Entretien avec M. Karim Idrissi Kaitouni, Directeur Exécutif en charge du Marché des Entreprises, Attijariwafa bank.
La Nouvelle Tribune :
M. Idrissi, comment avez-vous abordé le cap de la digitalisation des services bancaires à destination des entreprises ? Quel a été le parcours de la banque et quelles furent les diverses évolutions vécues ?
M. Karim Idrissi Kaitouni :
Effectivement, les premiers pas de la digitalisation chez le groupe Attijariwafa bank ont été accomplis à destination de l’entreprise, il y a plus d’une vingtaine d’années, notamment par des services de télétransmission qui fournissement des informations relatives aux relevés, aux mouvements des comptes, aux opérations quotidiennes et au traitement des opérations internationales. Et nous avons énormément travaillé à l’époque avec de grands groupes et notamment des multinationales pour offrir ce type de prestations.
Mais depuis ces cinq dernières années, Attijariwafa bank est entrée dans l’ère du digital. La connexion des entreprises au système de la banque pour échanger numériquement des données, constitue la base de la conception de nos services digitaux et les canaux précédemment déployés se trouvent rattrapés par les évolutions technologiques, ce qui impose un effort d’innovation et de développement permanent.
C’est dans ce cadre que notre banque a mis en place une stratégie de transformation, notamment sur le volet digital et qui s’inscrit dans le programme «Énergies 2020» principalement axé sur la digitalisation de nos process, nos produits, la gestion des risques, etc., et ce pour tous types de clientèle entreprises (TPE, PME et GE).
L’ère du digital évoque aujourd’hui l’indexation des nouveaux comportements des clients et de leurs parcours dans la relation avec la banque, à tout ce que peut offrir le monde digital en termes d’innovations pour s’adapter à ces évolutions. Et là, on pense notamment à l’intelligence artificielle.
Aujourd’hui, qui dit digital ne dit pas forcément un « device » ou une plateforme sur lesquels on va effectuer une transaction, mais répond surtout à la question : quelle est cette expérience que nous voulons faire vivre à un client, particulièrement l’Entreprise pour mieux répondre à ses attentes et anticiper ses besoins ?
De là un nouveau concept est né, qui est celui du «big data». Les banques, mais également beaucoup d’autres institutions sont dans la collecte de données, pour étudier les bonnes et les mauvaises expériences que ces clients-là vivent.
L’idée est de bâtir un produit, un process, un service offrant au client la meilleure expérience. Le digital est porteur de nouvelles notions fondamentales : le «customer journey» (parcours client) et la «customer experience» (expérience client). C’est un jargon nouveau que toutes les institutions collectant de la data utilisent désormais.
Par ailleurs, le challenge se ressent en matière de digitalisation des services bancaires. D’une part, on retrouve les jeunes start-ups qui développent des solutions technologiques adaptées à la banque et à son offre de produits et services, et d’autre part, les géants du web notamment les GAFA (Google, Amazone, Facebook, Apple) et les opérateurs téléphoniques qui développent de l’appétit pour les services bancaires. L’enjeu est donc de renforcer ses capacités concurrentielles pour continuer à servir ses clients de la meilleure manière.
Comment exprimez-vous l’approche digitale du groupe Attijariwafa bank en direction de la TPME qui constitue 95% au moins du tissu entrepreneurial national ? Et comment implémentez-vous tout cela dans la pratique ?
Le groupe Attijariwafa bank s’est déjà organisé au niveau de ses activités supports et systèmes d’information afin de se trouver à la pointe des pratiques internationales pour la digitalisation, et répondre au mieux aux besoins évolutifs de ses clients.
Au niveau de notre Groupe, l’approche digitale est marquée par le sceau de l’agilité. Nous sommes dans la rapidité, l’efficacité et l’implémentation quasi instantanée des nouvelles fonctionnalités. De ce fait, cette approche devient prioritaire aux grands projets qui nécessitent deux ou trois années pour leur mise en œuvre.
D’ailleurs, nous menons une stratégie de veille sur toutes les avancées technologiques de par le monde. Cela nous permet d’appliquer, grâce à nos outils, une «omni-canalité», le tout au service du client et de ses besoins afin de lui permettre une relation simplifiée avec la banque dans les canaux de son choix.
Aujourd’hui nous sommes conscients que la maîtrise des flux financiers, la sécurisation des transactions et l’optimisation de trésorerie figurent parmi les principales préoccupations des entreprises.
Face à ces défis, Attijariwafa bank propose une large offre de produits et de solutions couvrant l’ensemble des besoins de nos clients en termes de dématérialisation des paiements, de rationalisation de la trésorerie et de gestion des comptes et opérations bancaires, à distance aussi bien au niveau local qu’international.
Notre service de banque en ligne, Attijarinet Entreprises, permet d’accéder de manière sécurisée 24H/24 et 7j/7 à l’ensemble des comptes de l’entreprise à distance et d’effectuer des transactions de virements (vers comptes Attijariwafa bank et comptes confrères), de paiement de factures, impôts et taxes et de recharges (cartes…).
Cette solution est adoptée par 85% environ des clients Entreprises et ne cesse de connaître des mises à jour et des innovations quasiment mensuelles.
Plusieurs autres fonctionnalités y sont adossées, notamment le multi-utilisateurs permettant d’avoir plusieurs accès avec la possibilité de gérer différents niveaux d’habilitation et de validation des opérations, un module de gestion des opérations de masse récurrentes, telles que les virements de salaires, les virements fournisseurs, les prélèvements automatiques de masse, etc., un service d’alerte et de notifications qui offre une information complète sur le fonctionnement des comptes en temps réel, ainsi qu’un service d’archive permettant l’accès aux relevés, avis d’opérations, images chèques et LCN (lettres de change normalisées), avec un historique pouvant aller jusqu’à 5 ans.
Par ailleurs, la Banque s’adapte aux solutions déployées par les entreprises, pour leur communiquer de manière intégrée des informations bancaires selon différents formats, notamment les relevés, les impayés, les exécutions de virements internationaux, etc., mais aussi pour leur permettre d’initier des opérations bancaires directement depuis leur système de gestion de trésorerie et rapatrier leurs données bancaires pour un rapprochement automatique.
Attijariwafa bank met à la disposition des entreprises également plusieurs solutions de dématérialisation de leurs encaissements, afin de leur permettre d’accélérer leur circuit de recouvrement et de faciliter l’identification de leurs créanciers. Je cite le prélèvement automatique de masse, la centralisation des encaissements régionaux sur un compte unique, le traitement dématérialisé des valeurs chèques et LCN depuis le point de vente, etc.
Nous avons aussi lancé récemment E-markets, une plateforme de trading électronique qui permet de réaliser et de suivre les opérations de change. Elle offre également un accès privilégié à de multiples données de marché.
Et pour finir avec l’implémentation du digital en pratique à la banque, nos espaces LSB (libres-services bancaires), offrent à nos clients entreprises la possibilité de choisir les horaires pour effectuer leurs opérations bancaires sans dépendre des heures de fermeture des agences.
Je souligne enfin l’accompagnement de toutes nos initiatives de digitalisation des entreprises par la digitalisation des process internes et des circuits de traitement en back office afin d’améliorer constamment le service rendu et la qualité de nos prestations bancaires en ligne. Il n’en demeure pas moins que l’intervention humaine soit sollicitée et requise pour des opérations à forte valeur ajoutée, notamment les activités de conseil.
Quel est le plus que vous offrez en matière de digitalisation et qui prouve que le groupe Attijariwafa bank est dans une logique irréversible, notamment à l’endroit de la TPME ?
En matière de digitalisation, nous étendons notre offre aux services non financiers, ce qui représente une grande valeur ajoutée dans l’accompagnement des entreprises.
Dans ce sens, notre banque en ligne Attijarinet Entreprises est enrichie d’un service de formation en ligne, «e-learning» grâce à notre partenariat avec Bpifrance et BPI Université.
Plusieurs modules de formation sont à la disposition des entreprises pour accompagner leur développement : finance, achats, stratégie et innovation, transformation digitale, etc.
Nous proposons également des services de mise en relation et de networking à travers la plateforme BtoB «Attijari Business Link» où des «webinaires» destinés à la clientèle adhérente sont organisés régulièrement sur des thématiques qui touchent les préoccupations des entreprises. Le dernier séminaire en ligne était consacré aux délais de paiement.
Pour la TPE particulièrement, la banque a fortement innové par la mise en place de la plateforme dédiée darlamoukawil.com, un concept exclusif, disponible également en centres physiques Dar Al Moukawil, offrant gracieusement aux Très Petites Entreprises existantes, clientes et non-clientes en création ou en idée de projet, la possibilité de bénéficier de plusieurs services d’accompagnement à travers l’accès à des informations riches, des séances de formation et des services de mise en relation avec les différents opérateurs de l’écosystème.
Le portail web darlamoukawil.com enregistre plus de 420.000 connexions, les cours en ligne et les vidéos didactiques sont visionnés près de 486.000 fois et la chaîne YouTube de Dar Al Moukawil et la page la page Facebook d’accompagnement des TPE «Ana Maâk», comptent respectivement plus de 11.000 et 75.000 abonnés.
Pour conclure, je dirai que la digitalisation, outre l’économie de coûts et de temps qu’elle génère aux banques, fait du client Entreprise le grand bénéficiaire grâce à l’autonomie, la disponibilité à tout moment, la sécurité et la souplesse dont il dispose d’une part, et au temps que lui consacre la banque pour les activités d’accompagnement et de conseil d’autre part.
Entretien réalisé par
Afifa Dassouli