Vue aérienne d'une zone déboisée de la forêt amazonienne près de la ville de Humaita, dans l'Etat d'Amazonas, le 15 septembre 2022 au Brésil
La planète a perdu en 2022 une surface de forêt vierge tropicale équivalente à la taille de la Suisse ou des Pays-Bas: des écosystèmes primordiaux détruits en grande majorité pour l’agriculture et l’élevage, selon une analyse de données satellitaires publiée mardi.
C’est l’équivalent d’un terrain de football d’arbres tropicaux que l’on a abattus ou brûlés toutes les cinq secondes, de nuit comme de jour l’an dernier — une surface détruite de 10% supérieure à celle de 2021, conclut le World Resources Institute (WRI) ou Institut des ressources mondiales basé à Washington.
Sa plateforme de surveillance satellitaire de la déforestation, Global Forest Watch (GFW), a enregistré en 2022 la destruction de plus de 4,1 millions d’hectares de forêts primaires tropicales, cruciales pour la biodiversité de la planète et le stockage de carbone.
Le pays le plus touché est le Brésil, avec une surface détruite qui représente 43% des pertes mondiales, devant la République démocratique du Congo (13%) et la Bolivie (9%).
« Nous sommes en train de perdre l’un de nos outils les plus efficaces pour combattre le changement climatique, protéger la biodiversité et soutenir la santé et les moyens de subsistance de millions de personnes », a commenté lors d’une conférence de presse Mikaela Weisse, directrice du GFW.
Les forêts primaires tropicales détruites en 2022 ont ainsi libéré 2,7 milliards de tonnes de CO2, soit l’équivalent des émissions annuelles de l’Inde, pays le plus peuplé du monde, selon le WRI, qui pilote ce rapport.
Ainsi, l’accélération de la destruction forestière se poursuit inexorablement et ce, malgré les engagements pris lors de la COP26 à Glasgow en 2021 par les principaux dirigeants du monde.
« Depuis le début de notre siècle, nous avons assisté à une hémorragie de certains des systèmes écoforestiers les plus importants de la planète, malgré des années d’efforts pour inverser la tendance », a souligné Mme Weisse.
A l’échelle de la planète, la végétation et les sols absorbent à eux seuls près de 30% des émissions carbones depuis 1960, mais celles-ci ont augmenté de moitié.
– 90 milliards de tonnes de CO2 –
Quelque 1,6 milliard de personnes, dont près de la moitié appartiennent à des populations autochtones, dépendent directement des ressources forestières pour vivre.
Au Brésil, la déforestation n’a cessé de s’aggraver durant la présidence de Jair Bolsonaro (2019-2023), augmentant encore de 15% en un an, selon le rapport annuel du GFW.
Sous l’ère Bolsonaro, l’administration brésilienne a fermé les yeux sur la déforestation illégale, affaibli les droits des autochtones et démantelé la politique environnementale du pays.
Son successeur, le président Luiz Inacio Lula da Silva, investi en janvier, s’est engagé à mettre fin à la destruction de l’Amazonie brésilienne d’ici à 2030. Les experts estiment cependant qu’il devra relever de nombreux défis pour y parvenir.
Les scientifiques craignent en effet que le bassin amazonien, malmené par le changement climatique et la déforestation, se transforme à terme en savane. Une transition qui aurait pour conséquence de dérégler profondément les conditions météorologiques de l’Amérique du Sud et du reste de la planète.
Quelque 90 milliards de tonnes de CO2 sont stockées dans les arbres et les sols de la forêt amazonienne, soit deux fois les émissions annuelles mondiales.
« Stopper et inverser la disparition des forêts est l’une des manières d’atténuer (la situation) les plus rentables dont nous disposons aujourd’hui », a prévenu Frances Seymour, experte du WRI.
– Destruction ralentie en Indonésie –
En République démocratique du Congo, plus d’un demi-million d’hectares de forêts ont été détruits en 2022, selon le rapport.
Principalement à cause de l’agriculture et de la production de charbon de bois vital pour les foyers, dont 80% n’ont pas d’électricité.
Un accord d’un demi-milliard de dollars, visant à protéger la forêt tropicale du bassin du Congo, avait pourtant été signé par la RDC en 2021. Mais il a été sapé par un récent appel d’offres de permis pétroliers et de blocs gaziers lancé par les autorités.
Sur la troisième marche du classement, la Bolivie n’a pas réussi à réduire le rythme de sa déforestation qui a augmenté de 32% par rapport à 2021.
« La majorité des pertes s’est produite dans des zones protégées, qui couvrent les dernières parcelles de forêt primaire du pays », indique le rapport.
La production de cacao, l’extraction d’or et les incendies en sont les principales raisons, selon les chercheurs.
En Indonésie en revanche, la destruction forestière s’est ralentie pour la cinquième année consécutive. L’archipel, responsable de 5% des pertes mondiales en 2021, a vu l’étendue de ses surfaces abattues divisée par plus de quatre depuis 2016.
Dans le top 10 du classement de 2022 figurent ensuite le Pérou (3,9% de la déforestation mondiale), la Colombie (3,1%), le Laos (2,3%), le Cameroun (1,9%), la Papouasie-Nouvelle-Guinée (1,8%) et la Malaisie (1,7%).
LNT avec Afp