Le Japon a publié vendredi une série d’indicateurs bien orientés pour le mois d’août, un cadeau pour le Premier ministre Abe qui a fait de l’économie un enjeu majeur des élections législatives anticipées qu’il a lui-même provoquées.
« Dans un contexte de dénatalité et vieillissement accéléré de la population, ce scrutin du 22 octobre sera déterminant pour l’avenir des enfants », a déclaré jeudi Shinzo Abe.
Il a décidé que les principaux thèmes de campagne seraient: l’utilisation de l’argent issu d’une hausse promise de TVA (avec une meilleure redistribution entre les générations), le report au-delà de 2020 d’un retour à l’équilibre du solde du budget des administrations publiques (hors charge de la dette) et la poursuite de sa stratégie de relance « abenomics » avec un nouveau plan prévu de 2.000 milliards de yens (15 milliards d’euros).
Déjà en campagne, M. Abe compte bien s’appuyer sur les acquis: la série d’indicateurs pour le mois dernier publiée vendredi donne à l’évidence quelques avantages à son Parti libéral-démocrate (PLD, droite) face au principal rival qu’est devenu en l’espace de quelques jours le tout nouveau Parti de l’Espoir de la gouverneure de Tokyo, Yuriko Koike.
Les prix à la consommation au Japon, hors ceux des produits périssables, ont augmenté de 0,7% en août sur un an, accélérant la tendance positive constatée depuis le début de l’année, même si le rythme reste encore loin de l’objectif de 2% de la Banque du Japon (BoJ) et du gouvernement.
Le coût du pétrole et du gaz sont les moteurs de cette inflation qui n’est pas encore poussée par un mécanisme intrinsèque de hausse de la demande face à l’offre.
On verra ce qu’il en est dans les prochains mois, car, comme le souligne Marcel Thieliant de Capital Economics, « l’inflation énergétique est maintenant proche de son sommet et commencera à redescendre vers la fin de l’année ».
La clef se trouve du côté de la consommation des ménages nippons: elle a certes progressé de 0,6% en août sur un an, un regain bienvenu après le repli de juillet, mais reste néanmoins faible.
– « Abenomics » versus « Espoir » –
Les foyers japonais demeurent extrêmement précautionneux. Ils épargnent pour leur avenir et craignent des soubresauts venus de l’extérieur dans un contexte de vives tensions entre la communauté internationale et la Corée du Nord.
La promesse de M. Abe de rendre gratuite une partie de la scolarité des tout-petits vise à alléger le fardeau des parents et à les inciter à davantage dépenser par ailleurs.
Du côté de l’emploi il peut arguer que l’horizon est plutôt dégagé pour les actifs, même si cela relève surtout d’une baisse tendancielle de la main-d’oeuvre. Le taux de chômage est resté stable en août depuis juin, à 2,8% de la population active, un seuil qui ne s’était pas vu depuis 1994. Et le nombre d’offres d’emplois dépasse très largement les demandes, même si de grandes disparités existent entre les régions et secteurs.
« Afin de détendre le marché de l’emploi, le gouvernement a pris des dispositions pour encourager davantage le travail des femmes, mais les retards dans la réforme du système fiscal et la demande croissante d’infrastructures nécessaires, telles que les garderies et les maisons de soins pour personnes âgées, dépassent le potentiel actuel », souligne Katsunori Kitakura de SumiTrust.
Du côté de la production industrielle aussi les statistiques ont été plutôt bonnes: elle a rebondi de 2,1% en août sur un mois. L’enquête Tankan sur le moral des entrepreneurs, qui sera publiée lundi, donnera une indication supplémentaire sur la tendance.
Il faudra cependant plus que ces statistiques pour que M. Abe parvienne à convaincre les électeurs, d’autant que Mme Koike compte bien les séduire avec des arguments susceptibles de faire mouche.
Elle propose en effet, outre l’abandon du nucléaire, de geler la hausse de la taxe sur la consommation (TVA) qui est censée passer de 8% actuellement à 10% en octobre 2019, après avoir déjà été reportée sur décision de M. Abe. Lui, a juré qu’il maintiendrait l’échéance, mais sa rivale estime que les conditions économiques ne sont pas réunies pour faire supporter aux citoyens un alourdissement de cet impôt indirect.
Tous se souviennent qu’une précédente augmentation, en avril 2014, du taux appliqué (passé de 5% à 8%) avait plombé un début de reprise. Mme Koike argue que les ménages n’ont « pas d’espoir » et vivent mal toute charge supplémentaire, ajoutant que « les réformes abenomics ne vont pas assez vite » .
LNT avec Afp