Otto von Bismarck a marqué son temps et son siècle mais nous a surtout laissé en héritage un concept de géopolitique qui, au gré des évolutions du monde depuis la fin du XIXe siècle, est toujours d’actualité en 2023, la « Realpolitik ». Celle-ci se définit simplement comme l’exercice d’une « politique internationale basée sur des considérations de rapports de force et de possibilités concrètes (sans influence idéologique) ».
Dans le contexte international actuel, l’attention de tous est braquée vers la guerre entre l’Ukraine et la Russie notamment à cause de l’instabilité économique mondiale nourrie par l’inflation qui en découle, après plusieurs années de crise de la Covid-19.
Mais, en réalité, c’est tout l’échiquier mondial qui est en mouvement, avec de nouveaux rapports de force et des considérations bien plus pragmatiques pour les États. Et les exemples ne manquent pas. Lorsque la Russie et la Chine mettent le grapin sur l’Afrique, militairement et financièrement, c’est la position historique de la France notamment qui est remise en cause avec les conséquences que l’on connait sur sa place et l’accueil qui lui est réservé dans les pays africains, habituellement acquis à sa cause.
Le rapprochement, voire la détente des relations entre l’Arabie saoudite et l’Iran, génère aussi une nouvelle donne aux conséquences multiples lorsqu’on sait à quel point l’isolement de l’Iran est important pour d’autres puissances de la région ou la proximité historique de la péninsule arabique avec les Etats-Unis.
Comment interpréter également la fougue qui semble animer les Présidences de nos voisins Algériens et Tunisiens si ce n’est à travers une certaine forme de surenchère conjoncturelle qui leur donne des ailes ?
Dans cette grande redistribution mondiale des zones d’influence et des partenariats stratégiques qui dessinent une nouvelle carte, le Maroc a une partition minutée et précise à jouer. Les relations bilatérales teintées de soumission, de tutelle et de dépendance, font désormais place à une politique extérieure décomplexée et assumée dans ses orientations et ses actions, parce que motivée par une stratégie profonde de redéfinition de la place du Maroc. Le récent communiqué du Cabinet royal, destiné à recadrer les logorrhées populistes du PJD, s’inscrivent dans ce contexte. Ne manipulons pas les instincts grégaires de nos concitoyens en montant en épingle des polémiques qui ne profitent pas aux intérêts des Marocains. La pyromanie politique, une certaine forme de sabotage des acquis et des avancées diplomatiques du Maroc, n’est pas tolérable tant les efforts consentis visent justement à sécuriser le développement de notre pays. Le complotisme et les fake news émis par nos détracteurs, pour ne pas les qualifier purement et simplement d’ennemis, sont déjà assez présents pour qu’on ne contribue pas volontairement à les alimenter en dressant les Marocains contre leurs Institutions.
Et, si le ministre des affaires étrangères marocain s’entretient avec son homologue russe au téléphone, dans le même temps, le Chef du gouvernement reçoit une délégation du Congrès américain, représentant le Parti Démocrate US. Ce n’est pas une contradiction idéologique, mais de la Realpolitik, tout simplement.
Zouhair Yata