Le nombre total des décisions d’autorisation de concentrations économiques rendues par le Conseil de la concurrence est passé de 43 en 2019 à 135 en 2022, soit une progression de 214%, selon le rapport annuel dudit conseil.
Au sein de cette évolution, les prises de contrôle continuent de se positionner comme forme de concentration la plus fréquente, leur nombre ayant passé de 43 opérations en 2020 à 120 en 2022, relève le Conseil dans ce rapport, précisant que les prises de contrôle exclusif sont les plus dominantes avec une part de plus de 70% du total des concentrations autorisées, à l’exception de 2021 où cette part n’a représenté que 54%.
Et de poursuivre : « Il en découle qu’à l’origine des projets de concentration, prévalent davantage des objectifs visant à exercer une influence déterminante sur l’activité économique des entreprises cibles, notamment en matière de décisions stratégiques ».
A cet effet, le Conseil de la concurrence souligne que les concentrations économiques issues du secteur des autres activités de services, comme les services d’intermédiation publicitaire en ligne et les services aux voyageurs, ont notablement progressé de 2 opérations en 2019 à 35 en 2022, ce qui leur a permis d’accaparer plus 23% des opérations autorisées en 2022 et de se positionner en tête des secteurs où s’opèrent ces concentrations.
S’agissant de la part des concentrations économiques émanant des industries manufacturières, elle a tendance à régresser de 39% en 2020 à seulement 20% en 2022, fait savoir le rapport, ajoutant qu’il en est de même pour le secteur de la santé humaine et action sociale dont la part des concentrations économiques a chuté à 4% en 2022 après avoir atteint 12% en 2020.
Les évolutions montrent également l’intérêt croissant porté par les regroupements d’entreprises pour le marché du marketing digital au Maroc et les différents métiers qui s’y rapportent.
Par ailleurs, le Conseil de la concurrence indique que l’analyse des seuils de chiffre d’affaires des opérations autorisées révèle que la dynamique des concentrations au Maroc demeure tirée principalement par des contrats dont les parties réalisent des chiffres d’affaires qui dépassent le seuil national de 250 millions de dirhams (MDH) et le seuil international de 750 MDH.
Cependant, il est observé une augmentation de la part des opérations dont le chiffre d’affaires des parties dépasse le seuil national, tout en restant au-dessous du seuil international, ce qui confirme la tendance déjà relevée dans le rapport annuel 2021 du Conseil de la concurrence faisant état de l’intérêt des groupements d’entreprises pour les avantages procurés par le marché intérieur.
Le Conseil souligne également que la dynamique des concentrations économiques reste tirée par des opérations entre étrangers, leur part ayant certes régressé en 2022, mais se situe toujours autour des 50% du total des concentrations autorisées.
En outre, les opérations mixtes associant une partie marocaine à des étrangers ont notablement progressé en 2022 avec une part estimée à 30%, après avoir régressé graduellement entre 2019 et 2021.
Parallèlement, le Conseil fait remarquer que l’interprétation de la dynamique des concentrations économiques ne peut se faire sans la prise en compte des caractéristiques principales de leur évolution dans le monde à l’aune des crises économiques et géopolitiques ayant prévalu depuis 2020.
En effet, à la sortie de la crise pandémique, le mouvement des concentrations s’est amplifié au niveau international sous l’impulsion de la réorganisation globale des chaines de valeurs.
Toutefois, durant l’année 2022 ce rebond a été rompu et le volume des concentrations économiques a été impacté par la disponibilité réduite des capitaux, la hausse des coûts de financement et les incertitudes autour de l’évolution de l’économie mondiale, notamment les perspectives de croissance économique, d’inflation et de taux d’intérêt.
De plus, le contexte de crise économique et géopolitique a fortement contribué à l’affermissement du reflux de la mondialisation qui s’est confirmé à travers la baisse des mouvements transfrontaliers des capitaux, le ralentissement de la participation des firmes dans les chaines des valeurs mondiales, le recul des activités internationales des banques et également la montée des barrières dressées devant les capitaux désirant acquérir des entreprises nationales, notamment celles tournées vers les activités industrielles futures comme la fabrication des semi-conducteurs et des batteries.
Généralement issues des stratégies de croissance des grandes entreprises dans le monde, les concentrations économiques font de plus en plus émerger au centre de leur dynamique les secteurs de transition énergétique, en particulier l’électricité et les énergies renouvelables.
Par ailleurs, le Conseil de la concurrence a rendu 177 décisions et 4 avis en 2022 dans le cadre de la régulation des marchés, ressort-il du rapport annuel dudit conseil.
Ce bilan couvre les différents champs de compétences du Conseil, tels que prévus par l’article 166 de la Constitution, les dispositions de la loi n°104-12 relative à la liberté des prix et de la concurrence et la loi n°20-13 relative au Conseil de la concurrence, telles qu’elles ont été modifiées et complétées, ainsi que par les textes pris pour leur application, indique ce rapport.
En termes de production décisionnelle, le contrôle préventif des concentrations économiques a représenté, en volume, l’essentiel de l’activité délibérative du Conseil de la concurrence avec un total de 142 décisions rendues, soit plus de 78% de l’ensemble des décisions et avis rendus en 2022, précise la même source.
Le reste est constitué des décisions rendues en termes de pratiques anticoncurrentielles, représentant 19% du total, ainsi que de l’activité consultative (2%), fait savoir le rapport, ajoutant que dans l’ensemble, cette répartition correspond à ce qui est d’usage dans les autorités de concurrence au niveau comparé.
En termes de contentieux, l’année 2022 a été exceptionnelle pour le Conseil de la concurrence, car pour la première fois depuis sa création, le Conseil a activé son pouvoir de sanction prévu par la loi n°104-12 précitée.
Il a rendu 31 décisions, infligeant des sanctions pour un montant global de 72,064 millions de dirhams (MDH) en réponse à des pratiques anti-concurrentielles relevées dans le cadre de l’instruction d’une plainte dont le Conseil de la concurrence a été destinataire, des défauts de notification d’opérations de concentration économique, examinés dans le cadre de 3 saisines d’office et des défauts de notification d’opérations de concentration économique, examinés dans le cadre de 27 demandes de régularisation.
En outre, le Conseil rappelle l’ouverture d’une procédure de régularisation des opérations de concentration économique réalisées entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2021, sans notification préalable au Conseil de la concurrence.
S’agissant des avis rendus par le Conseil dans le cadre de sa mission consultative, 1 avis a été rendu en réponse à une demande d’avis émanant du Chef du Gouvernement et 3 ont été initiés par le Conseil sur la base de saisines d’office.
L’analyse du flux des dossiers traités par le Conseil de la concurrence en 2022 a révélé l’ajout de 213 dossiers nouveaux au reliquat hérité des années antérieures, tandis que 184 dossiers ont été clôturés
Aussi, cette analyse a révélé 2 saisines héritées de 2020 et 13 dossiers provenant de 2021, dont 9 portent sur des demandes d’autorisation de concentrations économiques.
En termes de liquidation du stock des dossiers de concentration économique, le bilan à la fin de l’année 2022 fait état d’un ratio de liquidation de 84%.
Toutefois, à la fin de décembre 2022, il reste encore 28 demandes d’autorisation d’opérations de concentration économique en cours de traitement, y compris une opération renvoyée pour un examen approfondi.
D’après le rapport, les services d’instruction, conformément aux dispositions de l’article 16 de la loi n°20-13 relative au Conseil de la concurrence et des articles 18, 19 et 20 du décret d’application de la loi n°104-12, ont mené plusieurs actes d’instruction dont notamment les auditions, les demandes d’information et les tests de marché.
Ainsi, pour examiner les demandes d’autorisation d’opérations de concentration économique notifiées et apprécier leurs éventuels effets sur le positionnement concurrentiel des parties et la structure concurrentielle des marchés pertinents définis, ces services d’instruction ont tenu plus de 280 auditions au cours desquelles, outre les représentants des parties notifiantes et concernées, ont été auditionnés les représentants des Départements ministériels assurant la tutelle des secteurs dont relèvent les marchés concernés et des organismes en charge de leur régulation ainsi que les divers intervenants privés des secteurs et filières concernés, indique le Conseil de la concurrence.
Et de noter que depuis la déclaration de l’état d’urgence sanitaire, la majorité des auditions organisées par la Direction des instructions a été tenue par visioconférence.
LNT avec Map