Le militant prodémocratie Joshua Wong (c) s'exprime devant les médias après sa libération, à Hong Kong le 17 juin 2019 © AFP ISAAC LAWRENCE
Le militant prodémocratie Joshua Wong, figure du « Mouvement des Parapluies », a annoncé lundi, à sa sortie de prison qu’il allait grossir les rangs de l’immense mobilisation en cours à Hong Kong, au moment où les manifestants réfléchissent aux stratégies pour maintenir la pression sur l’exécutif.
Près de deux millions de manifestants vêtus de noir ont défilé dimanche, selon les organisateurs, pour demander la démission de la cheffe de l’exécutif Carrie Lam et le retrait de son projet de loi, désormais suspendu, visant à autoriser les extraditions vers la Chine continentale.
En ébullition depuis plusieurs mois du fait de ce projet, l’ex-colonie britannique a été le théâtre ces deux derniers dimanches de manifestations d’une ampleur record, et d’un rassemblement non autorisé mercredi qui a entraîné la plus violente répression policière depuis la rétrocession en 1997.
Alors âgé de 17 ans, Joshua Wong fut en 2014 une des figures de proue du « Mouvement des Parapluies » qui avait bloqué le coeur financier de la ville pendant des semaines pour demander le suffrage universel.
Il n’a pas attendu longtemps lundi après sa sortie de prison pour ajouter sa voix au concert de critiques contre la cheffe de l’exécutif pro-Pékin.
– Mme Lam n’est « plus qualifiée » –
« Elle n’est plus qualifiée pour être la dirigeante de Hong Kong », a-t-il déclaré aux journalistes rassemblés à l’extérieur de sa prison. « Elle doit assumer ses responsabilités et démissionner. »
Incarcéré en mai pour des faits en lien avec le « Mouvement des Parapluies », il était éligible à une libération anticipée pour bonne conduite.
« Après avoir quitté la prison, je vais également me battre avec tous les Hongkongais contre la loi maléfique sur l’extradition vers la Chine », a-t-il dit.
Selon ses détracteurs, le projet de loi placerait la population à la merci du système judiciaire de Chine continentale, opaque et sous influence du Parti communiste. Les milieux d’affaires craignent que la réforme nuise à l’image internationale et l’attractivité du centre financier.
Les énormes rassemblements des derniers jours ont aussi été une nouvelle manifestation de la défiance populaire contre leurs dirigeants.
Voilà des années que de nombreux Hongkongais dénoncent une ingérence grandissante de Pékin, en violation du principe « Un pays, deux systèmes » qui garantit à Hong Kong, en théorie jusqu’en 2047, une semi-autonomie et des libertés inexistantes ailleurs en Chine.
Le tollé provoqué par la répression policière de la manifestation mercredi dernier a finalement contraint Mme Lam à annoncer samedi la suspension du texte controversé. Mais cela n’a pas dissuadé les foules de grossir les rangs d’une « marche noire » dimanche, pour exiger l’abandon total du projet de loi.
Jimmy Sham, un représentant du Front des droits humains civiques (CHRF), organisateur du défilé, a affirmé aux journalistes que « près de deux millions de personnes » avaient manifesté, soit près du double du nombre de manifestants revendiqué le dimanche d’avant, qui était déjà historique dans une ville de 7,3 millions d’habitants.
Cette estimation n’a pas pu être vérifiée de source indépendante. La police a évoqué le chiffre de 338.000 participants au plus fort de la manifestation dimanche.
Lundi matin, ne subsistaient que quelques centaines de protestataires qui bloquaient une autoroute urbaine du coeur politique de la ville, près du Conseil législatif (LegCo), le « parlement » local.
– « Seconde chance » –
Les manifestants ont finalement quitté l’autoroute dans le calme pour se replier le parc voisin du LegCo.
« Nous devons rester ici jusqu’à ce que Carrie Lam change d’avis », insiste une manifestante de 32 ans, Candy, qui refuse comme tous les autres de donner son identité complète.
Certains s’interrogent toutefois sur l’effet réel de son éventuelle démission sur un exécutif dont Pékin contrôle les rouages.
« Le gouvernement chinois enverra juste une autre Carrie Lam et rien ne changera », peste Kok, un étudiant en design de 21 ans.
Mme Lam avait justifié la répression des manifestations par la violence de certains participants. Mais l’opposition l’accuse de s’être servie des agissements d’une infime minorité pour se déchaîner sur l’ensemble des protestataires, en grande majorité pacifiques.
Mercredi, Hong Kong a connu les pires violences depuis sa rétrocession quand des dizaines de milliers de personnes ont été dispersées à coups de gaz lacrymogènes et de balles en caoutchouc.
Mme Lam a présenté dimanche soir « ses excuses ». Dans un entretien à HK01 lundi, son principal conseiller Bernard Chan a estimé qu’aucun chef de l’exécutif n’oserait proposer à nouveau le texte sur l’extradition: « J’espère que les gens donneront une seconde chance à Carrie Lam. »
Sa reculade représente une volte-face rare de la part d’autorités qui avaient refusé de céder le moindre pouce de terrain aux protestataires de 2014.
Les alliés politiques de Mme Lam, et même Pékin, ont pris leurs distances avec elle.
Ces manifestations massives, 30 ans après Tiananmen, sont aussi un casse-tête pour le président chinois Xi Jinping, à quelques mois du 70ème anniversaire de la proclamation de la République populaire.
LNT avec AFP