Non, Non et Non ! La Bourse des Valeurs de Casablanca ne va pas se développer.
Le marché financier qu’elle incarne, ne jouera pas au Maroc son rôle de financement de l’économie, les banques continueront à en être les intermédiaires et donc les principaux acteurs en la matière.
La Bourse restera non seulement un marché restreint, illiquide et inefficient, mais continuera à être sollicitée essentiellement pour valoriser les sociétés privées en faveur de leurs propres actionnaires qui, en cédant une part de leur capital, se remplissent les poches en prenant des profits par anticipation.
Mais aussi à permettre de valoriser les entreprises publiques au détour de leur privatisation.
Elle continuera à concrétiser toutes sortes d’opérations de capital, se détournant pernicieusement des augmentations de capital en faveur de projets d’investissements industriels, technologiques, innovants ou de croissance externe.
D’ailleurs, les seules opérations d’augmentation de capital enregistrées sur le marché de blocs concernent les banques et sont réglementaires, exigées par Bank Al-Maghrib !
Pourtant, si on constate que le système bancaire n’encourage guère ses clients « corporate » à diversifier leurs besoins de financement à la faveur du marché boursier, même s’il s’en défend, en se prévalant de ses filiales sociétés de bourse, il n’est pas le seul.
L’État également n’encourage pas particulièrement ce mode de financement faisant montre de réticences, comme celle manifeste qui avait retardé la démutualisation de la bourse, intervenue seulement en décembre 2015.
Mais depuis, on a vu la lenteur de la mise en œuvre du nouveau règlement de la bourse dont le texte vient à peine de sortir cette année.
Mais le pire réside sans doute dans l’ambition donnée à la réforme de la bourse qui, après avoir été très attendue, s’avère très ambitieuse par la place qu’elle confère à la bourse sur la place financière de Casablanca.
Alors, certes, un marché de la PME est attendu, mais il ne concerne pas vraiment les petites entreprises.
Ses différents compartiments ne sont attractifs que par leur abondement d’exigences en matière de transparence financière.
Idem pour le marché des devises, pour quelles opérations ?
Tout comme celui des dérivés, dit à terme, et qui exige une profondeur de marché que la Bourse de Casablanca est loin d’atteindre de par la faiblesse des volumes traités, du nombre des sociétés cotées (moins de 100) et des porteurs particuliers dont le nombre peine à atteindre les 30 000.
Il est vrai qu’auparavant, ce sont plus de 30 000 boursicoteurs personnes physiques qui ont fui la bourse après y avoir essuyé de fortes pertes tout au long de ces dernières années.
Alors quels sont les recours pour sortir le marché financier de ce marasme, les incitations fiscales ?
La Bourse et l’APSB (Association Professionnelle des Sociétés de Bourse) ont commandé au Cabinet Mazars une étude fiscale dont les conclusions sont très probantes. (Voir article suivant).
Ce travail a donné lieu à nombre d’échanges avec la CGEM, la DGI, le Trésor et les différents acteurs du marché financier dans l’objectif de faire des propositions concrètes.
Cela dans la volonté d’accompagner le train actuel de réformes dans notre pays et convaincre qu’une des solutions est basée sur le financement désintermédié, comme le propose d’ailleurs le ministre de l’Économie et des Finances, M. Benchaaboun, au moyen de ce qu’il qualifie « les produits innovants ».
Ces derniers, au demeurant, ne sont pas du tout innovants pour le marché financier ou celui des capitaux, où les grands financiers très spécialisés qui y travaillent, les maitrisent parfaitement.
Malheureusement, l’étude fiscale de Mazars qui liste les mesures minimales à mettre en oeuvre pour sortir le marché financier de sa torpeur, n’ont pas été prise en compte par le projet de Loi de Finances 2020, en cours de discussion à la commission des Finances au Parlement.
Certes, il faut mettre en avant que celle-ci se prévaut d’abord d’être sociale, mettant l’accent sur la remise à niveau du pouvoir d’achat des démunis, les revendications salariales des fonctionnaires, l’Éducation et la Santé, oubliant d’ailleurs au passage la réforme de la Justice ! Secundo, elle se veut une LdF transitoire, dans l’attente de la réforme fiscale portée par la Loi Cadre, toujours en examen dans les services du Secrétariat général du gouvernement.
Enfin et surtout, le projet de loi de finances 2020, traque les niches fiscales et compte bien en supprimer au maximum.
Mais relancer le marché financier bénéficiera-t-il à une niche ou au financement de l’économie nationale ?
C’est à cette principale question que la Loi de Finances 2020 se devra de répondre …
Afifa Dassouli