M. Karim Hajji, Directeur général de la Bourse des Valeurs de Casablanca, revient pour nos lecteurs sur le programme ELITE, notamment destiné à encourager et faciliter l’introduction en bourse des entreprises marocaines, grandes et petites.
Mais ce programme n’est pas le seul levier de l’écosystème boursier comme le CEO de la bourse l’explique ci-après.
La Nouvelle Tribune :
M. Hajji, lors de la 40ème réunion annuelle de la l’AMERC, vous avez présenté le programme Elite de la Bourse de Casablanca, pouvez-vous expliquer ce programme à nos lecteurs ?
M. Karim Hajji :
ELITE est un programme d’accompagnement dédié aux entreprises qui souhaitent construire la prochaine étape de leur croissance en les préparant à répondre aux exigences du marché financier.
Pour cela, il s’articule autour d’une approche innovante qui comprend un programme de formation, une période d’accompagnement soutenue par des mentors et un accès direct à la communauté financière par le biais d’une plateforme communautaire.
Avec ELITE, les entreprises se dotent des outils nécessaires pour se préparer aux exigences du marché financier, ce qui leur permettra d’accéder plus facilement et plus durablement aux diverses sources de financement du marché financier, (private equity, produits de dette, bourse).
ELITE est un programme » capital neutre » qui n’oriente pas nécessairement et uniquement les entreprises vers une introduction en bourse, mais leur laisse le choix d’opter pour le moyen de financement le plus adapté à leur besoin.
Le programme ELITE est aujourd’hui un succès international qui regroupe plus de 600 entreprises et plus de 150 partenaires et 100 investisseurs dans 25 pays européens et au Maroc.
ELITE poursuit son développement international avec le lancement récemment par notre partenaire LSEG en Chine et en Arabie Saoudite.
Nous contribuons également à ce développement en lançant ELITE avec la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (BRVM) dans la zone de l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA).
Ce programme lancé en 2016, s’adresse à des entreprises toutes catégories confondues ou particulièrement à des PME ?
ELITE s’adresse à toutes les entreprises dès lors qu’elles souhaitent utiliser tous les moyens disponibles pour leur développement.
Comme vous le savez, le financement des entreprises au Maroc se fait en très grande majorité par le secteur bancaire. Avec ELITE, les entreprises se préparent à utiliser plus facilement le marché des capitaux.
Donc pour répondre à votre question, et de manière plus factuelle, les entreprises ELITE marocaines sont de tailles très différentes (de quelques dizaines de millions de chiffre d’affaires à plus d’un milliard de dirhams) et proviennent de 16 secteurs différents.
Nous sommes par ailleurs conscients que les PME ont des besoins plus importants en termes de financement et c’est pour cette raison que nous nous sommes associés avec Maroc PME pour permettre aux entreprises de plus petite taille d’accéder à Elite.
Comment la bourse opère-t-elle ses choix d’entreprises ?
Toutes les entreprises ELITE Maroc et à l’international doivent répondre aux mêmes critères de sélection.
Avant tout, elles doivent nécessairement disposer d’une vision de croissance et d’ambitions de développement claires, portées par un management éclairé.
Cela implique qu’elles doivent être disposées à effecteur les changements qui s’imposeront pour évoluer : structurels, juridiques et de gouvernance.
Sur ce dernier point, je fais surtout référence à la transparence des résultats financiers et à la nécessité d’une communication financière aux normes.
Ces entreprises doivent ensuite présenter un profil de croissance intéressant et qui justifie leur volonté de développement.
Et enfin, elles doivent être à un niveau d’endettement raisonnable.
Quels sont les partenaires dans ce programme et avez-vous une relation avec les capital-risqueurs ?
ELITE Maroc compte à ce jour 20 partenaires dont des banques, des cabinets d’avocats, des cabinets d’audit et d’expertise comptable, des cabinets de conseil financier et des banques d’affaires.
Il compte également 7 fonds d’investissement. Ces derniers font partie de la communauté ELITE Maroc et soutiennent le programme.
La relation avec les fonds d’investissement est à double sens :
– D’une part, ils n’hésitent pas intégrer les entreprises dans lesquelles ils sont actionnaires dans Elite, afin que nous les aidions à se préparer à faire appel au marché financier ;
– Et d’autre part, les fonds d’investissements peuvent trouver dans les entreprises des opportunités d’investissement intéressantes, d’autant que ces dernières ont une véritable ambition de croissance et adoptent les meilleures pratiques de transparence et de gouvernance.
Comment expliquez-vous que les entreprises du programme Elite soient peu intéressées par le financement du marché financier ?
Absolument pas !
A la date d’aujourd’hui 11 entreprises ELITE Maroc ont annoncé leur intention de réaliser une opération sur le marché, dont la majorité via une IPO.
Par ailleurs, 3 autres entreprises ont mandaté des banques d’affaires pour l’ouverture de leur capital et plusieurs entreprises planchent actuellement sur la refonte de leur stratégie et/ou ont entamé des démarches en vue d’améliorer la gouvernance de leur entreprise en prévision d’un recours prochain au marché financier (charte familiale, administrateur indépendant, …).
Le plus important pour nous et pour ELITE est qu’une dynamique soit créée sur le marché financier qui débouchera tôt ou tard sur des opérations sur le marché financier.
En dehors d’ELITE, quelles seraient les solutions pour inciter les entreprises à s’introduire en bourse ?
En dehors de la préparation des entreprises à travers ELITE par exemple, il faut à mon sens continuer à inciter les entreprises à s’introduire en bourse, ou plus généralement à faire appel au marché financier, à travers différentes actions telles que la mise en place d’une offre adaptée en fonction de la taille des entreprises (notamment à travers un marché alternatif), mais aussi en fonction des besoins, en diversifiant l’offre d’instruments financiers (OPCI, OPCT, dette obligataire), ou encore par l’adaptation des mesures fiscales aussi bien pour les entreprises et leurs actionnaires que pour les investisseurs, comme par exemple, la mise en place des PEA pour les PME.
Il serait par ailleurs utile de faciliter l’accès des entreprises publiques au marché des capitaux afin de renforcer leurs capitaux propres et aussi d’inciter les entreprises internationales à faire appel au marché boursier marocain pour développer leurs activités au Maroc et permettre aux investisseurs nationaux d’y participer.
La Bourse doit contribuer davantage au financement de l’économie, une activité que les banques font déjà très bien.
Mais ces dernières font aujourd’hui face à des contraintes de fonds propres, ce qui limite leur capacité à financer à la fois les besoins des entreprises et les projets d’infrastructure.
Les introductions en bourse sont aussi indispensables au développement de notre marché et au renforcement de sa liquidité, conditions nécessaires pour attirer les investisseurs nationaux et étrangers.
Ceci étant, pour pouvoir atteindre un rythme d’opérations significatif, il est nécessaire d’activer l’ensemble des leviers avec tous les acteurs publics et privés de l’écosystème boursier.
Entretien réalisé par Afifa Dassouli