
Comme si l’année 2021 ne contenait pas assez de mauvaises nouvelles, un nouveau scandale ébranle le secteur de l’enseignement supérieur marocain et émeut les réseaux sociaux. Un professeur de la prestigieuse ENCG d’Oujda est accusé par de nombreux témoignages d’étudiantes de ladite école de harcèlement sexuel en échange de faveurs pour l’obtention ou la validation de leur année d’étude.
Les victimes présumées ont réussi à collecter quelques preuves à travers des captures d’écran émanant toutes du même compte Facebook qui utilisait la fonctionnalité de discussion éphémère de ce réseau social pour ne pas laisser de trace. Le professeur en question dément fermement ce qu’il qualifie être une campagne de diffamation à son encontre et le fameux compte Facebook a été désactivé depuis.
Les réactions ne se sont pas fait attendre et force est de constater que la direction de l’ENCGO ainsi que son université de tutelle n’ont pas tergiversé longtemps. Tout en respectant la présomption d’innocence, les deux institutions ont publié des communiqués dénonçant la gravité des faits reprochés et le soutien aux victimes présumées, tandis que le directeur de l’ENCGO a annoncé la création d’une commission composée uniquement de femmes dont une juriste pour récolter les plaintes et témoignages de celles-ci.
Combien de femmes potentiellement silencieuses sous la contrainte ont-elles été victimes de ce professeur avant que le vase ne déborde tellement que des témoignages finissent par faire surface ? Combien de situations similaires se déroulent chaque jour dans tous les autres établissements d’éducation, supérieure ou universitaire, publique ou privée, mais aussi dans le monde professionnel ? Combien de femmes, de sœurs, de filles, de mères, allons-nous sacrifier en nous rendant coupables de couvrir leurs bourreaux, alors même que partout dans le monde les voix s’élèvent contre la prédation et font tomber des « grands noms » ?
S’il n’est certainement pas possible d’identifier en amont les harceleurs et agresseurs potentiels qui profitent du poids d’une société patriarcale où la parole de la Femme est discréditée et balayée du revers de la main systématiquement, essayons au moins de ne pas leur faciliter la tâche.
Les relations entre les élèves et les professeurs doivent être encadrées, il n’est pas admissible ni normal que Messenger et les DM Instagram soient des plateformes d’échange alors même que les uns et les autres y partagent sur leur profil des informations personnelles. Le loup est carrément invité dans la bergerie et les dégâts sont irrémédiables.
Il faut prendre en compte impérativement le contexte social marocain pour aider à la libération de la parole des femmes victimes de violences sexuelles ou autres en créant une plateforme qui respecte leur anonymat et le protège tout en leur garantissant que la justice passe. C’est d’une cause nationale qu’il s’agit là, ni plus ni moins.
Nos valeurs musulmanes doivent être mobilisées pour défendre nos femmes et briser cette solidarité de complaisance qui minimise les cas les plus graves en décrédibilisant les victimes. Il faut d’urgence qu’une commission, une autorité, un ministère, prenne à corps cette honte pour notre pays dont nous voulons croire à une évolution positive de sa société et des rapports entre ses citoyens.
Il faut qu’un tribunal spécial dont l’impartialité est garantie soit dédié à traiter avec diligence et efficacité ces cas, à huit clos si besoin, en protégeant l’anonymat s’il le faut jusqu’au bout des victimes contre les pressions de leur entourage, de la société en général ou même de leurs bourreaux. Il faut que la « hchouma » change de camp, qu’on arrête d’être taxé de féministe, d’idéaliste ou de démagogue lorsqu’on veut s’attaquer aux mœurs de ce pays et des violences multiples et quotidiennes faites aux Femmes, qui nous le rappelons encore une fois sont nos mères, nos sœurs, nos filles…
Mobilisons-nous, pour que la boule de neige se déclenche enfin et nettoie avec elle cet affront à la dignité de toutes et de tous.
Zouhair Yata