
Coface vient de publier son « Guide risque et pays sectoriels » pour l’année 2020. En tant qu’assureur crédit, il est vital pour Coface de dresser des diagnostics précis de l’économie mondiale en générale, et de ses pays d’activité en particulier. C’est ainsi que la société établit chaque année ce guide, qu’elle met à la disposition de ses clients et du public, à travers des fiches établissant un bilan mondial sur l’état de santé de différents secteurs d’activités ainsi que de fiches individuelles sur 162 pays. On a donc accès à une analyse mondiale des pratiques des entreprises et des risques inhérents aux secteurs moteurs de l’économie de chacun de ces pays. Il est intéressant de lire ce que la société d’assurance-crédit prévoit pour le royaume marocain à l’horizon 2020, ainsi que pour les secteurs impactant son économie
Une relance de la croissance entravée par le ralentissement de l’activité européenne
Dépendante du secteur agricole, la croissance avait connu un certain déclin en 2019 à cause de la baisse de la production agricole. Pour 2020, il est prévu que la croissance connaisse un certain redressement grâce à ce même secteur. Cependant, si la proximité du Maroc avec le marché européen a longtemps pu être favorable, c’est aujourd’hui ce même marché européen qui freinerait la croissance économique du pays. En effet, selon les chiffres de Coface, 60% de ses exportations se dirigent vers la zone euro. L’économie marocaine reste donc dépendante des performances de l’Union européenne dont l’activité économique semble affaiblie. De la sorte, le guide Coface, qui décrit les grandes tendances de l’économie mondiale, prévoit des difficultés pour les secteurs automobile et touristique, dont la croissance pourrait marquer le pas, notamment pour le premier, Ces secteurs souffriront très certainement des conditions extérieures assez défavorables. Par contre, de son côté, la consommation privée devrait profiter des politiques budgétaires et monétaires qui tendent à être plus accommodantes, étant donné que l’abaissement du taux de réserves obligatoires et l’amnistie sur les avoirs et liquidités détenus à l’étranger devraient pouvoir soulager les liquidités bancaires et alléger le coût du crédit. L’augmentation des recettes devrait être impulsée par la poursuite des privatisations, ce qui permettrait au déficit budgétaire de rester stable pour cette année.
Des mesures sociales qui deviennent une priorité
Du côté de la dépense, l’accent devrait être mis sur le volet social. Dans cette perspective, les secteurs de l’éducation et de la santé semblent être mis en avant et devraient être à l’origine de la création de 46% des postes dans la fonction publique. Et qui dit créations de postes, dit augmentation du pouvoir d’achat et donc augmentation de la consommation, ce qui serait très positif pour la maîtrise du déficit budgétaire et la stabilisation de l’endettement.
En 2020, l’impact de l’environnement extérieur peu favorable sur le déficit commercial devrait être endigué. Il est prévu que la hausse des importations soit contenue par une demande intérieure moins dynamique et des prix du pétrole assez bas. Avec le déclin de l’activité touristique, l’excédent des services serait réduit.
« L’évolution négative de la conjoncture en Espagne et en France, d’où provient l’essentiel des envois de fonds d’expatriés, devrait se répercuter sur l’excédent du compte des transferts. Les flux entrants du compte financier, principalement par le canal des IDE, devraient permettre de financer le déficit courant. Les réserves de change, qui couvrent plus de cinq mois d’importations, offrent des marges de manœuvre en cas de choc extérieur. Celles-ci n’ont pas décliné depuis l’élargissement de la bande flottante du dirham marocain en janvier 2018 (de ± 0,3 % à ± 2,5 %). La flexibilisation progressive du dirham pourrait se poursuivre. La ligne de précaution et de liquidité de 3 milliards USD conclue avec le FMI en décembre 2018 (pour deux ans) atténue également le risque extérieur », selon les analystes de Coface.
Le gouvernement El Othmani II face au défi social
Le départ du PPS de la majorité et l’annonce par le roi Mohammed VI d’un remaniement ministériel en faveur d’un cabinet resserré autour du Premier ministre Saâdeddine El Othmani, ne devraient pas empêcher le gouvernement de se concentrer sur le défi social afin de réduire les crispations autour de la question des disparités sociales et régionales. Coface dénonce un manque d’opportunités d’emplois, notamment chez les jeunes populations, une vulnérabilité des populations rurales face au changement climatique, des scandales de corruption et des restrictions de libertés fondamentales, qui ne vont pas arranger les frustrations du peuple marocain. Après les diverses manifestations en tout genre tout au long de l’année 2019, il est prévu qu’un réel progrès du niveau de vie soit ressenti dans tout le royaume.
En outre, il est attendu que le nouveau gouvernement poursuive également ses efforts dans le milieu des affaires. Le développement des cadres réglementaires pour les entreprises ou encore la simplification des procédures administratives ont permis au pays de progresser de sept rangs supplémentaires dans le classement Doing Business 2020, qui place ainsi le Maroc à la 53e place sur 190 pays classés. En revanche, les longs délais de paiement, notamment du secteur public, restent une contrainte majeure de l’environnement opérationnel.
Par ailleurs, sur sa grille d’évaluation, Coface attribue l’échelon A4 au Maroc. Cette évaluation est constante depuis 2013 et peut se traduire de la façon suivante selon la vision de l’assureur-crédit : « Les perspectives économiques et financières peuvent être marquées par quelques fragilités. Le contexte politique peut connaître des tensions. L’environnement des affaires peut présenter des lacunes significatives. La probabilité moyenne de défaut des entreprises se situe à un niveau convenable. Les bilans des entreprises ne sont pas toujours disponibles ou fiables. Le recouvrement des créances n’est pas toujours efficace et les institutions présentent des lacunes. L’accès au marché domestique est parfois contraint. L’environnement des affaires est convenable mais susceptible de poser des difficultés ». Une chose apparait de façon très claire selon cette évaluation : par rapport à ses voisins, le Maroc est le pays du Maghreb qui semble comporter le moins de risques en termes de crédit et serait donc le plus attrayant pour les entreprises.
Des secteurs cruciaux pour le Maroc en difficulté à l’échelle mondiale
Faisant face à des tensions protectionnistes, à des aléas climatiques ou à des risques biologiques, le secteur agroalimentaire mondiale est en difficulté et Coface prévoit que cela perdure en 2020.
La guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine pour des produits agricoles comme le soja a contribué à alimenter une forte volatilité des cours des matières premières agricoles, tout en exerçant des pressions à la baisse sur les cours du soja. Dans le même temps, les accords commerciaux de libre-échange octroient à ce secteur une place de premier rang, puisque souvent, leurs dispositions incluent l’échange de produits agricoles. On peut citer par exemple des accords tel que l’UE-Mercosur, l’UE-Japon ou encore le CETA entre le Canada et l’Union Européenne.
Le marché biologique, est en pleine expansion dans des régions telles que l’Union européenne, les États-Unis ou, dans une moindre mesure, la Chine. Selon Coface, dans ces régions, la demande de produits biologiques s’explique par un souci de la part des consommateurs de prendre soin de leur santé et de préserver l’environnement. En effet, l’agriculture biologique limite voire n’utilise pas de pesticides. Par conséquent, elle devrait continuer sa croissance dans les prochaines années, malgré le ralentissement de l’économie mondiale attendu cette année.
De son côté, le secteur automobile fait face à de nombreuses difficultés, dans un contexte de ralentissement de la croissance mondiale : 2,4 % de croissance prévu par Coface pour 2020, contre 2,5 % en 2019. Le secteur est pénalisé à la fois par le ralentissement conjoncturel, par le protectionnisme commercial ainsi que par des changements structurels liés aux innovations, aux réglementations ou aux changements de comportements des consommateurs. Les ventes de voitures sont en baisse dans les principaux marchés mondiaux. Ainsi, selon l’évaluation de Coface, le risque pour le secteur est désormais considéré comme « élevé » dans toutes les régions du monde pour lesquelles l’assurance-crédit publie des évaluations sectorielles. Cela illustre bien la mauvaise santé du secteur ainsi que la forte intégration des chaînes de production mondiale.
Enfin, les cours du pétrole brut doivent faire face à une demande au ralenti. Compte tenu de ce déséquilibre, Coface prévoit un cours du brut à 60 USD par baril en moyenne pour 2020. Or, ce niveau de cours est trop bas pour permettre aux entreprises d’exploration de générer des flux de trésorerie conséquents. De plus, les raffineries doivent composer avec des nouvelles normes alors qu’elles font face à une demande atone. Par conséquent, dans l’ensemble, les risques augmentent pour les entreprises du secteur, et ce dans le monde entier selon Coface.
LP