Depuis le milieu des années 2000, le développement de l’internet haut-débit, couplé à l’apparition des smartphones et à la connectivité de plus en plus de personnes dans le monde, le digital compte parmi les pistes de développement principales des Etats. Transformation digitale, startups, phygital… autant de termes auxquels on attribue des potentialités de développement gigantesques.
Selon un rapport de la Banque Mondiale sur le développement du numérique dans le monde, croissance, emplois et services sont les avantages les plus importants qu’apportent les investissements dans le numérique.
Les technologies numériques aident les entreprises à devenir plus productives, les populations à trouver des emplois et élargir leurs possibilités, et les pouvoirs publics à fournir des services de meilleure qualité à tous.
Mais tout n’est pas rose : en effet, le rapport stipule que les dividendes du numérique ne se diffusent pas assez rapidement, principalement à cause de la fracture numérique entre les populations et l’apparition de nouveaux risques comme les cyberattaques.
Ainsi, la connectivité est essentielle, mais pas suffisante, pour récolter tous les fruits des technologies numériques. Les investissements dans le numérique doivent être appuyés par des « compléments analogiques» : des réglementations qui permettent aux entreprises d’exploiter l’internet pour affronter la concurrence et innover ; de meilleures compétences pour que les individus puissent saisir toutes les possibilités offertes par le numérique ; et des institutions responsables, afin que les pouvoirs publics répondent aux besoins et aux exigences des citoyens.
Au Maroc, le numérique a été l’un des principaux piliers de développement mis en avant ces 15 dernières années, et le rapport sur le nouveau modèle de développement lui accorde une place majeure. Où en est le Royaume, et surtout, le numérique connaît-il ici un développement sain et pérenne ?
Une forte ambition malgré les obstacles
Le Maroc a l’ambition affichée de devenir une «nation digitale», à l’instar de Singapour, ou la Corée du Sud. Après un succès en demi-teinte de la stratégie Maroc Numeric 2013, et à l’occasion du lancement de la stratégie Maroc Numeric 2020 et la création de l’Agence de Développement Digital (ADD), un état des lieux avait été réalisé.
Il a permis de constater que malgré des avancées certaines, des obstacles persistaient, comme l’absence de vision intégrée de la transformation digitale, des barrières réglementaires ne permettant pas la mise en œuvre effective et l’usage à grande échelle des plateformes digitales, ou encore une infrastructure digitale à améliorer en raison des zones blanches restantes à couvrir, du faible débit de données et de la faible utilisation des data centers.
Des faiblesses avaient été également notées au niveau de la culture du digital au sein de la population et du manque de profils spécialisés. Sur ce dernier point, il faut noter que le rapport sur le nouveau modèle de développement prévoit un besoin en profils spécialisés en technologies numériques d’environ 15.000 par an pour les prochaines années, pour atteindre plus de 50.000 à l’horizon de 2030. Le Royaume est encore loin du compte !
Parmi les pistes d’amélioration, on relève notamment le besoin d’installer un tissu de 2.500 startups à horizon 2025, pour permettre l’amélioration de la productivité et la compétitivité de l’économie marocaine qui fait face à des gains de productivité structurellement faibles.
Du financement des startups
Ces startups doivent être financées pour exister, d’où la création de structures dédiées, dans le public comme le privé. En 2010 avait été créé pour cela Maroc Numeric Fund, dans le cadre du plan national Maroc Numeric 2013, d’une taille de 100 MDH.
En 2018, MITC Capital, société gestionnaire du Technopark, dans le cadre du programme Innov Invest de la Caisse Centrale de Garantie (CCG), avait lancé Maroc Numeric Fund II, avec la même vocation d’appuyer les startups marocaines dans le milieu des technologies. Faisant partie des quatre fonds créés dans le cadre du programme Innov Invest, il est soutenu par la Banque Populaire, Attijariwafa bank et Bank of Africa. Il est doté d’un budget de 128 MDH jusqu’à 2023.
Et le fonds a investi dans plusieurs startups. Le premier financement du fonds date du 7 juillet 2020 avec la société de paiement électronique OnePay. Le second est un investissement de 3 MDH dans la société KoolSkools, une plateforme éducative collaborative. Ensuite, MNF II a financé la société Atlan Space à hauteur de 10 MDH, pour accompagner la croissance de cette startup spécialisée dans l’intelligence artificielle embarquée sur drone. Fin juin 2021, Yalla Xash, fintech de service de transfert d’argent entre l’Amérique du Nord et l’Afrique, a reçu 6 MDH. Et enfin, au début du mois de juillet 2021, le fonds a annoncé investir 4 MDH dans Damanesign, une startup éditrice de solutions de confiance numérique.
Il s’agit d’investissements importants, mais ceux-ci sont proposés à des startups qui ont déjà montré un business modèle relativement solide, pour certaines après avoir déjà reçu un financement plus modeste du fonds Innov Invest.
Car c’est un des points les plus importants des investissements dans les startups : le risque reste élevé, et 90% des startups innovantes meurent avant d’avoir passé le cap des trois ans d’existence. La Silicon Valley est parfois citée en exemple à suivre, mais le Maroc ne joue pas dans la même catégorie. En Californie, les meilleurs talents mondiaux sont rassemblés, et les investisseurs peuvent risquer des dizaines, voire des centaines de millions de dollars, pour espérer tomber sur la perle rare qui va rapidement accéder à un marché mondial et valoir des milliards.
C’est là tout le besoin, relevé par la plupart des analystes, d’une stratégie nationale cohérente et transversale, qui devra permettre de limiter les mauvais investissements et de créer l’environnement propice à une croissance rentable pour les startups.
Selim Benabdelkhalek
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