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Pr Mehdi Karkouri, Président de l’ALCS

Journée mondiale contre le sida : les acquis menacés par la baisse des financements internationaux

Journée mondiale contre le sida : les acquis menacés par la baisse des financements internationaux

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Pr Mehdi Karkouri, Président de l’ALCS

À l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre le sida, célébrée le 1er décembre, l’Association de Lutte Contre le Sida (ALCS) tire la sonnette d’alarme : malgré des avancées majeures dans la prévention et la prise en charge du VIH, la lutte reste fragilisée par une chute préoccupante des financements mondiaux. Alors que l’objectif d’éliminer le sida comme menace de santé publique d’ici 2030 demeure atteignable, les ressources disponibles s’amenuisent et mettent en péril près de quarante ans de progrès.

Selon les données d’ONUSIDA, 40,8 millions de personnes vivent aujourd’hui avec le VIH dans le monde, tandis que 1,3 million de nouvelles infections ont été enregistrées en 2023. Les décès liés au sida restent importants avec 630 000 morts recensés en 2024.
Si 77 % des personnes séropositives ont accès à un traitement antirétroviral, et 84 % des femmes enceintes bénéficient d’un traitement empêchant la transmission mère-enfant, la dynamique mondiale montre un ralentissement. Depuis 2010, les nouvelles infections et les décès ont diminué respectivement de 40 % et 54 %, mais ce recul progresse désormais beaucoup plus lentement, notamment dans les populations les plus marginalisées.

Le Maroc face à une épidémie concentrée

Le Maroc, où vivent environ 23 500 personnes séropositives, connaît une épidémie dite “concentrée”, touchant essentiellement des populations vulnérables. La prévalence reste faible dans la population générale (0,08 %), mais les besoins en prévention, dépistage et accompagnement demeurent élevés.

Le pays enregistre chaque année 990 nouvelles infections et 400 décès liés au sida. Les efforts des programmes nationaux et associatifs ont permis d’atteindre un taux de couverture antirétrovirale de 77 %, l’un des meilleurs de la région Afrique du Nord.
La transmission mère-enfant est en nette régression, tombant à 7 % grâce au dépistage systématique des femmes enceintes.

Les actions communautaires: dépistage de proximité, réduction des risques, centres associatifs et accès gratuit aux traitements, incluant désormais la prophylaxie pré-exposition (PrEP), ont joué un rôle décisif dans la stabilisation de l’épidémie. Mais ces acquis sont aujourd’hui menacés.

Le sommet de reconstitution du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, organisé le 21 novembre à Johannesburg, a confirmé l’ampleur de la crise.
Alors que 18 milliards de dollars étaient nécessaires pour maintenir les programmes mondiaux, seuls 11,34 milliards ont été réunis. Il s’agit de 4 milliards de moins qu’en 2022.

Les États-Unis demeurent le premier contributeur malgré des coupes budgétaires sévères. La France, contributeur historique, n’a ni participé ni annoncé de soutien, une première dans l’histoire du Fonds.

Cette contraction financière survient dans un contexte marqué par la montée de mouvements conservateurs, la baisse des priorités de santé publique et la fragilisation des systèmes de santé dans les pays les plus vulnérables. Selon les projections, ces réductions pourraient entraîner 22,6 millions de décès supplémentaires d’ici 2030, toutes maladies confondues.

Le Maroc dépend fortement du Fonds mondial, qui constitue son principal bailleur dans la lutte contre le VIH. Une diminution des financements mondiaux se traduit mécaniquement par une baisse des ressources disponibles pour les programmes nationaux : prévention, dépistage communautaire, intrants médicaux et soutien aux associations.

Les risques sont considérables : ruptures de stock d’intrants, limitation des dépistages, réduction des activités communautaires et diminution de l’accès aux antirétroviraux.
À l’échelle mondiale, la baisse des financements pourrait empêcher près de 10 millions de personnes d’accéder aux traitements, limiter l’accès au dépistage pour la tuberculose et compromettre la distribution de  contre le paludisme.

Face à cette situation, l’ALCS appelle à la consolidation des ressources au Maroc. Plusieurs axes sont jugés prioritaires :

  • Sécuriser les financements existants, afin de maintenir les programmes de prévention et de prise en charge.

  • Éviter les ruptures de stock, notamment en tests de dépistage et moyens de prévention, déjà observées par le passé.

  • Renforcer la participation des régions et des communes, essentielles pour soutenir les associations communautaires.

  • Impliquer davantage le secteur privé, capable de contribuer aux efforts de sensibilisation et d’accompagnement.

La Journée mondiale de lutte contre le sida rappelle que la bataille est loin d’être terminée. Les avancées obtenues grâce aux actions communautaires, à la recherche et aux politiques publiques risquent de s’effriter si les financements continuent de baisser.

Les acteurs de terrain appellent les médias, les institutions et le grand public à rester mobilisés. La lutte contre le VIH demeure un enjeu sanitaire, social et humain majeur, qui exige solidarité, ressources et engagement politique.

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