se place en queue de la liste avec le score de 359 en compréhension de l’écrit, 368 en mathématiques et 377 en sciences. Derrière nous il n’y a que quatre pays (Liban, Kosovo, République dominicaine et les Philippines). La moyenne internationale standardisée par l’OCDE est de 487 en compréhension de l’écrit et 489 en mathématiques et Sciences. La chine, bien en dessus de la moyenne, est classée première dans les trois domaines de l’évaluation en réalisant les scores respectifs de 555, 591 et 590. Il n’est, bien entendu, pas question de se mesurer à la Chine; convenons, néanmoins, que le bas de la liste est une position choquante, que ce benchmark international est un autre indicateur clair qui sonne les cloches du danger aux portes de notre système d’enseignement.
Le communiqué de presse émis à cette occasion par le ministère de l’Éducation nationale est une prise de tête. D’une part, il invite l’opinion publique à la nécessité de lire et d’interpréter les résultats en tenant compte de la répartition variable des élèves marocains sur les niveaux scolaires des cycles secondaire collégial et secondaire qualifiant, car, dit-il, le test ne prend pas en considération le niveau scolaire des catégories estudiantines choisies. D’autre part, il souligne que 22 % des élèves choisis à l’échelle nationale poursuivaient leurs cours dans les niveaux 1 et 2 du secondaire collégial au moment de la passation du test, contre 2 % en Chine ; et que 54 % des élèves marocains poursuivaient leur cours dans le cycle collégial contre 40 % pour les pays qui ont réalisé des performances avancées. Finalement, le communiqué déduit que la plupart des pays ayant de bonnes performances étaient représentés par des élèves inscrits au dixième niveau (correspondant au niveau tronc commun) et au onzième niveau (correspondant à la première année du baccalauréat).
Cette opiniâtreté d’axer le discours officiel sur la recherche d’excuses au lieu de regarder en face l’affreuse réalité que révèle l’étude me parait ridicule. C’est un peu comme rater une compétition pour dire que l’on a trop mangé ou trop bu la veille. À croire que les résultats auraient été bien meilleurs si les élèves avaient été testés en période de repos !
Soucieux de tenir informée l’opinion publique de la performance des élèves marocains, le ministère justifie cet échec en adhérant aux excuses fragiles, contournant ainsi les vraies tumeurs qui minent le corps du système éducatif (la langue de l’enseignement, le départ massif des enseignants expérimentés, la contractualisation sans formation ni suivi, la surcharge des classes, et j’en passe). Jusqu’à quand continuera-t-on à faire l’autruche et cacher la tête dans des excuses fallacieuses et des attitudes pleurnichardes ? L’OCDE organise le test PISA tous les trois ans et standardise pour cela un protocole selon lequel des établissements sont tirés au sort en coordination avec le ministère de l’Éducation nationale. Ce qui veut dire que les 6814 élèves, appartenant à 179 établissements dans les cycles secondaire collégial et secondaire qualifiant, et venant des différentes académies régionales, n’ont pas étés choisis au hasard. Aillons donc le courage de regarder la réalité en face. Dans la grille du classement du pourcentage d’élèves peu performants dans les trois domaines (sous le niveau 2) la moyenne est de 13.4 %. La chine en est à 1.1 %, le Maroc à 60.2 %. Les faits sont là et l’aptitude de nos élèves à résoudre les problèmes d’ordre cognitif est tout simplement décevante et choquante. Il n’y a pas de meilleur miroir pour refléter l’effondrement de l’ensemble de notre système éducatif. Rappelons-nous que le Maroc s’est classé il y a peine quelques mois 94e sur 134 pays participants au Global Knowledge Index. Les résultats sont donc cohérents et en parfaite harmonie.
Par ailleurs, en guise de conclusion du communiqué, le ministère appelle les intervenants et parties prenantes impliquées à s’investir dans une interaction positive vis-à-vis des résultats de la première participation des élèves marocains au test PISA. Une réaction qui doit se faire, ajoute-t-on, dans le cadre du dessein d’objectifs et d’approches nouvelles et évolutives de l’apprentissage et des exigences de l’évaluation de celui-ci, en menant les analyses pertinentes susceptibles de déterminer les causes des réussites et des échecs dans ce domaine et de les intégrer dans les plans de développement.
Après toutes les réformes du système de l’enseignement, après un énième plan d’urgence et autre vision stratégique 2015-2030 déjà en cours, on en est encore au besoin d’analyses pertinentes pour déceler les causes des « réussites ?» et des échecs d’un système éducatif en débâcle. De grâce !
Younes Gnaoui