Les collectivités territoriales s’orientent vers le financement de marché pour accélérer leur développement
L’AMMC, dans sa réflexion stratégique, se doit de développer toutes les possibilités de financement du marché des capitaux. A ce titre, elle soutient aujourd’hui celle des émissions obligataires par les collectivités territoriales.
Son objectif étant d’améliorer le fonctionnement du marché des capitaux en diversifiant son offre tout en sachant que l’Autorité du marché des capitaux a déjà lancé les obligations vertes, les obligations sociales, les OPCI etc…
De même, celle-ci réfléchit en termes d’acteurs nouveaux qui peuvent bénéficier des financements du marché pour leurs projets de développement. Au-delà des acteurs privés actuels, elle s’adresse aux entreprises publiques et vient de signer une convention avec l’Agence Nationale de Gestion Stratégique des Participations de l’État, pour faciliter le recours à ses différentes composantes au marché pour le financement de leur projet de rénovation et de mise à niveau.
Il faut savoir que dans le cadre de la trajectoire actuelle d’investissements massifs pour le développement du pays dans les infrastructures, les équipements pour la Coupe du monde, et aussi les réformes de fond comme l’élargissement de la protection sociale, le budget de l’État et le financement bancaire ne suffisent plus pour financer tous ces projets.
Comme c’est le cas dans le monde occidental, le marché des capitaux constitue une solution à cette insuffisance. Les institutionnels, compagnies d’assurance, caisses de retraite qui gèrent des milliards de primes et de cotisations de retraite, les OPCV qui gèrent à eux seuls plus de 750 MMDHs de collecte d’épargne, ou encore les OPCI plus récents qui ont des actifs de 100 MMDHs et mêmes les personnes physiques qui investissement de plus en plus sur le marché, cherchent des produits d’investissements pour rentabiliser ces montants.
C’est dans ce contexte que l’AMMC, dans son engagement à accompagner les collectivités locales et régionales vers le financement du marché des capitaux, a organisé début juin un atelier pour accueillir les membres de la Direction Générale des collectivités territoriales, leur présenter les différentes possibilités de financement qu’offre le marché des capitaux, en mettant l’accent sur le benchmark à l’international. Sachant que dans nombre de pays dont nos voisins et partenaires, les collectivités se financent beaucoup sur les marchés.
Et il y a des précédents au Maroc comme celui de la ville d’Agadir, qui a déjà franchi le pas avec une émission obligataire en 2022 d’un milliard de dirhams. Les régions et communes pourront suivre la même voie compte tenu des changements intervenus par décret dans le règlement de leur fonctionnement interne.
Le décret en question, qui fait évoluer les textes de Loi, prévoit une condition implicite selon laquelle le service de la dette arrive en priorité des dépenses. Cette règle de fonctionnement dans le statut des collectivités territoriales constituera pour les investisseurs une forme de garantie pour les attirer. Dans le cadre de la régionalisation avancée, les régions ont des plans de développement régionaux importants, alors que leurs budgets sont insuffisants.
Et, à défaut de recourir encore au budget de l’État sachant que le FEC qui les finançait a ses propres limites, elles vont dorénavant pouvoir se financer par l’émission d’obligations sur le marché des capitaux.
Toutefois, ces nouveaux acteurs de marché ne peuvent pas faire un appel public à l’épargne, qui par définition leur aurait permet de s’adresser à un large public à défaut de bilans comptables, commissariats aux comptes et donc de transparence parfaite.
Bien sur les collectivités territoriales vont se faire accompagner par les banques d’affaires pour leur émission obligataire, l’accès de ces dernières à ce nouveau type de financement imposera certainement un assainissement important.
Elles devront changer leurs références comptables et passer d’une comptabilité de caisse à l’utilisation du code de comptabilité nationale pour pouvoir délivrer les états financiers standards, ce qui leur prendra du temps.
Dans l’intervalle, elles devront recourir au placement privé, un produit de financement qui s’adresse à des investisseurs qualifiés qui ont là une nouvelle et importante opportunité, les régions étant le bras de l’État pour assurer le développement territorial et la régionalisation avancée à travers les PDR (plans de développement régionaux adaptés aux spécificités de chaque région). Traditionnellement celles-ci sont financées par les transferts de l’État à partir de l’IS, de la TVA et des taxes locales augmentées d’une subvention de l’État sur la base des projets déposés à l’Agence de développement des Collectivités territoriales et au fur et à mesure de leur réalisation. Le placement privé est quant à lui un régime alternatif qui exige des investisseurs qualifiés qui ont les compétences pour évaluer le risque inhérent à l’investissement sans disposer de publications et de documents. Ils sont limités à 20, s’engagent à garder les titres au moins 24 mois sans pouvoir les céder, sauf à d’autres investisseurs du groupe et peuvent être des compagnies d’assurance et des caisses de retraite, des banques, etc.
L’État ne garantit pas les émissions des collectivité territoriales, mais les paiements d’emprunt sont considérés comme des dépenses obligatoires et prioritaires pour ces émetteurs dans leur règlement intérieur. La rémunération est négociable avec les investisseurs sur la base du taux sans risque des Bons du Trésor et une prime de risque négociée. Ces emprunts sont souvent ou sociaux ou environnementaux pour alimenter des projets à impact vert ou social. Comme l’a été l’exemple de l’Emprunt obligatoire d’Agadir dont le montant d’1 milliard pour une durée de 7 à 10 ans au taux de 4,5%, se partageait en deux tranches, l’une de 460 Mdhs pour rembourser les dettes antérieures et la différence pour financer les projets d’investissements. Le taux de rémunération de l’émission d’Agadir étant très intéressant, la prochaine émission que prépare la ville de Casablanca est déjà très attendue par les investisseurs…
Afifa Dassouli