La polémique continue autour de la darija utilisée cette année dans des manuels scolaires du cycle primaire.
Selon le ministère de l’Éducation nationale, de la Formation professionnelle, de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, l’utilisation d’expressions en darija s’explique par «des considérations purement pédagogiques».
De son côté, le chef du gouvernement, Saâd Eddine El Othmani, a affirmé, dimanche dernier, que le dialecte marocain ne peut être utilisé dans l’enseignement pour deux raisons. La première, c’est que la darija n’est pas une langue officielle reconnue par la Constitution, à la différence de l’arabe et l’amazigh. La deuxième raison, c’est que l’article 29 de la loi-cadre régissant cette opération et qui est examinée au Parlement, insiste sur l’obligation de l’usage exclusif de la langue en question, sans aucune autre, et ce pour empêcher l’utilisation du dialecte, explique-t-il.
«On ne peut pas admettre des expressions, des phrases ou des paragraphes en dialecte marocain dans les manuels », a souligné M. El Othmani dans une déclaration à la MAP assurant qu’il s’agit «d’une décision irréversible», dont le gouvernement est conscient.
Cependant le chef du gouvernement a affirmé que le débat sur cette question doit être mené par «des spécialistes» pour y trouver des solutions.
Cette déclaration laisse l’opinion publique perplexe. D’un côté, le département de Said Amzazi qui s’accroche à son choix et le défend, considérant que l’introduction de la dajia a pour objectif de toucher les « différents champs linguistiques » des élèves. De l’autre côté, la déclaration M. El Othmani va à l’encontre des affirmations du ministère de l’Éducation nationale, de la Formation professionnelle, de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, puisqu’il estime qu’on ne peut pas toucher à l’arabe dans les manuels scolaires.
Alors cette langue arabe, on y touche ou pas?
La réponse à cette question fait l’objet d’un grand débat de société ces derniers jours. Tout le monde en parle, depuis les médias, jusqu’à la terrasse des cafés. Certains trouvent inutile et secondaire ce débat sur la darija, comparé à la qualité de l’enseignement en général au Maroc, alors que d’autres, au contraire, trouvent que c’est ce genre d’initiative qui contribue encore plus à la dégradation de l’enseignement dans notre pays.
Réformer la langue arabe pour la rendre plus simple à comprendre de tous serait une bonne initiative, mais encore faut-il bien s’y prendre! Ce ne sont pas les «briouates» et le «beghrir» qui enrichiront cette langue qui est déjà très riche et qui comprend 60 000 mots.
En effet, durant des siècles, les Arabes ont été fiers de leur langue et de sa richesse. Selon l’historien Ernest Renan, il existe 80 mots pour désigner le miel, 200 pour le serpent, 500 pour le lion, 1000 pour le chameau et l’épée, et jusqu’à 4400 pour décrire son malheur.
Aujourd’hui, cette langue est mal aimée! En raison de sa complexité ou du fait que c’est la langue de l’islam, la question est à poser !
Il existe plus de 350 millions d’arabophones natifs et 540 millions de personnes dont l’arabe est la seconde langue. Savoir parler et écrire en arabe est pour plusieurs «non-arabes» aussi utile que l’anglais ou l’espagnol, parce que pouvoir communiquer avec 800 millions de personnes, ce n’est pas rien!
Cela n’est pas le cas de tous les Marocains, qui pensent que la langue arabe n’est pas aussi importante que les autres langues étrangères.
«A quoi cela sert d’enseigner l’arabe classique aux élèves puisque les études après le bac sont toutes en français ?», se demande un parent.
Oui, mais on peut aussi se demander à quoi sert d’enseigner la darija également, puisqu’on la parle au quotidien ?
«Il n’y a aucune plus-value pour nos enfants à apprendre les mots en darija à l’école, puisque ces mots-là ils les entendent tous les jours à la maison !», s’exclame une maman au micro d’un site arabophone.
Au Maroc, il existe plusieurs dialectes. Les gens du Nord et les gens du sud n’utilisent pas les mêmes expressions. Alors si l’on veut utiliser la darija dans les manuels, quels mots devrions-nous choisir et de quelle région du Maroc ?
La darija n’est pas la solution pour mieux comprendre l’arabe. Au contraire, parfois on a besoin de l’arabe pour comprendre la darija, puisque tous les Marocains ne parlent pas le même dialecte, et il est parfois difficile de se comprendre entre nous !
Ce qui est encore plus aberrant, c’est que cette polémique autour de la darija, n’a même pas lieu d’être, parce que le secteur de l’enseignement en entier souffre de tous les maux et à tous les niveaux. Cela fait des années que les gouvernements se succèdent et peinent à trouver une solution concrète à ce problème qui pénalise génération après génération et produit une dizaine de milliers de chômeurs chaque année. Alors ; dans le cadre de la vision stratégique 2015-2030, tout ce que le département de M. Amzazi a trouvé d’innovant pour cette rentrée scolaire 2018, c’est d’introduire lbeghrir et ghriyba dans les manuels scolaires. Quelle avancée pour le système éducatif marocain!
Asmaâ Loudni