Les intermédiaires d’assurances, qui se distinguent en agents des compagnies d’assurances et courtiers, se regroupent en deux associations professionnelles, l’UMAC (Union Marocaine des Agents et Courtiers) et la FNACAM (Fédération Nationale des Agents et Courtiers d’Assurance Au Maroc).
Cette précision est de taille du fait que la journée de grève de février dernier et le sit-in prévu le 13 mars prochain au siège de l’ACAPS, portent sur différentes revendications qui ne sont pas partagées par les deux associations.
Il s’agit de faire le tri pour bien comprendre : l’UMAC conteste le Web ‘inter alors que ses représentants ont participé aux concertations préalables à sa mise en œuvre introduite par l’ACAPS, la nouvelle autorité du secteur des assurances, au motif qu’ils n’ont pas les moyens administratifs de répondre aux exigences de déclarations trimestrielles.
Par contre, les revendications portant sur la révision des rémunérations et de certaines conditions de travail sont partagées par tous les intermédiaires agents et courtiers et donc par l’UMAC et la FNACAM.
La FNACAM représente 80% des primes apportées au marché d’assurances par le réseau traditionnel et emploie plus de 80% des effectifs. Evidemment, les revendications défendues par les deux associations en question bénéficieront à tous …
M. Khalid Aouzal, Président de la FNACAM, a bien voulu, dans l’interview ci-dessous, nous aider à mieux appréhender les problématiques en cause dans la profession d’intermédiaires d’assurances.
La Nouvelle Tribune :
M. Aouzal, vous êtes Président de la FNACAM, une fédération des intermédiations des assurances qui a du poids, pouvez vous à ce titre présenter à nos lecteurs les principales revendications actuelles de votre profession ?
M. Khalid Aouzal :
Les intermédiaires ou distributeurs de produits d’assurances, ont en effet, un certain nombre de revendications qui, selon les sujets, s’adressent soit à la fédération des assureurs (FMSAR), soit à l’ACAPS, (Autorité de Contrôle des Assurances et de la Prévoyance sociale).
Il y a les revendications relatives à la rémunération et la déontologie et elles sont traitées avec la Fédération Marocaine des Sociétés d’Assurance et de Réassurance, parce que ce sont les assureurs qui payent la commission aux intermédiaires pour la présentation des opérations d’assurance.
Il faut savoir que cette rémunération est censée être libre depuis juillet 2006. Quelle soit par compagnie, par client ou par produit, elle est aujourd’hui totalement dérégulée.
Elle est libre parce qu’elle constitue un argument de négociation. Avec la précision de taille que cette commission est supportée par l’assureur, c’est-à-dire les compagnies d’assurance et non pas par l’assuré, contrairement à ce que l’on pourrait croire.
Par définition, c’est une commission d’apport par les agents et courtiers d’une affaire à un assureur.
L’assuré, qu’il passe par un intermédiaire ou qu’il s’adresse directement à une compagnie, paye le même prix pour son assurance et n’est pas pénalisé par la commission en question.
Au lendemain de sa libéralisation en 2006, les assureurs ont décidé de maintenir les taux de commission en vigueur, taux qui varient selon les catégories d’assurance.
Par exemple pour une garantie multirisque habitation le taux est de 25%, de 12% pour une assurance automobile, de 3% pour un contrat de retraite.
En termes de pourcentage, ces commissions peuvent paraître intéressantes mais en valeur absolue celles – ci sont devenues dérisoires et certains pourcentage se doivent donc d’être revus : n’allez pas croire que les assureurs seraient devenus soudainement généreux.
Car la rémunération d’une assurance automobile – 300 dhs en moyenne – n’a pas changé depuis 1977 alors que les coûts de gestion mis depuis lors sous la responsabilité des intermédiaires a cru de façon considérable.
Auparavant, la gestion des contrats [rédaction & confection] incombaient aux assureurs. Aujourd’hui, toutes ces taches sont réalisées par les intermédiaires. Ainsi, grâce à l’évolution informatique, tous les actes de gestion des contrats d’assurance ont été délégués aux agents et courtiers, sans pour autant augmenter leur rémunération pour ces nouvelles prestations.
Les professionnels de l’intermédiation d’assurance sont donc en pourparlers avec la Fédération des Assureurs afin de revoir ces aspects dans le cadre de négociations saines et équilibrées.
A ce sujet, en comparaison l’Afrique francophone et notamment l’Afrique de l’Ouest, on a pu constater que les rémunérations sont de 5 voire 10 points supérieures aux rémunérations marocaines.
Pour l’Europe, dans ses pays du Sud ou l’Europe occidentale dans son ensemble, et dont les marchés sont beaucoup plus mâtures que le marché marocain (la France 30 fois plus) , les rémunérations tiennent compte des efforts déployés par les intermédiaires et sont versées soit par les assureurs, soit par les clients, sous forme d’honoraires, soit les deux à la fois.
Les compagnies d’assurances sont-elles en situation de supporter une augmentation des commissions d’intermédiation ?
Et si nous nous posions la question suivante : les intermédiaires peuvent ils continuer à supporter de si faibles rémunérations alors que les assureurs ne connaissent que des résultats stratosphériques ? : LA REPONSE EST CLAIRE : NON.
Néanmoins, en réponse à votre question : oui, les assureurs ont les moyens et le devoir de revoir les commissions allouées au réseau professionnel de distribution de l’assurance.
C’est à ce niveau que les assureurs doivent fournir un effort
En effet, c’est l’un des rares secteurs où la croissance est soutenue depuis 30 ans avec des dividendes très élevés distribués chaque année. Nous leur demandons en conséquence de répartir équitablement les richesses issues du labeur des agents et courtiers d’assurances.
Les Compagnies d’assurance ne doivent pas occulter les emplois créés par le réseau et le travail de vulgarisation effectué par tous les intermédiaires d’assurances.
Si le Maroc est le 2ème marché en Afrique et le 3 ème de la région MENA, la FMSAR le doit exclusivement au travail des intermédiaires en Assurances.
Où en êtes-vous dans vos négociations qui portent sur la revalorisation des rémunérations des intermédiaires et quelles sont les autres points sur lesquels vous avez des revendications ?
J’ai une rencontre avec le Directeur général de la Fédération des assurances programmée pour cette semaine et c’est l’un des sujets que nous allons aborder.
Nos discussions devraient aboutir à une feuille de route sur les sujets qui nous préoccupent. Parce que vous avez raison, au delà des rémunérations, nous voulons mettre en place une réelle déontologie, car nous avons des pratiques de marché qui commencent à frôler le déraisonnable. Il faut définir les modes et les normes de ces documents commerciaux et les imposer à tout le monde. De même que le mode de calcul de la prime doit être équitable pour tous.
Les compagnies d’assurance ne font-elles pas concurrence aux intermédiaires avec leurs propres bureaux de distributions dits directs ? et quid de la bancassurance ?
Au Maroc, la distribution des assurances se fait au siège des compagnies dans des bureaux directs, par les agents et courtiers, mais également par les banques pour les assurances de personnes, crédit – caution et d’assistance, c’est ce qui figure dans le code des assurances.
Pour ce qui nous concerne aujourd’hu,i nous sommes à peu près 2400 intermédiaires d’assurances, compte tenu des lauréats du dernier examen professionnel organisé en Février 2018, 66 nouveaux courtiers et 300 nouveaux agents des compagnies, pour un marché déjà très concurrentiel ! Soit.
Nos 2400 points de vente représentent 75% des primes émises sur le marché de l’assurance et 85% des emplois directs du Secteur contre 25% pour les 9000 points de vente bancaires.
A la Fnacam, nous sommes pour agir en vue d’améliorer le taux de pénétration de l’assurance au Maroc, mais ne saurions cautionner que cela se fasse au détriment de nos adhérents.
A mon avis les intermédiaires doivent jouir des mêmes facilités de développement que nos confrères banquiers.
Or, les exigences qui nous sont imposées sont plus contraignantes que pour les banquiers, ce qui n’est pas normal ! Nous sommes le seul pays où les agents des compagnies ont un registre de commerce alors que le portefeuille d’assurances qu’ils gèrent ne leur appartient pas, contrairement aux courtiers, lesquels détiennent leurs portefeuilles d’assurances. C’est là la différence entre les deux catégories d’intermédiaires.
Votre Fédération a-t-elle une revendication portant sur le recouvrement des primes collectées par les intermédiaires pour le compte des compagnies, parce que le délai imposé est plus restrictif ?
Vous savez, j’ai personnellement un point de vue qui ne fait pas l’unanimité, encore moins chez les assureurs !
La définition de la présentation des opérations d’assurance ne doit pas comprendre le recouvrement de la prime, sachant qu’elle consiste en la partie conseil et consultation, la proposition aux clients des différentes couvertures et la réalisation de l’affaire.
Cette démarche que l’on croit valable seulement pour les courtiers, l’est aussi pour les agents des compagnies qui prennent à leur charge leurs déplacements pour prospecter, engagent leur temps, font l’intermédiaire avec leur compagnie pour négocier de meilleurs tarifs pour les clients. En un mot, ils représentent leur compagnie.
Pour tous ces services rendus et accomplis, la compagnie se doit de les payer à chaque fois qu’un contrat est signé.
D’autre part, pour ce qui est des primes, les contrats étant signés entre l’assureur et les assurés, les courtiers et les agents n’apparaissant qu’en tant qu’intermédiaires, les obligations naissant de ces contrats n’incombent pas aux intermédiaires.
Les compagnies doivent donc payer les intermédiaires pour leur intermédiation, indépendamment du recouvrement des primes et recouvrer directement leurs primes auprès des assurés.
Sinon, le service du recouvrement doit être payé comme tel à part et en sus. De plus, les contrats renouvelables devraient être payés par avance, ce que refusent de faire les compagnies, mettant les intermédiaires dans l’obligation de différer les paiements des primes qu’ils collectent. C’est ainsi que ce sont créés des disfonctionnements entre les compagnies et les intermédiaires pendant des années.
Oui, mais désormais, les intermédiaires sont tenus de payer les compagnies dans un délai plus court ?
Pourquoi « désormais » ? Ce délai est en vigueur depuis 2004 [arrêté du Ministre des Finances] et est respecté par toute la profession.
Nous rencontrons des écarts çà et là mais l’ACAPS est présente pour sévir contre les contrevenants.
.Quelle est la position de la FNACAM sur le WEB’Inter instauré par l’ACAPS ?
Depuis 1977 et rappelé en 2004, un arrêté du Ministre des Finances a listé et fixé les états et informations que les intermédiaires d’assurances devaient envoyer à la DAPS, devenue ACAPS depuis 2 ans.
Ces états portent sur les primes émises par chacun d’entre nous par catégorie d’assurances et par assureur, le nombre de salariés, les sinistres réglés, avec obligation de tenir un registre des primes, un registre des sinistres et un registre de caisse. Il faut également informer de la liste des salariés avec leurs pièces d’identité, leurs fonctions y compris la liste des démarcheurs qui peuvent ne pas être salariés.
L’ACAPS, pour des raisons d’échange d’informations et pour mettre à la disposition de tous une cartographie de la distribution des assurances au Maroc, a demandé à ce que toutes ces informations deviennent dématérialisés et trimestrielles.
A l’instar de la plupart des projets touchant notre profession, l’ACAPS a invité toutes les sensibilités du Secteur de la distribution dans une démarche de concertation avant mise en œuvre du Web inter…et à ma connaissance tous les représentants présents à ces rencontres ont validé le projet et ont apprécié ses fonctionnalités.
Il y a eu un débat et les revendications et remarques de nos deux associations professionnelles ont été retenues et prises en considération. Il faut savoir que les compagnies d’assurances sont également soumises à travers un autre circuit à des déclarations périodiques. Toutefois, la Fnacam attend un soutien clair et net de la part de l’ACAPS en ce qui concerne le dossier d’abrogation de la TVA sur les commissions dites Taxe sur les prestations et services …
Entretien réalisé par Afifa Dassouli
Encadré : Histoire de la libéralisation des commissions
Avant 2006, date de la libération des commissions, la prime automobile était libératoire et homologuée. La délivrance d’une attestation d’assurance valait quittance et donc la prime était censée être encaissée avant la délivrance de l’attestation. Depuis 2004, avec l’introduction du Code des Assurances, il y a présomption d’assurance imposé par l’article 121 du code. La délivrance d’une assurance est détachée du règlement et donc est facturée à part. Et, seules les compagnies peuvent mettre en demeure les assurés et suspendre leurs garanties.
En 2015, la Direction des Assurances a réagi pour redéfinir par une circulaire le fonctionnement de cette assurance automobile.
Celle-ci stipule que le chèque de paiement d’une prime doit être libellé au nom de la compagnie. L’intermédiaire, qui est censé recevoir les paiements en espèces ou par chèque, doit assumer le risque de non paiement et payer la compagnie le 15 du mois qui suit.
La solution au problème de recouvrement des primes réside dans la création d’un système unique d’émission des primes qui en exige automatiquement le règlement préalable et oblige ainsi les assurés à payer pour recevoir leurs assurances. Ainsi, sachant que l’assurance automobile pèse 10 milliards de dirhams sur un total de 40 milliards de primes d’assurances émises par le secteur, la branche Auto ne risquerait plus de connaître que de moindres impayés de 50 MDHS par an par exemple, à répartir sur tout le secteur, cela ne représenterait plus grand chose. Les Africains de l’Ouest ont mis ce système de « cash before cover » en place et il est très opératoire.
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