A quelques semaines du début de la Coupe du Monde de football au Qatar, force est de constater que cette messe mondiale ne se présente pas sous les meilleurs auspices pour le pays organisateur.
Le Qatar subit depuis plusieurs semaines des campagnes de boycott, émanant d’abord de sportifs et qui ont désormais fait tache d’huile dans les opinions publiques de nombreux pays occidentaux.
Il est reproché au Qatar de chercher à redorer son image, de ne pas être une nation de football, d’avoir investi des milliards pour un événement éphémère, au prix de la vie de travailleurs étrangers et de celui de la planète, tant l’empreinte climatique de la compétition, avec notamment des stades climatisés, sera élevé.
Si ces arguments sont louables et compréhensibles dans la bouche d’un individu qui souhaite être cohérent avec ses convictions personnelles, ils en deviennent vite populistes lorsqu’ils sont portés par des décideurs politiques.
Dans le cas de la France par exemple, la décision de quelques maires du parti écologique de ne pas organiser de fans zone pour la projection des matchs de la Coupe du Monde, a fait boule de neige et a entrainé dans la foulée la quasi-totalité des mairies des grandes villes françaises, de Paris à Marseille en passant par Lille ou Lyon. Cette décision pourrait être justifiée par les coûts d’organisation élevés en termes de facture énergétique dans un contexte tendu à l’approche de l’hiver, ou par les coûts sécuritaires et d’entretien. Mais pour les Mairies concernées, le gain politique de justifier leur décision par un boycott du Qatar est bien plus grand et permet de se parer d’un voile de vertu opaque à toute contestation de ce choix qui pénalise a minima les très nombreux passionnés de football.
De même, Paris, capitale de la France, bénéficie régulièrement des faveurs du Qatar, qui a doté son club de football du PSG des plus grandes stars mondiales du ballon rond ou qui par ses investissements a permis aux Champs Élysées de renaitre de leurs cendres.
La France n’est pas le seul pays concerné, les réactions en faveur du boycott se sont diffusées un peu partout dans le monde occidental, en Europe notamment où les questions des droits humains et du climat sont désormais des lames de fond des opinions publiques.
S’il ne s’agit pas de défendre le Qatar, qui a somme toute largement les moyens de le faire tout seul, il semble nécessaire de relever plusieurs formes de contradictions dans les positions des opposants, politiques ou opinions publiques, à cette Coupe du Monde.
D’abord, au niveau politique, l’économie de la Coupe du Monde implique d’abord les instances internationales, puis les sponsors, ainsi que les droits d’images et de retransmission télévisuelle planétaire, qui sont gérés, administrés et collectés par des organisations occidentales qui ont sciemment décidé d’attribuer l’organisation de la compétition au Qatar. Dans ce contexte, il serait bienvenu que les autorités occidentales ne fassent pas l’autruche face aux positions de leurs populations.
Les opinions publiques par ailleurs, européennes notamment, devraient apprendre à s’offusquer de la même manière et avec autant de véhémence lorsque des drames humains noient littéralement des milliers de ressortissants africains dans les eaux aux larges des côtes méditerranéennes. D’autant que pour ceux-là, les chiffres sont fiables et vérifiés. Il serait utile de se rappeler également que lorsque c’est la Russie ou la Chine, pays autrement plus puissants et influents que le Qatar, qui organisent la Coupe du Monde ou les Jeux Olympiques, les protestations sont bien moins assumées.
Reste la question du climat, sujet sur lequel les occidentaux se présentent comme des tuteurs face au reste du monde qu’il convient d’éduquer pour qu’il aille dans le bon sens. Un point de vue qu’un petit séjour dans n’importe quelle infrastructure sportive aux Etats-Unis relativiserait tant il est possible d’avoir froid en plein été du fait de la climatisation utilisée.
Les plus grands pollueurs responsables de la crise climatique demeurent l’élevage intensif et les industries, deux secteurs auquel le Qatar ne contribue pas a priori de manière déterminante pour l’avenir de la planète. Plutôt que le boycott qui n’arrêtera pas l’organisation de la compétition, la contestation pourrait être portée au cœur de l’événement, comme l’a fait Jesse Owens à Berlin en 1936 face à l’Allemagne nazie, alors même que la ségrégation raciale continuait de faire rage aux Etats-Unis. Parce que l’histoire n’est pas à une contradiction près et en tout état de cause, en tant que Marocains, nos yeux seront rivés sur les performances de notre équipe nationale.
Zouhair Yata