Une employée de l'agence nationale électorale en Centrafrique présente un bulletin "oui" lors du décompte des voix du référendum sur un projet de nouvelle Constitution, devant permettre au président de briguer un troisième mandat, dans le bureau de vote du lycee Boganda à Bangui, le 30 juillet 2023
Les Centrafricains se sont prononcés dimanche par référendum sur un projet de nouvelle Constitution qui devrait permettre au président Faustin Archange Touadéra de briguer un troisième mandat dans un pays dévasté par plusieurs coups d’Etat.
Elu en 2016, M. Touadéra a été réélu en 2020 à l’issue d’un scrutin perturbé par des groupes armés rebelles et entaché d’accusations de fraude.
Le chef de l’Etat, âgé de 66 ans, est accusé par ses adversaires de vouloir rester « président à vie » d’un des pays les plus pauvres de la planète, le tout sous la protection des mercenaires de la société de sécurité privée russe Wagner déployés dans le pays depuis 2018.
L’autorité nationale des élections (ANE) a confirmé à l’AFP après 17H00 (16H00 GMT) que tous les bureaux de vote avaient fermé.
Les résultats provisoires doivent être publiés sous huit jours et la Cour constitutionnelle proclamera les résultats définitifs le 27 août.
– Appels au boycott –
Des journalistes de l’AFP ont constaté une faible affluence dans les bureaux de vote.
le président Faustin Archange Touadéra est venu déposer son bulletin dans la matinée au Lycée Barthélémy Boganda, dans le centre-ville de Bangui, se contentant d’appeler les citoyens à voter « selon leurs convictions ».
La réforme constitutionnelle prévoit notamment d’allonger la durée du mandat présidentiel de cinq à sept ans, et supprime la limite de mandat.
A l’école Gbaya Dombia dans le 5ème arrondissement, Youssouf Ali, commerçant, déclare qu’il a fait le déplacement « juste pour remplir (son) devoir », et reconnait n’avoir « pas lu le projet ».
Aucune enquête d’opinion crédible ne permet de prédire l’issue du vote, mais la victoire du « oui » fait peu de doute.
« Nous savons que le oui va l’emporter, mais nous mettons l’accent sur la participation », a déclaré à l’AFP Evariste Ngamana, vice-président de l’Assemblée nationale et porte-parole de la majorité présidentielle.
Les principaux partis d’opposition et organisations de la société civile, ainsi que les groupes armés rebelles, avaient appelé à boycotter le scrutin.
« Ça ne sert à rien parce que de toute façon les résultats seront truqués, donc le mieux est de rester chez moi », estime Euloge Ngarisso, employé d’une société de téléphonie.
Les adversaires de la réforme dénoncent l’absence de fichier électoral à jour et le manque d’indépendance des institutions chargées de garantir la régularité des résultats.
Les électeurs étaient invités à choisir entre un bulletin blanc pour le « oui » et « rouge » pour le non.
Plusieurs d’entre eux ont rapporté à des journalistes de l’AFP avoir été incités à choisir le bulletin du « oui » par des agents électoraux dans plusieur bureaux de la capitale.
« Dès qu’on enregistre l’électeur, on lui dit de prendre le bulletin blanc au lieu de lui donner les deux bulletins », a témoigné Richard Nganakwa, un habitant de Bangui à sa sortie de l’isoloir.
– Vote dans le calme –
Des avions de chasse L-39 Albatros récemment livrés par la Russie et des hélicoptères de l’armée ont survolé la capitale à basse altitude pendant une partie de la journée, ont constaté des journalistes de l’AFP. Des policiers et militaires étaient déployés dans les rues.
Le vote s’est déroulé sans incident sécuritaire notable, sur un vaste territoire où des groupes armés mènent des actions de guérilla contre les forces pro-régime.
M. Touadéra avait annoncé que la Russie et le Rwanda, deux Etats dont l’influence s’est considérablement accrue depuis quelques années en Centrafrique, allaient « appuyer » la sécurisation du scrutin.
Un organe lié au groupe Wagner a assuré en juillet que plusieurs centaines de ses combattants étaient arrivés sur le territoire pour assurer cette mission.
Selon Human Rights Watch (HRW), des responsables de l’ambassade de Russie en Centrafrique ont rendu visite à l’ancienne présidente de la Cour constitutionnelle pour demander des conseils sur la manière de modifier la Constitution.
En septembre 2022, la Cour constitutionnelle avait infligé un revers juridique au pouvoir en annulant la mise en place d’un Comité chargé de rédiger une nouvelle Constitution.
Le pouvoir avait ensuite mis la présidente de cette cour, Danièle Darlan, à la retraite d’office en janvier 2023.
Des responsables gouvernementaux centrafricains ont menacé et harcelé des adversaires du référendum, d’après HRW, et les autorités ont interdit une manifestation de l’opposition dans la capitale.
Des centaines de mercenaires de Wagner ainsi que des soldats rwandais ont été déployés en décembre 2020 pour sauver le régime de Bangui d’une offensive menée par une alliance des plus puissants groupes rebelles, qu’ils ont repoussés dans les zones rurales.
LNT avec Afp