
A son arrivée à la tête du ministère de l’Habitat en 2020, Mme Fatima Zohra El Mansouri a dévoilé un chiffre effrayant, mais révélateur d’un malaise profond de l’investissement au Maroc : des projets d’investissements d’un montant de pas moins de 27 MMDH sont bloqués, et beaucoup ont été rejetés auprès des différentes agences urbaines du pays.
A Casablanca, un jeune investisseur nous confie que cela fait maintenant 9 mois que son projet attend des signatures pour voir le jour : « De bureau en bureau, de commission en commission, de procédure en procédure et de direction en direction… Mon projet reste à l’arrêt ». Hallucinant !
Toujours à Casablanca, de nombreux d’investisseurs sont à la peine. A cause de l’Administration, leurs projets de plusieurs milliards de dirhams restent à la merci des rouages administratifs de la capitale économique. Fortement déçus, ces investisseurs vous diront que l’investissement à Casablanca relève aujourd’hui de l’impossible, ou presque. Un véritable parcours du combattant ! Ils vous diront aussi que si vous saviez ce qu’il vous attend en matière d’investissement, « vous auriez plié bagage » dès le premier jour.
Pourtant l’impulsion au plus haut niveau de l’État est claire. Dans ses différents discours, le Souverain ne cesse d’inviter l’Administration marocaine à accompagner, encadrer, orienter, fluidifier, aider, enlever les obstacles, faciliter, écouter tout porteur de projet et toute personne désireuse d’investir et d’entreprendre : « Les citoyens ne s’adresseraient certainement pas à moi pour régler leurs problèmes administratifs, si l’Administration accomplissait comme il se doit sa mission », disait, notamment, le Souverain dans l’un de ses discours.
Le dernier en date en rapport avec l’investissement est celui prononcé tout récemment à l’occasion de l’ouverture de la 1ère session de la 2ème année législative de la 11ème législature : « Il convient de lever les obstacles qui continuent d’entraver une relance effective de l’investissement national, sur tous les plans ». Et le Souverain de poursuivre dans le même sens : « Cependant, malgré les résultats obtenus, il reste beaucoup à accomplir pour libérer les énergies, tirer le meilleur parti des potentialités nationales, encourager l’initiative privée, drainer davantage d’investissements étrangers. A ce propos, Nous aimerions insister à nouveau sur la nécessité de la mise en œuvre effective de la Charte de déconcentration administrative, la simplification et la digitalisation des procédures, la facilitation de l’accès au foncier et aux énergies vertes, l’appui financier aux porteurs de projets… L’objectif stratégique recherché est que le secteur privé occupe la place qui lui échoit dans le domaine de l’investissement, celle d’une force motrice effective de l’économie nationale ».
Pour le Roi, ‘‘ces filières offrent des opportunités d’emploi aux jeunes et apportent des sources de financement aux différents programmes sociaux et de développement, a-t-il dit devant les députés de la Nation. A cet égard, Notre souhait est que la nouvelle Charte Nationale de l’Investissement donne une impulsion tangible à l’attractivité du Maroc pour les investissements privés, tant nationaux qu’étrangers’’.
Pour aller de l’avant, le Souverain relance le débat en matière d’investissement productif : ‘‘Pour atteindre les objectifs souhaités, nous avons exhorté le gouvernement, en partenariat avec les secteurs privé et bancaire, à traduire leurs engagements respectifs dans un Pacte National pour l’Investissement… Ce dispositif vise à mobiliser 550 milliards de dirhams d’investissements et à créer 500 000 emplois, au cours de la période 2022-2026 ’’.
C’est dire qu’au même titre que l’eau, autre thématique dudit discours royal donné à l’occasion de la rentrée parlementaire, l’investissement reste vital pour un pays comme le Maroc, terriblement impacté par une conjoncture mondiale inflationniste inédite.
Sur le terrain, les politiques, eux, sont souvent déconnectés des véritables enjeux de l’acte d’investir et d’entreprendre pour la cohésion sociale. Les autorités locales, à commencer par les walis et gouverneurs, sont figées dans des procédures administratives rigides, complexes et souvent cache-misère des difficultés de l’administration publique.
C’est notamment dans ce contexte qu’intervient la nomination royale de Mohamed Benchaaboun en tant que DG du Fonds Mohammed VI pour l’Investissement. Banquier, mais surtout technocrate par excellence, Benchaaboun aura cette pénible mission d’assurer, rassurer, redonner confiance et créer un climat d’affaire sain, créateur d’empois et de valeur ajoutée. Arrivera-t-il à remettre les pendules à l’heure ? Il en serait grand temps.
Hassan Zaatit