Driss Lachgar, de l'USFP, et Nabil Benabdallah, du PPS.
Il n’est pas exagéré d’affirmer qu’actuellement, la gauche marocaine est inaudible sur la scène publique nationale. Les deux ex-influents partis de gauche marocains, que furent l’USFP (ex-UNFP) et le PPS, héritier du parti communiste marocain, ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes. S’ils participent au présent gouvernement, c’est grâce au bon vouloir du RNI pour le premier, et à la sollicitude du PJD pour le second. Aussi, leur apport à la politique gouvernementale demeure bien modeste, pour ne pas dire inexistant.
Pourtant plus que jamais le besoin se fait sentir au Maroc pour une politique socio-économique de gauche, seule en mesure de répondre aux aspirations des Marocains et de sortir le pays de l’ornière d’un développement atone et inégalitaire, source de tensions sociales. En effet, les aspirations actuelles de la grande majorité des Marocains, pour plus de justice sociale, de meilleures conditions de vie, des services publics de qualité, et une lutte sans complaisance contre la corruption et les privilèges indus, sont au cœur de la pensée de gauche.
Cette incapacité de la gauche marocaine à assumer et incarner ces aspirations et en convaincre les Marocains, est la résultante de son état actuel. D’un côté il y a la gauche radicale antisystème, qui continue à véhiculer une pensée désuète, dogmatique, condamnée par l’histoire. Elle ne présente aucune velléité à se refonder, et demeure à l’affût des failles du système pour le déstabiliser, quitte à nouer des alliances conjoncturelles avec l’autre extrême du champ politique.
De l’autre, il y a la gauche légaliste qui se voudrait sociale-démocrate, et qui peine à se refonder, après avoir été prise de court par l’effondrement de ses modèles de référence que furent les régimes communistes et les régimes socialistes arabes. Elle donne l’impression d’avoir perdu ses repères, d’être déboussolée, de se trouver dans un environnement qu’elle n’appréhende pas, n’assimile pas, et devant une réalité sur laquelle elle manque de compétence pour agir. C’est que née dans une époque où, pour le camp socialiste, démocratie rimait avec parti unique et monopole du pouvoir, et où le camp capitaliste était considéré comme l’ennemi à combattre, elle n’arrive toujours pas à adapter ses référentiels idéologiques et ses outils d’analyse à une époque où la démocratie pluraliste et l’économie de marché ont fini par triompher.
Sa Majesté le Roi Mohammed VI, en lançant son appel pour la reconsidération de notre modèle de développement qui s’avère inapte à satisfaire les demandes pressantes et les besoins croissants des citoyens, à réduire les disparités sociales et régionales, et à réaliser la justice sociale, a fourni une belle occasion à la gauche marocaine pour se ressaisir et prendre la tête, en symbiose avec l’institution monarchique, du mouvement de renouveau et de progrès de notre pays.
Malheureusement, le déclic ne s’est pas produit, le discours de gauche continue d’être inaudible car inadéquat, laissant ainsi la voie libre aux tenants de politiques économiques d’inspiration néolibérale découlant des prescriptions et recommandations des institutions de Bretton Woods, bien que ces politiques, appliquées au Maroc depuis la crise de la dette en 1983, soient à l’origine des failles de notre modèle de développement actuel (Cf. notre article ʺContribution à la refondation du modèle de développement du Marocʺ- n° 1066 de la Nouvelle Tribune, 30-31/03/2018).
Peut-être, qu’enfin de compte, le sursaut proviendra d’une réaction citoyenne qui œuvrera à l’émergence d’un mouvement politique progressiste et moderniste dont le Maroc a grandement besoin.
Mohamed Kabbaj, ancien haut cadre du MEF, retraité