Le Salvador est devenu mercredi la première nation au monde à convertir le bitcoin en monnaie légale, un projet défendu par le président Nayib Bukele pour dynamiser la croissance de ce pays d’Amérique centrale.
Treize ans après sa création, c’est une nouvelle étape pour cette monnaie virtuelle, qui est pourtant régulièrement critiquée pour ses usages illégaux, même si des exemples récents ont montré que la transparence de son réseau pouvait aussi jouer contre les criminels.
« La loi sur le bitcoin vient d’être approuvée à la majorité qualifiée » par l’assemblée législative, a twitté le président Bukele après le vote, qualifiant d’historique cette décision.
Concrètement, dans ce petit pays où quatre personnes sur dix vivent dans la pauvreté, cette loi devrait permettre à terme d’utiliser le bitcoin pour de nombreux aspects de la vie quotidienne, de l’achat de biens immobiliers aux contributions fiscales.
Actuellement, la principale monnaie du Salvador est le dollar américain et la manière dont le pays envisage de mettre en œuvre le bitcoin comme monnaie fonctionnelle n’est pas claire.
Politiquement, cette décision est en tous les cas une façon pour le Salvador d’affirmer son indépendance vis-à-vis de la monnaie américaine.
Sur les 84 parlementaires du Congrès, 62 d’entre eux ont approuvé le projet de loi, proposé par le président la semaine passée.
La loi, qui ne contient que 16 articles, a été adoptée avec l’appui des alliés de Bukele, malgré le scepticisme de partis d’opposition qui ont refusé de la soutenir, critiquant la rapidité du vote.
— Attirer les investissements —
Selon la loi, « le taux de change » entre le bitcoin et le dollar américain « sera librement établi par le marché. »
Lors de la conférence Bitcoin 2021 qui s’était tenue dans la ville américaine de Miami les 4 et 5 juin, M. Bukele avait défendu dans un message vidéo ce projet, estimant qu’il apporterait « de l’inclusion financière, de l’investissement, du tourisme, de l’innovation et du développement économique » au pays.
Pour le dirigeant de 39 ans, le bitcoin représente « le moyen le plus rapide pour transférer » ces milliards de dollars d’envois de fonds et pour éviter que des « millions de dollars » n’aillent dans les poches d’intermédiaires.
Dans l’économie dollarisée du Salvador, les envois de fonds des Salvadoriens depuis l’étranger constituent un soutien important et équivalent à 22% du produit intérieur brut (PIB).
Avec la légalisation du bitcoin, cela permettrait, lors des transferts d’argent de toute la diaspora, d’éviter les frais de change, commissions, etc.
« Cette loi va rendre le Salvador plus visible dans le monde, nous serons plus attractifs pour les investissements étrangers », a estimé Romeo Auerbach, qui appartient au parti de la Grande Alliance pour l’Unité nationale, allié de Bukele.
En revanche, la députée de l’opposition Anabel Belloso (FMLN), ne cachait pas son scepticisme: « la loi a de nombreuses implications pour la sphère économique et tout le monde n’est pas au clair sur la façon dont cela va fonctionner, en tenant compte du fait que les cryptomonnaies sont volatiles sur le marché, elles sont instables ».
Le marché des cryptomonnaies a crû à plus de 2.500 milliards de dollars à la mi-mai 2021, selon le site internet Coinmarketcap –qui recense près de 10.000 cryptomonnaies, dopé par l’intérêt grandissant des investisseurs de Wall Street et de la Silicon Valley.
Mais la volatilité du bitcoin –dont le cour est actuellement de 33.814 dollars et son statut légal obscur a soulevé plusieurs questions s’il doit remplacer les monnaies traditionnels pour les transactions au jour le jour.
LNT avec Afp