Par Afifa Dassouli
Bank Al-Maghrib poursuit une politique monétaire restrictive, initiée en septembre 2022, en augmentant son taux directeur de 50 points de base à 3%, la semaine dernière.
Les banques centrales européenne et américaine qui ont la même politique de resserrement monétaire, ont augmenté également en cette fin de mars, leur taux de base de respectivement 50 et 25 pdb à 3,5% et 4,75 %.
Et pour cause, faisant face à une inflation vive qui ne se stabilise pas, elles sont dans leur rôle de lutter contre cette tendance.
Chez nous, Bank Al-Maghrib vient de revoir ses projections d’inflation pour l’année 2023 à 5,5%, contre 3,9% au début de l’année, soit un niveau record depuis plus de trois décennies. D’autant que l’inflation sous-jacente se situerait selon ses réajustements, à 6,2% en raison essentiellement de la flambée des prix des produits alimentaires, sachant que pour le pétrole, son cours est descendu à 68 dollars le baril sur les marchés internationaux.
En conséquence, l’institution a également révisé à la baisse ses prévisions de croissance économique, sachant que celle-ci s’est beaucoup rétractée en 2022 à 1,37%, contre plus de 7% en 2021, même s’il s’agissait d’une année de rattrapage après la crise de la Covid, pour se situer à 2,6% pour 2023.
C’est pourquoi, la responsabilité des banques centrales de lutter contre l’inflation est doublée de celle de soutenir leur économie en favorisant son financement. Les banques centrales sont face à une stagflation héritée de la tension en Ukraine et de l’inflation galopante qui en découle. Or, si la hausse des taux directeurs est une mesure de lutte contre la hausse des prix, elle est en même temps néfaste pour la croissance économique parce qu’elle renchérit le coût du crédit.
Par ailleurs, l’actualité du moment montre que le resserrement des taux par les banques centrales fragilise la santé financière des banques et des autres institutionnels comme les caisses de retraite et les compagnies d’assurances. En effet, ces derniers ont tous subi une très forte correction de la valorisation de leurs actifs de placements. Au Maroc tout particulièrement où, à la hausse du taux directeur de 100 points de base qui a impacté la courbe des taux des Bons du Trésor, s’est ajoutée une dépréciation de 20% de la bourse des valeurs. Ce qui a entrainé une correction à la baisse du résultat des opérations de marché de plus de 40%.
Pire encore, les augmentations de taux directeurs sont allés jusqu’à « causer » une attaque à la solidité financière de certaines institutions bancaires.
C’est le cas de la Silicon Valley Bank, banque américaine spécialisée dans le financement de start-ups dans le secteur des nouvelles technologies, qui subissant un mouvement massif de retrait des dépôts, s’est trouvée face à l’obligation de vendre ses titres à des valeurs dépréciées sur le marché suite aux hausses des taux. Aux Etats-Unis, cette faillite de banque est la plus importante depuis quarante ans et Instruite par le Président de la FED M. Jerome Powell, elle a engendré des évolutions brutales des prix des actifs financiers et causé un traumatisme dans le système financier. A un tel point que la banque en question a dû être rachetée par sa consœur First Citizens de même que Crédit Suisse par UBS.
Pourtant, des contraintes réglementaires de la supervision bancaire auraient pu prévenir de tels drames dans le secteur bancaire, pour éviter une nouvelle crise financière.
Aux USA, la loi Dodd-Frank, adoptée après la crise financière de 2008 pour surveiller la solidité des banques, a été assouplie sous la présidence de Trump et dispensé les « petites » banques des normes exigées pour les grandes, dites systémiques.
A ce titre, il faut rendre hommage à Bank Al Maghrib qui observe une supervision stricte du système bancaire à travers l’application de procédures multiples et de ratios explicites comme ceux dit de solvabilité et de liquidité destinés à révéler la fragilité financière d’une banque.
Ainsi, en 2021, derniers chiffres disponibles du secteur, le ratio de solvabilité moyen qui rapporte les fonds propres à la somme des actifs nets pondérés s’est accru à 15% pour un minimum règlementaire de 12%. Pour sa part le ratio des fonds propres de catégorie 1 s’est établi à 12% pour un minimum réglementaire de 9% et le ratio moyen des fonds propres de base core tier 1, dont le numérateur reprend uniquement les fonds propres de base servant à l’absorption des pertes en continuité d’exploitation s’est établi à 11,1% pour un minimum de 8%.
Et, depuis l’entrée en vigueur de la dernière circulaire de BAM relative à la mesure du risque de taux d’intérêt, relative au portefeuille bancaire en mars 21, les banques mesurent la sensibilité de la valeur économique de leurs fonds propres sous 6 scenarii de stress tests réglementaires dont les courbes de taux actuarielles et l’ampleur des chocs des taux d’intérêt sont différenciés par devises…