Des députés libanais assistent à la 12e session parlementaire destinée à élire un nouveau président à Beyrouth, le 14 juin 2023
Le Parlement libanais a échoué pour la douzième fois mercredi à élire un président, le bras de fer avec le puissant Hezbollah pro-iranien aggravant le risque d’une vacance prolongée dans le pays.
Le Liban en plein effondrement économique est sans président depuis plus de sept mois et dirigé par un gouvernement démissionnaire aux pouvoirs réduits.
Le Parlement compte 128 députés et aucun camp n’y dispose d’une claire majorité. Mercredi, ni un ancien ministre soutenu par le Hezbollah ni un économiste appuyé par ses adversaires, n’ont obtenu le nombre suffisant de voix pour être élu.
Au premier tour, Jihad Azour, un responsable du Fonds monétaire international (FMI), a obtenu 59 voix, contre 51 voix pour son concurrent, l’ancien ministre Sleimane Frangié.
Tout candidat a besoin de 86 voix pour être élu au premier tour.
Les députés du Hezbollah et de ses alliés, soutenant M. Frangié, sont ensuite sortis pour empêcher, faute de quorum, la tenue d’un deuxième tour au cours duquel 65 voix, soit la majorité absolue, sont suffisantes pour élire un président.
Les parlementaires du Hezbollah et de ses alliés avaient déjà eu recours à la même tactique lors des sessions précédentes. Le parti domine la vie politique et dispose d’un puissant bras armé.
« Ce qui s’est produit aujourd’hui est un véritable soulèvement des députés libanais (…) qui ont dit +non aux diktats et aux menaces+ », a déclaré le député chrétien Samy Gemayel, chef du parti des Kataëb, en allusion à la formation chiite accusée de vouloir imposer son candidat.
Interrogé par l’AFP, Hassan Fadlallah, un député du Hezbollah, a pour sa part assuré que « le pays ne peut être dirigé par (…) la confrontation mais par l’entente ». « Pour nous, le dialogue est essentiel pour élire un président », a-t-il ajouté.
– Confrontation? –
M. Azour, qui a suspendu sa mission au FMI pour mener sa campagne, avait affirmé lundi vouloir « contribuer à une solution et ne pas être un facteur de crise ».
Ancien ministre des Finances (2005-2008), il avait assuré que sa candidature ne constituait « un défi pour personne », en réponse au Hezbollah qui l’a qualifié de candidat « de confrontation » et de « défi ».
Un premier candidat soutenu par les adversaires du Hezbollah, le député Michel Moawad, avait déjà été qualifié de tel par la formation chiite, avant de se retirer la semaine dernière au profit de M. Azour.
M. Frangié, dont le grand-père a été président du Liban, avait de son côté promis dimanche d’être « le président de tous les Libanais », malgré son alliance avec le Hezbollah et l’amitié qui le lie au président syrien Bachar al-Assad.
En vertu du système confessionnel de partage du pouvoir, la présidence du Liban est réservée à un chrétien maronite.
– Compromis? –
Face à ce blocage et « en l’absence d’une pression internationale importante », le plus probable est que le pays entre dans une « période de vacance prolongée » qui pourrait durer plusieurs mois, estime l’analyste Karim Bitar.
Le quotidien Al-Akhar, proche du Hezbollah, titrait mercredi sur toute sa première page: « Le vide ».
Lors de la dernière élection présidentielle, le camp du Hezbollah avait paralysé l’action du Parlement pendant plus de deux ans pour imposer l’élection de Michel Aoun, son allié, en 2016.
Par le passé, les députés attendaient souvent des directives de leurs différents « parrains » étrangers avant de voter.
Seul pays à s’impliquer réellement dans ce dossier, la France, ancienne puissance mandataire, doit dépêcher à Beyrouth l’ancien ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, nommé « envoyé personnel pour le Liban » du président Emmanuel Macron.
Paris a appelé mardi les responsables libanais à « prendre au sérieux » la session parlementaire et « en faire l’occasion d’une sortie de crise ».
Washington a également exhorté le Parlement libanais « à finir le travail » et élire un nouveau président avec « un sentiment d’urgence ».
Pour Karim Bitar, l’impasse pourrait mener à « des négociations qui aboutiraient à une solution autour d’un troisième homme, et une élection décidée d’avance, comme la plupart des autres scrutins dans l’histoire du Liban ».
LNT avec Afp