La chancelière allemande Angela Merkel, le 2 juin 2019 à Berlin © AFP Tobias SCHWARZ
Le parti conservateur d’Angela Merkel a reconnu lundi que le sort du gouvernement allemand était désormais entre les mains d’alliés sociaux-démocrates en déshérence après une gifle électorale aux Européennes.
Au lendemain de la démission surprise de la cheffe des sociaux-démocrates Andrea Nahles, la dauphine pressentie de la chancelière allemande et patronne de la CDU, a affirmé vouloir préserver le gouvernement de coalition et donc éviter des élections législatives anticipées.
« C’est au SPD de décider maintenant comment il veut se comporter, » a déclaré Annegret Kramp-Karrenbauer, après une réunion de son parti consacrée au mauvais score de la CDU aux Européennes et à la débâcle de son partenaire minoritaire au gouvernement.
Markus Söder, chef des conservateurs bavarois, le troisième membre de la coalition, a lui appelé les sociaux-démocrates à enfin donner un « signal clair » quant à leurs objectifs, après leur humiliation aux Européennes, qui s’est soldées par une 3e position derrière les Verts avec 15,8%.
– ‘A peine tenable’ –
Angela Merkel a elle toujours affirmé vouloir rester en place jusqu’à la fin de son mandat en 2021. Dimanche encore, elle a promis que la « grande coalition » allait « continuer (le) travail ».
Les sociaux-démocrates n’ont pas encore fait état de leurs intentions, mais nombre de cadres du SPD sont opposés à ce gouvernement depuis sa formation début 2018. S’ils l’ont intégré, c’est à contrecoeur afin d’éviter au pays une crise politique après des législatives qui avaient laissé le parlement morcelé et sans autre majorité viable.
Depuis, la coalition navigue de crise en conflit.
Si le SPD n’a jamais sauté le pas et claqué la porte, c’est du fait de l’absence d’une stratégie alternative, d’un chef incontesté et par crainte d’un résultat catastrophique en cas d’élections anticipées.
Signe de cette crise existentielle, le SPD devrait nommer lundi un trio pour assurer l’intérim à la tête de la formation.
« Ce parti vit une crise extrêmement sérieuse », a reconnu dimanche Malu Dreyer, qui devrait être l’une de ces chefs intérimaires.
Le quotidien de gauche TAZ résume ironiquement en Une la situation: « Job de merde à pourvoir: Chef(fe) du SPD »
Jusqu’ici, le plus vieux parti d’Allemagne avait prévu de trancher la question du maintien au gouvernement à l’automne, à mi-mandat et dans la foulée de scrutins régionaux qui s’annoncent difficiles dans trois régions de l’ex-Allemagne de l’Est.
Dans ces Länder, l’Alternative pour l’Allemagne (AfD, extrême droite) espère dépasser la CDU de Merkel et réduire les sociaux-démocrates à la portion congrue.
Les chrétiens-démocrates sont aussi mal en point, après avoir remporté les Européennes avec leur plus bas score historique. Annegret Kramp-Karrenbauer est ouvertement critiquée après plusieurs faux pas, s’aliénant notamment d’influents YouTubeurs.
Plusieurs cadres conservateurs semblent pour leur part prêts à retourner devant les électeurs.
On devrait « se demander si ça a encore du sens de poursuivre », juge Carsten Linnemann, chef-adjoint des députés du centre droit.
« La coalition est à peine tenable. La GroKo ne va pas survivre », assène aussi Ingo Senftleben, dirigeant de la CDU dans le Brandebourg, une des régions qui vote en septembre.
– Mort-vivant –
Car sur les questions sociales –retraites, indemnisation chômage, immigration–, CDU et SPD accentuent leurs différences depuis des mois. S’y ajoute la lutte contre le changement climatique, domaine où l’Allemagne est à la traîne mais devenu cher aux électeurs comme l’illustre le succès des Verts aux élections européennes.
Des législatives anticipées dans de telles conditions seraient une première en Allemagne et à haut risque pour les deux partis qui ont dirigé ensemble ou à tour de rôle le pays depuis 1949.
A l’inverse, après leur score record aux européennes, les Verts poursuivent leur ascension.
Dans un sondage RTL publié samedi, ils devancent pour la première fois, avec 27% des intentions de vote, la CDU (26%). Le SPD (12%) est au coude-à-coude avec l’extrême droite.
L’AfD, qui a fait d’un départ prématuré d’Angela Merkel son objectif premier, réclame elle de nouvelles élections.
« La GroKo est un mort-vivant titubant sur la scène politique », a asséné une de ses dirigeantes Alice Weidel.
LNT avec AFP