Crédit photo : Ahmed Boussarhane/LNT.
Les événements qui ont entaché la soirée du 30 septembre dernier au Festival Lboulevard, de retour cette année pour sa 20ème édition, méritent amplement que l’on cherche à en dénouer les causes et les responsabilités. Les témoignages de violences physiques, de débordements et de dégradations, mais aussi d’agressions sexuelles sont pléthores sur les réseaux sociaux et émanent, il faut le préciser, du public même du Festival.
Les réactions ont été nombreuses mais certaines interpellent plus que d’autres. Tout d’abord, les organisateurs du Lboulevard, en communicants chevronnés qu’ils sont, mais aussi en fins connaisseurs de leur public, ont déployé avec célérité une communication de crise précise et exhaustive avec des prises de paroles via communiqués de presse et des vidéos, qui témoignent de leur empathie vis-à-vis des victimes des violences mais aussi de leur volonté ferme et sincère de ne pas faire pâtir à tous les méfaits d’une minorité. Chapeau bas pour ce courage face à une situation qui aurait pu déborder plus largement sans leur expérience de plusieurs décennies.
Mais, par ailleurs, les réactions médiatiques et politiques, témoignent tout autant d’une profonde méconnaissance et négligence des causes de ces violences intolérables dans quelconque contexte, a fortiori celui d’un événement culturel rassembleur et festif.
Pour certains donc, c’était prévisible, notre jeunesse étant complètement dépravée, droguée et souillée par les cultures occidentales importées et des styles musicaux qui baignent dans la violence à l’étranger. Aucun discernement, tout le monde est mis dans le même panier et la vieille rengaine de la prétendue moralité toujours en lame de fond.
Pourtant, c’est de l’avenir de notre société dont il est question lorsqu’on évoque cette jeunesse et il est important de séparer le grain de l’ivraie pour apporter des réponses concrètes à ceux qui en ont besoin.
Rien ne justifie la violence, mais face à une multitude d’événements culturels et de festivals payants, souvent critiqués justement pour leur manque d’inclusivité, la gratuité permet à un public plus large et plus populaire de participer. Il est inadmissible de se « boucher le nez » sous prétexte que ce public jeune serait pauvre et violent, réduit à un comportement primaire incompatible avec la consommation de la culture.
La réalité de notre jeunesse est tout autre et recouvre de multiples facettes, ce n’est pas un bloc monolithique comme tous les supporters de football ne sont pas des casseurs ou des hooligans. La misère et la pauvreté sont des réalités du quotidien de notre jeunesse, qui a sacrifié entre autres 3 ans à la pandémie récente, vivant dans des logements surpeuplés sans intimité et sans revenu. Pas de perspectives professionnelles, pas d’épanouissement personnel, pas de revenus, les problèmes se cumulent et s’imbriquent implacablement.
Notre jeunesse constitue une majorité dans la population marocaine, elle est sur toutes les bouches des décideurs politiques depuis des générations, et pourtant, aucune solution durable n’est envisagée pour gérer ces problèmes dans leur globalité. La formation professionnelle et quelques terrains de sports qui finissent par devenir des espaces de détente pour les familles en manque d’air dans les quartiers populaires, ne sauraient suffire à étancher les aspirations de notre jeunesse et donc à canaliser et limiter ses débordements. C’est un « plan Marshall » de la jeunesse qu’il faut déployer, avec des moyens à la mesure des enjeux. Lboulevard qui est victime de son succès, mérite un encadrement sécuritaire plus important et des espaces pour les concerts similaires à ce qui se fait à Rabat pour Mawazine qui accueille des millions de spectateurs sans difficulté.
La jeunesse a besoin de se sentir valorisée, pas marginalisée, elle a besoin d’aide et d’action, pas de jugements hâtifs et de morale ostracisante.
Zouhair Yata