Le Premier ministre italien Giuseppe Conte (en haut à droite) à la Chambre des députés, le 18 janvier à Rome © POOL/AFP GUGLIELMO MANGIAPANE
Le Sénat italien organise mardi un vote de confiance crucial pour l’avenir du gouvernement du Premier ministre Giuseppe Conte, lâché par Matteo Renzi et ses troupes, contraint de trouver une nouvelle majorité en pleine pandémie.
Après avoir obtenu lundi la confiance à la Chambre des députés, où les deux piliers de sa coalition, le Parti démocrate (PD, centre-gauche) et le Mouvement 5 Etoiles (M5S, antisystème), disposent de la majorité, M. Conte tentera le doublé à la chambre haute, où il lui manque sur le papier une quinzaine de voix pour atteindre la majorité absolue.
Giuseppe Conte, un professeur de droit qui ne s’est lui-même jamais frotté au suffrage universel, s’est lancé dans une chasse aux voix effrénée parmi les centristes et non-inscrits pour tenter de compenser le départ de M. Renzi et sa quinzaine de sénateurs.
Mardi matin, les quotidiens consacraient leur Une à la crise. « L’épreuve de vérité se tient aujourd’hui au Sénat », annonçait le journal de gauche La Repubblica. « Aujourd’hui au Sénat, l’épreuve la plus difficile », écrivait à l’unisson le quotidien de référence Il Corriere della Sera.
« Selon toute probabilité, Conte obtiendra la confiance également au Sénat. On ne sait pas avec combien de voix, probablement sans la majorité absolue de 161 voix, mais cela n’est pas indispensable à la survie d’un gouvernement », estime Giovanni Orsina, politologue à l’université romaine Luiss. « Cela veut dire que le gouvernement Conte survivra, mais avec une majorité plus réduite, donc avec une faiblesse plus significative au Parlement ».
L’avenir de Giuseppe Conte à la tête de l’exécutif ne serait donc pas menacé à court terme, mais sa marge de manœuvre risque d’être singulièrement réduite alors que l’Italie affronte sa plus grave récession économique depuis l’après-guerre, conséquence de la pandémie qui a fait plus de 82.000 morts dans la péninsule.
« L’avenir du pays dépendra des choix que chacun fera dans ces heures graves », a-t-il mis en garde lundi devant les députés.
Le Premier ministre « cherchera dans les semaines à venir à élargir cette majorité, en utilisant par exemple les postes ministériels rendus disponibles » par le départ des ministres du parti de Renzi, analyse Giovanni Orsina. Une perspective encore très hypothétique à ce stade, estime Wolfgango Piccoli, du cabinet de conseil Teneo. « Conte pourrait finir aux commandes d’une majorité extrêmement précaire qui risque de s’effondrer au premier vote qui [la] diviserait », analyse-t-il.
– Trois scénarios –
Dans un éditorial, Il Corriere della Sera met aussi l’accent sur le contexte particulier de cette crise. « Il est vrai que l’histoire d’Italie est pleine de gouvernements minoritaires, mais au cours de son histoire l’Italie n’a jamais été confrontée à une crise sociale et économique aussi dramatique », écrit-il.
Si Matteo Renzi a pris l’engagement que ses troupes s’abstiendraient, les soutiens de Giuseppe Conte devront se compter et le chef de l’exécutif n’est donc pas assuré de pouvoir se maintenir si sa majorité se révélait trop étriquée.
Dans ce cas, trois scénarios se dessinent: le PD et le M5S pourraient pactiser avec Renzi et former un gouvernement remanié, avec ou sans Conte à sa tête.
Une grande coalition pourrait aussi émerger, menée par une figure institutionnelle, non-partisane. Enfin, en cas d’impasse, des législatives seraient convoquées.
Or, aucun des membres de la coalition actuelle n’a intérêt à des législatives anticipées, car c’est l’alliance entre la droite de Silvio Berlusconi (Forza Italia) et l’extrême droite – la Ligue de Matteo Salvini et Fratelli d’Italia de Georgia Meloni – qui est donnée largement favorite.
La crise gouvernementale en cours a été provoquée par l’ancien Premier ministre Matteo Renzi (2014-2016), qui reproche notamment à Conte la teneur du programme de relance de 222,9 milliards d’euros tirés du méga-plan de 750 milliards d’euros adopté à l’été 2020 par les dirigeants européens et dont l’Italie est la principale bénéficiaire.
Il l’accuse de s’aligner sur le M5S et de « dilapider l’argent public » en accordant des rabais fiscaux et aides ad hoc pour des raisons électoralistes au lieu de profiter de cette manne pour investir et réformer structurellement.
LNT avec Afp