Dans un climat de forte tension et de grande incertitude autour de la pandémie du covid-19 et de ses effets aussi bien sanitaires et sociaux qu’économiques, et dans l’absence de véritables modèles établis pour ce genre de situation – la dernière pandémie de même amplitude remontant à 1918 -, il est bien difficile pour les analystes économiques et financiers de dresser des projections sur ce que sera la situation économique post-coronavirus. Le Centre Marocain de Conjoncture, dans sa dernière publication, s’est livré prudemment à cet exercice, et déclare avoir « revisité ses prévisions sur la base des indices précurseurs de conjoncture et en prenant en considération les nouvelles informations relatives aux conséquences de la crise et élaboré une première esquisse des perspectives de croissance de l’économie nationale pour l’exercice en cours ».
Sans manquer de souligner l’exemplarité de la réponse marocaine à la pandémie, que ce soit en termes de protection des citoyens avec les rapides mesures de confinement, ou de participation à l’effort de soutien national avec la création du fonds spécial sur instructions du Roi Mohammed VI, le CMC déclare qu’il est certain qu’en raison de la récession que connaissent présentement la majorité des pays l’économie nationale va être altérée sérieusement de par son ouverture et ses interdépendances avec le monde extérieur. De plus, elle se trouve prise en tenaille entre les effets dévastateurs du coronavirus et la contreperformance quasiment connue du secteur agricole, ajoute les analystes du CMC, qui rappellent que le sérieux déficit pluviométrique constaté au cours des derniers mois préfigure d’une mauvaise campagne agricole dont l’ampleur a déjà poussé le Ministère de tutelle à mettre en œuvre un plan d’urgence pour pallier le manque d’eau et protéger le cheptel.
Une croissance de -3,2%
Portée par ce bouquet d’hypothèses et handicapée dans son estimation par les maigres indices précurseurs disponibles à ce jour, la configuration des prévisions sectorielles retenues pour le scénario de référence a permis de dégager un taux de croissance négatif conjecturable du Produit intérieur brut à prix constants de l’ordre de -3,2% pour l’exercice 2020, selon le Centre Marocain de Conjoncture. Cette contre-performance économique devrait découler du retrait de l’ensemble des secteurs sous les effets multiples déclenchés par la maladie du Covid19 de la psychose et de la perte de confiance en passant par les restrictions des déplacements et le confinement pour arriver au stade de l’état d’urgence sanitaire.
Dans cette situation d’une extrême difficulté, les branches des produits pharmaceutiques, du secteur du commerce et des services non marchands parviendraient à se prémunir des retombées néfastes induites par le covid19. Le secteur agricole devrait afficher une diminution de sa valeur ajoutée en volume d’environ 3% en raison des conditions climatiques pernicieuses enregistrées durant l’hiver, les autres secteurs devraient pâtir des dégâts causés par le coronavirus et ce à des degrés divers en accusant un ralentissement ou carrément une baisse de l’activité. Le secteur de l’hébergement et la restauration figure parmi les activités les plus touchées, sa valeur ajoutée en termes réels devrait fléchir d’environ 25 % tant la reprise serait lente et difficile. Les services de transport aussi bien aérien, ferroviaire que routier devraient marquer le pas et leur valeur ajoutée globale connaitrait un fléchissement conséquent en glissement annuel. Quant au secteur de l’industrie extractive, il devrait subir l’impact du rétrécissement des marchés extérieurs induit par le mouvement dépressif de l’économie mondiale. Le rythme de sa croissance pour 2020 perdrait de son tonus et pourrait connaître une baisse si la situation reste en l’état. Dans cette texture anticipée de la croissance de l’économie nationale pour l’année 2020, la contribution des activités des industries manufacturières resterait modeste et se situerait en deçà de 1% aux termes de l’année; aujourd’hui certaines de ces activités peinent à trouver des marchés ou sont bloquées par manque d’approvisionnement en matière première et produits intermédiaires et d’autres sont complètement à l’arrêt comme la branche principale de l’industrie automobile, conclut le CMC.
SB
Les hypothèses retenues par le CMC
En dehors du tour imprévisible que peut prendre l’hypothèse centrale sur la durée et l’intensité de la crise sanitaire, les autres hypothèses qui ont présidé à l’établissement des prévisions exploratoires pour l’économie marocaine demeurent d’actualité, explique le CMC. Ainsi le scénario de référence a été établi sur la base des considérations suivantes: (i) L’hypothèse centrale considère que la crise sanitaire prendrait fin au milieu de l’année et que la reprise ne redémarrera que plus tard et d’une façon progressive; (ii) La campagne agricole 2019- 2020 assez sèche provoquerait un affaissement notable de la production céréalière qui ne dépasserait guère les 40 millions de quintaux; (iii) La baisse du taux directeur de Bank Al Maghreb d’un quart de point ne produirait aucun effet immédiat sur l’économie réelle; (iv) Par contre la politique budgétaire largement accommodante initiée par la création du fonds spécial de gestion de la pandémie du coronavirus et la solidarité agissante des marocains pourrait bien faire éviter la faillite à un bon nombre d’entreprises et sauver des emplois; (v) Les autres hypothèses conventionnelles qui se trouvent derrière ce scénario tablent sur un redressement du prix du pétrole au milieu de l’année pour se stabiliser autour de 50 dollars après la chute qu’il a accusée atteignant presque les 20 dollars. Elles supposent que l’inflation resterait contenue à un niveau assez bas. Elles présument aussi qu’avec l’élargissement de la bande des fluctuations possibles concernant les termes de change, la parité du dirham pencherait plutôt vers une dépréciation par rapport aux deux monnaies principales le dollar et l’euro.