L’introduction en bourse de Mutandis dont la souscription commence cette semaine est en différents points originale. De part son appellation même qui, en latin, signifie, « changer tout ce qui doit l’être », elle s’attelle à la transformation de marques.
De même que par ailleurs sur le plan juridique, elle a opté pour une forme peu courue, celle de Société en commandite par actions. Celle-ci est une forme particulière de sociétés, peu répandue au Maroc.
Elle regroupe à la fois des principes relatifs aux sociétés de personnes et aux sociétés de capitaux. Sa principale caractéristique repose sur deux catégories d’associés : D’abord, des associés commanditaires, qui ont la qualité d’actionnaires et dont la responsabilité est limitée au montant de leurs apports respectifs. Ces associés disposent d’actions représentatives du capital social à l’image des sociétés anonymes.
Ensuite, des associés commandités, qui ont la qualité de commerçants et répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales, à l’image des sociétés en nom collectif. Ces associés détiennent des droits qui ne sont pas matérialisés par des actions.
Les sociétés en commandite par actions (SCA) sont régies par les dispositions du chapitre 2 du titre 3 de la loi n° 5-96 qui englobe la société en nom collectif, la société en commandite simple, la société en commandite par actions, la société à responsabilité limitée et la société en participation.
Tout particulièrement, la gouvernance d’une société en commandite par actions, SCA, s’articule autour d’un ou plusieurs gérants investi(s) des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société ainsi que d’un conseil de surveillance qui assume le contrôle permanent de la gestion de la société.
Mutatis et Mutandis
C’est ce point précisément qui s’est avéré être en porte-à-faux avec l’introduction en bourse de Mutandis. En effet, les règles prévues par la loi sur les sociétés anonymes sont applicables aux SCA à l’exception des règles relatives à l’administration et à la direction de la société.
Car, les dispositions législatives spécifiques aux SCA octroient à ces dernières une grande flexibilité pour fixer leurs règles de fonctionnement et de gouvernance au niveau de leurs statuts, en confiant notamment aux associés commandités de larges pouvoirs de décision en contrepartie de leur responsabilité indéfinie.
C’est le cas de Mutandis, société en commandite par actions, où l’associé commandité unique de la société est la société Mugest, contrôlée à 100% par Monsieur Adil Douiri. Et c’est aussi la première société de cette forme à avoir obtenu le visa de l’AMMC pour s’introduire en bourse.
Toutefois, l’AMMC se devait, pour protéger les épargnants, de limiter ce caractère unique de la gestion exclusive donnée à une seule personne et a donc exigé des changements dans les statuts de Mutandis.
C’est ce que montre l’examen de la note d’information visée par l’AMMC et des statuts qui y sont annexés. L’on constate en effet, qu’en préparation de son introduction en bourse, et en vue de répondre aux exigences croissantes du marché et de l’AMMC en matière de gouvernance, Mutandis a mis en place un dispositif de gouvernance qui concilie le maintien de pouvoirs étendus en faveur de l’associé commandité avec l’octroi de certains contre-pouvoirs aux autres actionnaires, se rapprochant ainsi de la gouvernance plus conventionnelle des sociétés anonymes.
En premier lieu, les statuts de la société ont été modifiés en faveur de pouvoir accordés à son conseil de surveillance qui devra constituer un comité d’audit dont les membres répondent aux critères visés à l’article 106 bis de la loi relative aux sociétés anonymes, et ce malgré que ces dispositions ne s’appliquent pas aux SCA en vertu des exceptions prévues par leur loi.
C’est donc là une nouvelle exigence à laquelle Mutandis a dû se soumette, pour se rapprocher de celles imposées aux sociétés anonymes cotées.
Par ailleurs, étant donné que les statuts de Mutandis désignent la société Mugest en tant que gérant unique et d’associé commandité unique, la question de la rémunération du gérant se pose donc dans la mesure où la société Mugest peut fixer sa propre rémunération en tant que gérant.
Pour parer à tout risque d’abus, une nouvelle clause statutaire a été imposée pour prévoir que la rémunération du gérant soit soumise à un avis consultatif du conseil de surveillance qui est désigné par les seuls actionnaires commanditaires, ce qui protège leurs intérêts.
Mais, de plus, les statuts de la société ont été aussi modifiés dans le sens d’un nouveau partage des pouvoirs entre commandités et commanditaires.
Le commandité est seul habilité à nommer ou à révoquer le gérant de la société, et les commanditaires sont seuls habilités à nommer les membres du conseil de surveillance et décider de la distribution de dividendes.
Toutes autres décisions nécessitent la concordance des volontés des commandités et commanditaires pour qu’elles produisent leurs effets. C’est là une précision de taille pour les nouveaux commanditaires, souscripteurs de l’OPV de Mutandis.
J’y suis, j’y reste
Ces clauses statutaires font que Mugest de M. Adil Douiri est irrévocable de ses fonctions de gérant de la société. Toutefois, il ressort que le principe même de la société en commandite par actions est l’association entre des actionnaires apportant le capital et un ou plusieurs associés commandités apportant leur expertise.
Les actionnaires de Mutandis SCA actuels et futurs, auront donc choisi précisément de s’associer à Mugest SARL, ayant pour associé unique Monsieur Adil Douiri, pour l’expertise de ce dernier.
Il est donc du principe même de l’association que le gérant ne soit pas révocable par les actionnaires sauf par décision de justice sur la base d’une cause légitime.
D’autre part, les statuts de la société prévoient des mesures palliatives en cas d’éventuelle incapacité du commandité Mugest SARL de poursuivre sa mission pour quelque cause que ce soit.
Ces mesures consistent à solliciter l’assemblée générale des actionnaires pour proposer un autre commandité en remplacement de Mugest SARL ou, à défaut, transformer la société en société anonyme.
Et c’est encore là une contrainte imposée par l’AMMC non prévue par la loi régissant les sociétés en commandite par actions.
Concrètement, Mutandis SCA, devra confier l’examen et la validation des décisions du gérant en matière de choix comptables, de politique de rémunération et d’investissements à deux organes issus du conseil de surveillance, qui seront le comité d’investissement et la commission d’audit et de rémunération.
Ces changements de taille en matière de gouvernance rétablissent un meilleur équilibre entre les principes de la société en commandite par actions, lesquels impliquent une forte dépendance de la société vis-à-vis des associés commandités ainsi qu’une prépondérance de ces derniers dans les décisions de la société vu leur responsabilité indéfinie, et certains impératifs de meilleures pratiques en matière de gouvernance pour la protection de l’épargne.
Afifa Dassouli