Des policiers arrêtent des manifestants de l'opposition au Kazakhstan le 9 juin 2019, pendant l'élection présidentielle qui a vu sans surprise la victoire du candidat du pouvoir © AFP VYACHESLAV OSELEDKO
Successeur désigné de l’homme fort du Kazakhstan depuis la chute de l’URSS, Kassym-Jomart Tokaïev a été élu président avec 70,8% des voix, selon les résultats proclamés lundi au lendemain d’un scrutin marqué par d’importantes manifestations et des centaines d’arrestations.
Ce résultat conclut une opération soigneusement orchestrée de transition menée depuis la démission surprise en mars de Noursoultan Nazarbaïev, qui a dirigé sans partage ce pays d’Asie centrale depuis son indépendance en 1991.
Réélu très largement, M. Tokaïev, diplomate de carrière de 66 ans, a d’ores et déjà prévenu qu’il se placerait dans la continuité de son mentor, qui conserve un rôle politique majeur et en l’honneur duquel la capitale vient d’être renommée Nur-Sultan.
Le taux de participation s’est établi à 77,4%, selon la Commission électorale centrale.
Avec 16,2% des voix, Amirjan Kossanov obtient le meilleur score jamais réalisé par un opposant dans une élection présidentielle kazakhe.
Mais le scénario en apparence bien huilé a surtout connu des ratés en raisons des importantes manifestations organisées à travers le pays, les protestataires appelant au boycott d’une élection qu’ils estimaient jouée d’avance.
Dans les deux principales villes kazakhes, la capitale Nur-Sultan et Almaty, des journalistes de l’AFP ont été témoins de plusieurs centaines d’arrestations. Un correspondant de l’AFP a été conduit à un poste de police avant d’être libéré tandis qu’un reporter vidéo de l’AFP a vu ses équipements confisqués.
Au total, « environ 500 » personnes ont été conduites dans les commissariats des deux villes, selon les chiffres du vice-ministre de l’Intérieur Marat Kojaïev, qui en a rejeté la faute sur des « éléments radicaux » ayant organisé des « manifestations non autorisées ».
« Honte ! Honte ! Honte ! » ou encore « La police de notre côté ! », criaient certains manifestants à Almaty avant que les forces de l’ordre ne dispersent le rassemblement.
– Dans la continuité de Nazarbaïev –
Depuis la démission de Noursoultan Nazarbaïev, le Kazakhstan est traversé par une agitation sociale rare qui a provoqué un raidissement des autorités. L’opposant le plus virulent au régime, un ancien banquier en exil, Moukhtar Abliazov, avait appelé à des manifestations dimanche.
Interrogé sur les manifestations de la journée, M. Tokaïev a assuré dimanche qu’il avait demandé à la police de « faire preuve de retenue » tout en précisant que les violations de la loi « ne seraient pas tolérées ».
Kassym-Jomart Tokaïev a occupé de nombreux postes au sommet de l’Etat kazakh, de Premier ministre à ministre des Affaires étrangères et président du Sénat, le poste qu’il occupait quand Noursoultan Nazarbaïev a annoncé son départ.
Au cours de sa campagne, il a promis de se placer dans la continuité de M. Nazarbaïev. Une de ses premières décisions en tant que président par intérim avait d’ailleurs été de renommer la capitale, Astana, « Nur-Sultan », du nom de son prédécesseur.
S’il a remporté son pari, au terme d’une campagne où il a pu bénéficier du soutien de tout l’appareil d’Etat, il ne réitère pas les scores stratosphériques de son prédécesseur. En 2015, pour son cinquième et dernier mandat, Noursoultan Nazarbaïev avait obtenu presque 98% des voix et le taux de participation était de 95%.
Ses victoires électorales n’ont jamais été reconnues comme libres et justes par les observateurs internationaux, qui doivent rendre leurs conclusions lundi sur ce vote.
« Je pense qu’en trente ans, nous avons eu quelques succès. Il y a eu du négatif aussi, mais ça existe dans tous les pays », a déclaré à l’AFP Marat Sagyndykov, un retraité de 65 ans affirmant qu’il allait voter « pour poursuivre le chemin du Leader de la Nation », le titre officiel de Noursoultan Nazarbaïev.
En revanche, Aslan Sagoutdinov, un blogueur brièvement arrêté le mois dernier pour avoir brandi une pancarte sans texte en signe de protestation ironique, a affirmé qu’il ne comptait pas participer au scrutin. « Si on vote dans une élection injuste, on leur permet de prétendre qu’elle a été juste », a-t-il expliqué par mail à l’AFP.
LNT avec AFP