Vendredi 6 octobre 2017. Cette date restera sans aucun doute marquée dans les annales judiciaires du Royaume.
Elle marque la fin d’une étape et le début d’une autre à savoir, l’ère de l’indépendance du ministère public du pouvoir exécutif.
Ainsi, le Parquet devient une composante judiciaire à part entière. Néanmoins, M. Mohamed Abdennabaoui, Procureur général du Roi près la Cour de Cassation, désormais nouveau et premier Président du ministère public, tient à préciser que l’indépendance du pouvoir judiciaire vis-à-vis des pouvoirs exécutif et législatif, ne veut pas dire être indépendant par rapport à l’Etat et « nager à contre-courant » de ses principales orientations en ce qui concerne la protection de la sûreté, des valeurs sacrées et des institutions constitutionnelles du pays et des droits et libertés des citoyens.
Cette indépendance « signifie plutôt une action de la Justice loin de toute influence ou intervention à même d’entraîner une déviation par rapport aux valeurs de justice, d’équité et de droit ».
Et de noter que de ce fait, le Ministère public entame une nouvelle phase constitutionnelle qui vise à assurer l’impartialité de la justice et à exclure toute exploitation politique, soulignant que le Maroc, à travers ce choix, a rejoint les modèles démocratiques pionniers du monde, qui ont hissé la Justice à un statut d’autorité constitutionnelle dotée de l’autonomie.
« Par conséquent, l’institution de la Présidence du Ministère public, intervient, dès aujourd’hui, dans une bataille pour relever ce défi démocratique, qui ne sera pas facile à gagner… ».
Mostapha Farès, Premier Président de la Chambre de Cassation, et président délégué du CSPJ, explique que d’abord le défi était de trouver un modèle marocain pour l’indépendance du pouvoir judiciaire avec toutes ses composantes et ses structures.
Un modèle en adéquation avec le système judiciaire marocain et en harmonie avec la spécificité de la réalité du Maroc, d’une part et d’autre part, ouvert sur toutes les expériences mondiales pionnières et les pratiques en la matière.
Et d’indiquer que le citoyen doit ressentir l’impact de cette indépendance sur la résolution de ses différends, ainsi que l’organisation de ses relations juridiques avec les collectivités et les institutions, entre autres.
Pour rappel, la loi n° 33-17 relative aux attributions et à l’organisation de la Présidence du parquet, adoptée dernièrement par le Parlement, traite des attributions de la Présidence du Parquet, qui supervise et contrôle le travail du Ministère public en matière de déclenchement de l’action publique, de la bonne marche des procès et d’introduction des recours.
Selon un avis consultatif émanant du CNDH, cette loi est globalement conforme aux avis du Conseil Consultatif de Procureurs Européens (CCPE), notamment l’avis intitulé « La qualité et l’efficacité du travail des procureurs, y compris dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité grave et organisée », celui intitulé « Les normes et principes européens concernant les procureurs » et celui sur « la gestion des moyens du ministère public ».
Pour rappel aussi, cette réforme s’effectue dans le cadre de l’application des articles 110 et 116 de la Constitution, ainsi que les dispositions des lois organiques relatives au CSPJ et les articles 110 et 117 de la loi organique relative au statut des magistrats.
Revendication pressante et de longue date des activistes des droits de l’homme, cet acquis a justement connu une opposition farouche des politiques et c’est au forceps que le divorce entre le pouvoir exécutif et le procureur vient d’être prononcé. Un verdict irréversible apparemment.
Est-ce pour autant à dire que la Justice sera indépendante ? Une interrogation qui continue de tarauder le contribuable lambda toujours aussi méfiant d’un écosystème judiciaire passablement opaque et loin d’être aussi efficace comme souhaité par tous.
En attendant ce que donnera ce changement, certes de taille dans le système judiciaire marocain, chacun aspire à un Ministère public indépendant, efficace, transparent, imbu d’esprit de droit, capable de d’assumer sa responsabilité dans un climat de reddition des comptes et d’évaluation.
Est-ce trop demander ?
Hassan Zaatit