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Il y a des sujets que l’on aimerait ne jamais avoir à commenter. L’auto-censure, la peur de la précipitation, tourner et retourner les mots, comme lorsqu’on tourne sept fois notre langue dans notre bouche, pour se convaincre d’abord avant de s’exprimer. Mais, il ne faut pas se résigner parce que ce n’est pas le moment de se taire. Et maintenant, que dire ? Ou plutôt que dire en premier ?
Faut-il d’abord reconnaitre le caractère terroriste des attaques du Hamas avant de pouvoir s’exprimer sur ce que subissent les Palestiniens à Gaza depuis 2007 et ce qui se passe depuis aux yeux de tous, y compris le bombardement d’un hôpital ?
Faut-il au contraire comparer la valeur d’une vie israélienne ou palestinienne ? Combien de civils palestiniens doivent mourir pour soulager la soif de vengeance d’une partie de la nation israélienne ?
Faut-il convaincre nos amis juifs et occidentaux en priorité qu’en tant que musulmans nous ne sommes pas un bloc monolithique antisémite et terroriste ? Faut-il faire appel à l’Histoire violente et ancienne du conflit, pour contextualiser les événements actuels au risque de se perdre dans un débat aussi sinueux que celui de l’œuf et de la poule ?
Faut-il écouter les voix qui, en Israël même, demandent à qui profite cette escalade et s’interrogent sur ce que « Bibi » savait ou ne savait pas ? Ou faut-il croire Mahmoud Abbas, Président de l’Autorité palestinienne, seule entité officiellement reconnue pour représenter le peuple palestinien, lorsqu’il affirme que « les politiques et les actions du Hamas ne représentent pas le peuple palestinien » ?
Faut-il s’étriper dans la haine la plus crasse sur les réseaux sociaux, à coups de surenchères d’images de propagande qui manipulent les plus bas instincts en nous et justifient une humanité sélective ? Faut-il se dire que si l’Iran est impliqué, c’est peu dire que la cause palestinienne n’est qu’une nouvelle fois otage et victime d’intérêts qui la dépasse ?
Beaucoup de questions qui par leur simple formulation donnent le tournis et nous éloignent inexorablement d’une quelconque vérité sur ce conflit hormis celle implacable des vies brisées et des victimes innocentes des deux côtés.
Depuis trop longtemps, le sort du conflit israélo-palestinien est aux mains des extrêmes des deux camps, qui chacun avec son propre agenda a servi des intérêts concordants, ceux d’une impasse à la solution à deux États et à la paix négociée entre les peuples.
C’est encore une question, mais pourquoi est-ce que les partisans de la paix sont à ce point inaudibles, ridiculisés même, qualifiés de faibles, d’idéalistes ou de traitres à la cause, quelle qu’elle soit ? Si pour beaucoup la situation est vécue sans nuance, des milliers d’autres naviguent dans des eaux grises. Des couples, des familles, des amitiés se brisent sur l’autel de la haine et de la vengeance divine, alors que seule la paix, avec tous les compromis que ce mot implique et tout l’espoir qu’il contient, peut apaiser les deux camps.
A ce stade, les vies perdues sont le seul baromètre de la victoire des uns et des autres, seuls le Jihad et la Loi du Talion priment. Il faut que cela change en confisquant aux ennemis de la paix de tout bord, les décisions qui contraignent le sort de millions de personnes et exacerbent les opinions depuis 75 ans. Si les opinions publiques sont exposées émotionnellement à la situation actuelle, la communauté internationale, le Conseil de Sécurité de l’ONU, les puissances d’occident et d’orient, connaissent l’envers du décor et ne doivent plus accepter le cynisme de la situation.
Il est temps de mobiliser des moyens conséquents pour contribuer à régler un conflit qui est devenu l’emblème de l’échec du multilatéralisme, la mère de tous les conflits et une épée de Damoclès pour toute l’humanité depuis quatre générations.
Nous, Marocains, avons aussi notre mot à dire et notre contribution peut être conséquente vers cette troisième voie qui semble relever du mirage dans le contexte actuel. Le Maroc n’est pas n’importe quel pays arabe ou musulman vis-à-vis de la cause palestinienne, le peuple marocain y est particulièrement attaché comme l’ont montré les manifestations pacifistes de soutien au peuple palestinien, dimanche dernier à Rabat.
Le Roi Mohammed VI est Président du Comité Al Qods et le Roi Hassan II avant lui, a été un fervent artisan du processus de paix dans le conflit. Pour autant, nous avons aussi une tradition juive ancestrale qui est inscrite dans la Constitution de 2011, dont le préambule précise que l’apport hébraïque est un des affluents ayant enrichi l’identité nationale.
Le Roi Mohammed V s’est distingué pendant la seconde guerre mondiale par sa protection des juifs marocains, de même qu’une partie non négligeable de la population d’Israël est d’origine marocaine, et entretient un lien indéfectible, comme tous les Marocains du monde, avec la Monarchie et la Patrie. Cette dualité n’est pas une faiblesse mais une force d’un Maroc réputé comme terre de tolérance et artisan de la paix, fort également d’une diplomatie, dont l’excellence et l’expertise sont démontrées constamment sur l’avancée du dossier du Sahara marocain.
En un mot comme en mille, un seul mot d’ordre, Paix !
Zouhair Yata