Les images de la tentative de passage de plus de 2 000 migrants de Nador vers Melilia sont simplement insoutenables. D’abord parce qu’humainement, de manière universelle, elles témoignent de la détresse, de la misère de la condition humaine en Afrique et symbolisent avec violence le mur de l’indifférence occidentale.
Ces images ont fait le tour du monde une nouvelle fois, et pour tous ceux qui n’ont aucune clé de lecture de ces événements, elles représentent un choc unanime dont on ne peut que retenir le décès de 23 personnes.
La question migratoire en Afrique n’est pas nouvelle, la coopération active entre le Maroc, l’Espagne et en lame de fond l’Union européenne ne l’est pas non plus. En revanche, le contexte géopolitique des derniers mois a immanquablement eu un impact décisif sur les événements de Nador.
Tout observateur attentif ne pourra pas ne pas lier le réchauffement récent des relations diplomatiques et de la coopération entre le Maroc et l’Espagne, et la concomitante vexation de l’Algérie face à cette situation, bien qu’il soit difficile de pointer formellement du doigt notre voisin. En effet, c’est à la fois l’action et l’inaction de l’Algérie qui sont en cause dans la mesure où a minima, compte tenu de la position géographique et de la présence militaire active algériennes dans la région, le passage de plus de 2 000 migrants originaires du Soudan à l’Est du Maroc jusqu’à Nador, n’a pas pu passer inaperçu.
Au-delà des responsabilités politiques du moment, ce sont les organisations criminelles qui sévissent en Afrique dans le trafic d’êtres humains qui sont pointées du doigt. Bénéficiant de l’extrême porosité des frontières continentales africaines, financées par le puits sans fond des espoirs d’ailleurs des Africains, elles sévissent en quasi-impunité. Mais, par leur nature même, ces organisations sont sans visage, anonymes et transparentes, en particulier pour les opinions publiques, au Maroc et à l’étranger, lorsqu’elles sont exposées aux images atroces des violences et des morts.
La position géographique du Maroc, mais aussi l’exercice de sa souveraineté territoriale et sécuritaire, en font la tête de proue de cette actualité aux yeux de tous, la partie immergée et visible de l’iceberg. Or, si les assauts des migrants ne peuvent se faire qu’à partir du Maroc et que les trafiquants n’hésitent plus à détourner les routes habituelles de l’Afrique de l’Est vers le Maroc, pourtant habitué aux flux migratoires venus de l’Afrique sub-saharienne et francophone, on ne peut que s’attendre à ce que ces drames se multiplient.
D’autant que les raisons profondes qui nourrissent ces flux clandestins, de la pauvreté aux guerres et famines, en passant par les trafics de toutes sortes qui créent un terreau favorable à la traite humaine, mais aussi les conséquences directes de la crise du climat, paraissent insolvables tant la tâche est colossale.
Pour autant, malgré la saisonnalité de ces incidents tragiques, il ne s’agit pas d’épisodiques feux de forêt. Le Maroc, dont l’économie dépend en partie du tourisme et qui s’échine à se présenter sous ses plus beaux atours à l’international, ne peut pas indéfiniment être chargé d’être le gendarme aux frontières de l’Europe, si le prix à payer est si fort.
Zouhair Yata