M. Mohamed Amrani, Président de l'Association Marocaine des Actuaires
Dans un contexte financier international plus strict d’années en années, et dans une période de grandes réformes au Maroc (protection sociale, réforme des retraites, solvabilité basée sur le risque…), la fonction actuarielle, spécialisée dans l’application des probabilités, des statistiques et de la gestion des risques, œuvrant historiquement dans l’assurance, mais s’élargissant à d’autres domaines comme la banque, est appelée à jouer un rôle central dans le paysage financier du Maroc de demain.
C’est pourquoi l’Association Marocaine des Actuaires (AMA), avec à sa tête son président M. Mohamed Amrani, l’une des rares associations actuarielles africaines à avoir le statut de « full member » de l’Association Actuarielle Internationale, multiplie les initiatives ces dernières années pour accélérer le développement de la profession dans le Royaume. En octobre 2021, l’AMA annonçait un partenariat avec l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P). Ce jeudi 23 juin, un workshop intitulé « l’actuariat : de la formation à l’intérêt public » était organisé sur le campus classieux et très moderne de l’Africa Business School, qui fait partie de l’UM6P, pour annoncer le lancement d’un programme de formation des cadres en sciences actuarielles (Executive Degree in Actuarial Science), qui sera dispensé à partir de janvier 2023. Ce workshop a rassemblé personnel de l’UM6P, membres de l’AMA, mais aussi représentants des institutionnels marocains, des régulateurs, ainsi que des partenaires internationaux, notamment M. John Robinson, Président de la Society of Actuaries américaine, la plus grande association d’actuaires au monde.
M. Amrani a expliqué lors de sa présentation que cette formation fait partie de la stratégie de l’AMA pour le développement de la profession, et que ce partenariat va s’articuler autour de trois objectifs aux temporalités différentes. Tout d’abord, il s’agit de la mise en place de cette formation des cadres. Ensuite, il s’agira d’entrer en partenariat avec une université américaine pour créer une formation en Master pour les actuaires marocains, qui seraient alors accrédités auprès de l’AMA mais aussi de la SOA américaine. Et enfin, la création à plus long terme d’un centre d’excellence pour la recherche au sein de l’UM6P (voir les déclarations de M. Amrani plus bas).
Pour sa part, M. Robinson a présenté le fonctionnement des différentes associations d’actuaires en Amérique du nord, et a également abordé le sujet des défis futurs de la profession. Selon la SOA, le premier défi relevé est celui de la fuite des actuaires potentiels vers la science des données, discipline à la croissance très soutenue. Ensuite, les progrès de l’intelligence artificielle ouvrent de nombreux horizons, mais la SOA craigne qu’elle empêche les jeunes actuaires d’acquérir l’expérience et l’ « instinct » nécessaires à un actuaire compétent. Enfin, un autre défi est celui des considérations de diversité, d’inclusion et d’équité, qui prennent un rôle de plus en plus important dans la société moderne.
Pour leur part, les représentants de la CDG et de l’ACAPS n’ont pas manqué de souligner le rôle central que sont appelés à jouer les actuaires au Maroc, qui vont être essentiels pour aider le pays à mener les réformes en cours de la meilleure des façons.
Le commentaire de M. Mohamed Amrani, Président de l’Association Marocaine des Actuaires
M. Amrani, quelle est l’importance pour l’AMA de se rapprocher du monde académique, pour son développement et le développement de la profession ?
Mohamed Amrani : « L’Association Marocaine des Actuaires est proche du monde académique depuis un certain temps. Nous avons déjà un partenaire historique qui est l’INSEA de Rabat, avec lequel nous avons mis en place une formation des actuaires en langue française et qui a formé les actuaires jusqu’à présent au Maroc. Maintenant, il est temps d’aller encore plus de l’avant, tout en reconnaissant la base et toute la valeur ajoutée qui nous a été apportée par l’INSEA.
L’idée que nous avons explorée, c’est de prévoir une formation en langue anglaise, selon les standards nord-américains, implémentée au sein de l’Université Mohammed VI Polytechnique. Donc l’idée est d’avoir au Maroc deux formations, l’une en langue française, et l’autre en langue anglaise, en partenariat avec l’UM6P et peut-être également avec une université américaine, puisque l’on devrait se conformer aux normes américaines.
Qu’est-ce que cela va nous apporter ? Beaucoup de choses ! Tout d’abord, cela va permettre à nos actuaires de s’internationaliser, d’avoir une reconnaissance internationale. C’est un sujet très important. Deuxièmement, cela va permettre un rayonnement de l’expertise et la formation marocaines dans la région, et même peut-être sur l’ensemble du continent. Cela va permettre aussi, puisque nous avons prévu de mettre en place un centre d’excellence actuarielle au sein de l’UM6P.
Ce centre d’excellence englobe trois volets. Le premier est celui dont j’ai parlé. Le volet deux est celui de la formation continue des actuaires et la formation continue qui peut être dispensée aux personnes souhaitant devenir actuaires et qui ont déjà une qualification par ailleurs. Et troisièmement, et je dirais last but not least, la mise en place d’un centre de recherche qui va travailler sur des sujets stratégiques pour le pays. Ce centre d’excellence prévoit une recherche appliquée sur l’actuariat, sur les sujets d’actualité concernant le Royaume.
Par exemple, nous avons parlé dans le cadre de ce workshop des tables de mortalité. Nous avons jusqu’à présent des tables de mortalité françaises, il faudrait que nous ayons des tables de mortalité nationales, et je pense que toute l’assistance était bien d’accord sur ce fait. Ce premier axe de recherche va impliquer plusieurs parties prenantes, des démographes, des statisticiens, des actuaires, le régulateur, etc.
Parmi les autres sujets qui vont impliquer de la recherche, on peut citer par exemple la réforme des retraites et la protection sociale qui soulèvent un certain nombre de sujets actuarielles auxquels le centre de recherche au sein de l’UM6P peut apporter une contribution pour éclairer et guider un peu tout ce qui peut être implémenté conformément aux attentes, mais aussi selon les normes internationales. »
Selim Benabdelkhalek